eJournals Papers on French Seventeenth Century Literature 45/89

Papers on French Seventeenth Century Literature
0343-0758
2941-086X
Narr Verlag Tübingen
2018
4589

Critiqu laïque et critique cléricale des Pensées de Pascal à l’époque romantique: les cas de Victor Cousin et de l’abbé Charaux

2018
Ralph Albanese
PFSCL XLV, 89 (2018) Critique laïque et critique cléricale des Pensées de Pascal à l’époque romantique : les cas de Victor Cousin et de l’abbé Charaux R ALPH A LBANESE (T HE U NIVERSITY OF M EMPHIS ) Quand on s’interroge sur l’image de Pascal au cours de la génération romantique et postromantique, il convient de tenir compte du réveil d’orthodoxie du début du XIX e siècle qui fait pressentir le retour de l’auteur des Pensées, notamment sous la forme d’un mysticisme chrétien. Nous assistons alors à une volonté de renouveler la foi religieuse des Français de cette époque, bref, de rechristianiser la France au lendemain de la Révolution. Du renouveau religieux au catholicisme romantique, il n’y a qu’un pas. Aussi Pascal va-t-il représenter une figure importante dans l’orthodoxie chrétienne de cette époque. A cela s’ajoute l’antagonisme entre religion et laïcité qui s’est poursuivie en France, sous diverses formes, au long du XIX e siècle. L’enseignement de Pascal dans les écoles congréganistes servait à transmettre les valeurs fondamentales de l’héritage chrétien. Notons aussi que l’enseignement confessionnel du XIX e siècle se heurtait, toutefois, à un public mû en grande partie par l’attrait du matérialisme et des jouissances terrestres. L’image de « cet effrayant génie » (Chateaubriand) a pour effet de fonder la légende romantique d’un janséniste désespéré en proie à une maladie profonde : il s’agit d’un Pascal tourmenté par son « gouffre ». Selon l’auteur du Génie du christianisme (1802), l’angoisse du tempérament romantique trouve sa meilleure expression dans les Pensées de Pascal. En fait, il attribue la grandeur de la foi chrétienne de Pascal à son génie littéraire. Chateaubriand se solidarise ainsi avec Pascal quant à la signification profonde du christianisme 1 . De plus, il fait valoir la dimension esthétique du christianisme, c’est-à-dire, ses beautés poétiques, ainsi que les beautés de 1 Voir C. Lynes, Chateaubriand as a Critic of French Literature, Baltimore, Johns Hopkins Press, 1946, p. 30. Ralph Albanese 410 l’univers créé par Dieu. Il met en relief aussi la perspective chrétienne inhérente à la civilisation française. Redonner une place à Pascal dans l’histoire des idées du début du XIX e siècle, c’est aussi mettre en évidence le renouveau de la théologie chrétienne dans la France postrévolutionnaire. Le Premier Empire témoigne d’une restauration religieuse et nous voudrions esquisser d’abord l’apport de Pascal à la pensée philosophique de cette époque en signalant brièvement le rôle de Louis Bonald, de Joseph de Maistre et de Félicité de Lamennais. Les excès de violence entraînés par la Révolution ayant exercé une influence réelle sur leur philosophie, Louis de Bonald et Joseph de Maistre ont tous deux contribué à la formation du romantisme français. Faisant preuve d’une perspective catholique, Bonald prône l’idéal d’une monarchie constitutionnelle en France et fait ressortir, par ailleurs, les notions pascaliennes de volonté et d’esprit. De plus, dans ses Recherches philosophiques (1818), il s’accorde avec une idée du cœur propre à Pascal. A l’instar de Chateaubriand, le vicomte de Bonald se livre à l’idéal d’une restauration religieuse. Dans sa Théorie du pouvoir politique et religieux (1796), cet émigré soutient que la grandeur de Dieu s’oppose à la petitesse de l’homme. La société trouvant son origine en Dieu, il existe, selon lui, une mise en rapport hiérarchique entre les pouvoirs paternel, royal et divin. Se faisant l’apôtre du conservatisme socio-politique sous la Restauration, Bonald, dans ses Recherches philosophiques, met en relief la primauté de la tradition et de l’autorité et juge que les devoirs humains l’emportent définitivement sur les droits de l’homme. Ultra-royaliste, il combat la philosophie matérialiste et estime que l’union du Trône et de l’Autel provient de la volonté de Dieu. Croyant avec Bonald à l’intervention providentielle dans les affaires humaines, de Maistre, mis en exil à Saint-Petersbourg pendant quatorze ans, s’insère naturellement donc dans la pensée contre-révolutionnaire. Si Brunetière a appelé de Maistre « le théologien/ laïque de la Providence 2 , » c’est qu’il se montre désireux de « tuer l’esprit du XVIII e siècle » et, de ce fait, s’en prend avec vigueur à l’« insolente incroyance » de Voltaire, notamment dans son Essai sur les mœurs, bref, à « son impuissance mystique » (34). Dans la mesure où le scepticisme de De Maistre relève de la notion pascalienne du péché originel, on comprend sans peine que, dans Les Soirées de Saint-Petersbourg (1821), il affirme que les sociétés prennent 2 Se reporter à V. Giraud, De Chateaubriand à Brunetière. Essai sur le mouvement catholique en France au XIX e siècle, Paris, Ed. Spes, 1913, p. 33-34. Dans un article louangeur de Chateaubriand sur Bonald, l’auteur de René voit en lui le représentant de « […] l’autorité des bonnes mœurs (jointes à) l’autorité de génie. » C’est ainsi que s’exprime le credo de Bonald : « Une foi, une loi, un roi » (p. 28- 29). Critique des Pensées de Pascal à l’époque romantique 411 conscience de leur déchéance originelle et de la nécessité de se racheter. D’après lui, seule l’Eglise est susceptible de créer une véritable unité spirituelle en Europe. Se rattachant au catholicisme ultramontain, il entrevoit la mise en place de l’unité chrétienne sous l’égide du Pape, qui disposerait de la souveraineté absolue et de l’infaillibilité. L’absolutisme de De Maistre s’oriente décidément vers un idéal de théocratie chrétienne. Polémiste religieux qui s’en prend, lui aussi, aux valeurs philosophiques des Lumières 3 , Félicité de Lamennais incarne la dimension catholique et ultra du romantisme français à cette époque. Ramené à la foi par sa lecture du Génie du christianisme et des Pensées de Pascal, il décèle la vertu sociale du christianisme dans son Essai sur l’indifférence en matière de religion (1817- 1823), où il s’applique à prendre à partie la tiédeur religieuse des républicains 4 . Fort ému par les implications du pari pascalien, il croit à l’inefficacité radicale de la raison à découvrir la vérité. Romantique, l’abbé Lamennais oppose la foi à la raison. Plus précisément, Lamennais s’oppose avec vigueur à la notion de « raison individuelle » en tant que critère de la vérité. Bref, à l’instar de Pascal, il met en cause la futilité de la pensée rationnelle. S’orientant dans les années 1820 vers le libéralisme catholique, il s’avère marqué par la réforme sociale et humanitaire et par l’ultramontanisme. Ses Paroles d’un croyant (1833) connaissait un succès retentissant et témoignent d’une influence biblique ; s’inspirant d’un socialisme chrétien, Lamennais s’adresse ici à la misère du peuple et rattache la démocratie à l’idéal évangélique. Tout se passe comme s’il entendait réconcilier les principes de la Révolution et les dogmes de l’Eglise. Ce « nouveau Pascal 5 » devient, en fait, le chef spirituel de la Congrégation de Saint-Pierre à la Chesnaye en 1826, où il tâche de recréer l’atmosphère morale de Port-Royal. En plus de la liberté de religion, il importe de noter que Lamennais réclame la liberté de l’enseignement en France. Il finit par se révolter contre l’autorité spirituelle et s’est fait l’apôtre « […] d’un vague évangile démocratique 6 . » A la suite d’une seconde encyclique, il se trouve enfin défroqué et exilé de l’Eglise Romaine. Contrairement à la critique réactionnaire de Bonald et de De Maistre, Victor Cousin fait preuve d’une philosophie plutôt laïque sous forme d’un spiritualisme éclectique. On sait qu’il a le mérite d’avoir réclamé, en 1842, 3 V. Giraud, p. 63. 4 « Selon Lamartine: ‘C’est Pascal ressuscité. C’est magnifique, pensé comme M. de Maistre, écrit comme Rousseau, fort, vrai, élevé, pittoresque, concluant, neuf, enfin tout » (cité par V. Giraud, p. 62-63). 5 Se reporter à F. Strowski, Les « Pensées » de Pascal, Paris, Éd. de la pensée (1965), p. 248. 6 V. Giraud, p. 67. Ralph Albanese 412 une édition nouvelle et authentique des Pensées de Pascal 7 . Son Rapport devant l’Académie a eu une influence retentissante au point où l’abbé Bremond y ressent un effet d’éblouissement 8 . Grâce à son rôle d’ancien ministre de l’Instruction publique, Victor Cousin parvient à faire accepter officiellement les Pensées dans la classe de rhétorique en 1842. Dès lors, Pascal fait partie intégrante du canon scolaire français. Dans son Rapport, il voit en Pascal un grand écrivain, digne de figurer aux programmes des niveaux secondaire et universitaire ; d’après lui, « Pascal est venu à cette heureuse époque de la littérature et de la langue où l’art se joignait à la nature dans une juste mesure pour produire des œuvres accomplies 9 . » Après avoir signalé, dans une première partie de son article 10 , sa démarche novatrice, à savoir son « projet de restitution » des Pensées (1012), Victor Cousin met en relief l’évidence grandissante du scepticisme de Pascal. En fait, sa découverte d’un Pascal sceptique a fini par mettre en question la valeur apologétique de cette œuvre (1013). Cousin précise que le scepticisme pascalien se reporte à la philosophie et non à la religion chrétienne. Son scepticisme philosophique a eu pour effet donc de renforcer sa foi chrétienne. Cette doctrine postule, en effet, l’impossibilité d’arriver à la vérité morale et religieuse et aboutit alors à la dévalorisation de toutes les écoles philosophiques, et même au refus catégorique de toute philosophie (1014). Pascal respire le scepticisme ; il en est plein ; il en proclame le principe, il en accepte toutes les conséquences, et il le pousse d’abord à son dernier terme, qui est le mépris avoué et presque la haine de toute philosophie (1016). Qu’elle soit idéaliste ou empiriste, Pascal tient, selon Cousin, à faire ressortir les limites de la philosophie et s’en prend avec vigueur à la philosophie en tant que discipline. Pascal en arrive à préciser que le pyrrhonisme - « le 7 E. Havet félicite ainsi Cousin de son initiative de faire restituer le texte véritable des Pensées : « La date (1842) en demeurera mémorable dans l’histoire de notre littérature. » D’après lui, Cousin a réussi à créer une attente dans le public lettré du XIX e siècle, car on allait goûter enfin le vrai Pascal, c’est-à-dire, la dimension à la fois intellectuelle et affective des Pensées : « […] surtout il (Victor Cousin) remua tous les esprits en faisant sentir combien la vraie parole de Pascal et sa vraie pensée étaient plus hardies encore, plus violentes, plus étonnantes de toute manière que ce qui avait paru déjà si original dans les éditions » (E. Havet, éd., Les « Pensées » de Pascal, Paris, Dezobry et Magdelaine [1852], liv). 8 Voir J. Milon, « Deux Opinions sur Pascal - L’Abbé Bremond - Paul Valéry, » Revue d’Histoire Littéraire de la France, 35 (1928), p. 2. 9 Rapport à l’Académie française, Paris, Ladrange (1843), avant-propos, v. 10 « Du Scepticisme de Pascal, » Revue des deux mondes, XIII (1843), p. 1012-1033. Critique des Pensées de Pascal à l’époque romantique 413 doute universel et absolu » - se ramène à une forme rationnelle du « Que sais-je ? » (1016). Mettant en évidence l’impuissance de la raison humaine, Pascal finit par condamner toute philosophie, bien qu’il s’érige lui-même en philosophe moral (1018). Tout en reconnaissant son éloquence, Cousin démontre l’inconséquence du raisonnement pascalien (1023). De plus, il observe que le scepticisme trouve sa meilleure expression dans les domaines de la morale et de la politique (1024). Abordant la question de la politique, il tient à signaler que dans les Pensées, le souci de la paix l’emporte sur la justice ; à l’instar de Hobbes, Pascal souscrit alors à la formule « Force n’a pas droit ». D’ailleurs, Cousin met en relief le danger inhérent à la pensée politique de Pascal puisqu’elle ne se soucie pas de l’oppression sociopolitique du peuple (1026). Sa critique porte aussi sur le recours pascalien à la religion révélée, ce qui s’explique par son refus de la religion naturelle. Désavouant toute preuve rationnelle ou métaphysique de l’existence de Dieu, l’argumentation de Pascal arrive forcément à l’hypothèse du pari, qui illustre la valeur primordiale de l’intérêt (1030). Il faut noter ici que Cousin décèle avant tout l’aspect paradoxal sinon contradictoire des raisonnements de Pascal car, tout en ne croyant guère au « doute absolu, » il finit par mettre en valeur la dignité de l’homme (cf. « toute notre dignité est dans la pensée ») (1032). Bien qu’il souligne la primauté de la grâce et de la rédemption chez Pascal, Cousin fait observer que la foi pascalienne ne s’approche guère de celle des divers saints ni de Fénelon, Bourdaloue et Bossuet. Et c’est sur cette mise en évidence des multiples contradictions pascaliennes que se termine la première partie de son article. Dans la deuxième partie 11 , Cousin commence par condamner l’extrémisme de la doctrine janséniste, qui le pousse à défendre la légitimité de la raison et, par la suite, celle de la philosophie. Voici ce qui constitue, à ses yeux, « la première de toutes les vérités » : « […] le pouvoir légitime de la raison et les droits de la philosophie » (334). Par son côté démesuré, le jansénisme se rapprocherait alors du calvinisme. L’Eglise catholique, qui offre, par contre, une doctrine religieuse plus modérée, s’applique à défendre l’efficacité de la grâce. Conformément à l’Eglise, Cousin prend à partie les égarements du jansénisme. De plus, il met en relief la supériorité de la grâce chrétienne par rapport à la grâce janséniste, laquelle n’accorde aucune place ni à la raison naturelle ni à la liberté humaine. Dans ce même ordre d’idées, à l’enchaînement des vérités chrétiennes s’oppose celui des erreurs jansénistes (336). Malgré ces réserves concernant la doctrine janséniste, Cousin estime qu’il convient d’honorer Port-Royal sans pour autant croire à des superstitions. Errant « […] au milieu d’insurmontables 11 « Du Scepticisme de Pascal, » Revue des deux mondes, I (1845), p. 333-357. Ralph Albanese 414 ténèbres, » le jansénisme s’oppose, toutefois, à l’esprit même de la philosophie (337). À cet effet, il met en évidence les qualités propres à Port- Royal, à savoir, « la droiture, la conséquence, l’intrépidité, le dévouement ». Cousin passe en revue alors une série de disciplines - la psychologie, la logique, la morale et la théodicée - qui relèvent toutes d’une discipline maîtresse : la philosophie. Le jansénisme, par contre, se refusant à admettre toutes les sciences humaines et morales, se limite à la science du salut. Dans le cas de Pascal, son choix du jansénisme aboutit à une conséquence néfaste, c’est-à-dire, l’impuissance de la raison corrompue. Dans la mesure où l’éthique janséniste engage l’homme dans un rapport exclusif avec le Dieu des prophètes, tels Abraham, Isaac et Jacob, elle aboutit à la dégradation de la philosophie (338-39). Cousin aborde alors la controverse spirituelle entraînée par l’histoire du formulaire, à savoir, le bref de 1661 condamnant les cinq propositions de Jansénius. On sait que les religieuses de Port-Royal, et Jacqueline Pascal en tête, avaient refusé avec fermeté de signer le formulaire. Quant à Nicole et Arnaud, ils s’étaient montrés désireux d’éviter un schisme avec l’Eglise et avaient fait preuve de prudence en signant. Alors que les solitaires de Port- Royal s’en tenaient exclusivement à leurs dogmes en rejetant la philosophie, discipline au cœur des sciences humaines, Cousin reconnaît cependant l’esprit plus modéré de Lemaître de Sacy dans cette affaire (340-41). D’ailleurs, il fait ressortir l’opposition systématique des jansénistes vis-à-vis du cartésianisme. A cet égard, Nicole et Arnaud se révélaient plus modérés par rapport au « néophyte » Pascal. Revenant à l’extrémisme pascalien dans le domaine de la grâce janséniste, Cousin s’en prend à l’ascétisme démesuré de Pascal. Selon lui, Pascal ayant passionnément fait vœu d’adopter la souffrance du Christ, Cousin expose les diverses composantes de sa vie qui montrent à quel point il lui manquait de modération : « Il y avait en lui à la fois de l’enfant, du bel-esprit, du héros et du fanatique. Il ne prenait et ne faisait rien à demi ». S’il faisait preuve d’un manque de grandeur sur le plan scientifique, ce défaut s’explique par le fait qu’il limitait sa pratique du cartésianisme à sa partie mathématique et physique. Quant aux démêlés scientifiques entre Pascal et Descartes, Cousin juge qu’on a affaire à « […] deux génies entièrement opposés » (343). Il lui reproche, du reste, de ne se lancer ni dans la philosophie ni dans la métaphysique, car Pascal restait imbu de deux philosophes sceptiques : Montaigne et Charron. Du scepticisme au pessimisme janséniste, le pas est vite franchi. Dans le cas de Nicole et d’Arnaud, Cousin les considère comme des cartésiens parfaits, c’est-à-dire, des esprits philosophiquement modérés. Professeur de belles lettres et de philosophie, Nicole réfute le scepticisme et Critique des Pensées de Pascal à l’époque romantique 415 se fait apologiste de la philosophie. Il s’ensuit alors que Cousin estime que La Logique de Port-Royal constitue une réponse cohérente aux Pensées (345). Il démontre par la suite que Nicole et Arnauld ont atténué le scepticisme cher à Pascal en préparant la première édition des Pensées en 1670. De plus, il signale que la plupart des contemporains de Pascal restaient indifférents à cette œuvre : […] au XVII e siècle nul philosophe, nul théologien célèbre n’a loué ni même cité les Pensées. On cherche en vain un seul mot sur ce livre dans Fénelon, dans Malebranche, dans Bossuet, et même dans l’immense correspondance d’Arnauld (346). Bien que La Rochefoucauld témoigne d’une sympathie réelle vis-vis des Pensées, Cousin ne manque pas de faire le bilan des tares d’ordre moral propres à l’auteur des Maximes. Après avoir critiqué la théorie du divertissement, qu’il trouve par trop subtile, il fait observer que Nicole, dans la mesure où il condamnait la morale relâchée des jésuites, s’avérait, à proprement parler, bien plus anti-jésuite que janséniste (348). Signalons, enfin, que Nicole et Arnauld s’opposaient aux « folies héroïques » de Pascal vis-à-vis de Port-Royal. Malgré l’influence néfaste de Saint-Cyran sur Arnauld, « l’âme du parti janséniste » (352), celui-ci s’accorde avec les principaux préceptes de Descartes. En fait, de même qu’Arnauld, Bossuet a toujours reconnu pour vrai le cartésianisme. Alors que Cousin envisage Pascal vers 1660 comme « le véritable interprète » de Port-Royal, il s’engage à mettre en relief le décalage irréductible, chez lui, entre la grâce janséniste et la philosophie. Mû par un sectarisme religieux et un doute rongeur, Pascal s’en tient aux principes fondamentaux de Port-Royal, qui s’opposent, en définitive, au cartésianisme et à toute autre philosophie (353). Selon la perspective libérale de Cousin, puisque Pascal se rattache étroitement à la tradition sceptique de Pyrrhon et Sextus, il en arrive à nier toute liberté intellectuelle et s’érige par là en « ennemi de la philosophie 12 ». Conformément à son idéal humanitaire, Cousin aspire à une gradation des amis, à la patrie et, enfin, à l’humanité. C’est ainsi qu’il se rattache à l’idéal moral des grands penseurs de 12 Dans son « Etude sur les Pensées de Pascal, » E. Havet soutient qu’on peut lire les Pensées selon l’optique des « ennemis de la philosophie. » Pascal finit, selon lui, par répondre « aux ennemis de la raison » par sa mise en valeur de la pensée indépendante, hors de l’influence contraignante de l’autorité et de la force : « Non, Pascal n’est pas un ennemi de la philosophie, car la philosophie n’a pas d’ennemis, à mon sens, que ceux qui ne raisonnent pas et qui ne veulent pas qu’on raisonne, soit par une aveugle superstition, soit par un mépris stupide de l’intelligence, » lxiv. Ralph Albanese 416 l’antiquité. La société française étant fondée sur les valeurs républicaines - « la morale et la religion naturelle, » valeurs qui ont été proclamées par la Révolution - il s’ensuit alors que les citoyens jouissent d’une réciprocité entre leurs droits et leurs devoirs. Cousin exalte, en fin de compte, la notion de laïcité, illustration suprême de la raison naturelle. Aussi prend-il à partie, de manière oblique, un enseignement confessionnel qui exploite « le nom révéré de Pascal » pour avancer un dogme chrétien fondé sur un mysticisme irrationnel et régressif. En raison de son idéal d’« abêtissement, » Pascal apparaît, en dernière analyse, comme l’adversaire désigné de l’enseignement philosophique (354). Alors que l’étude de Victor Cousin apparaît sous la Monarchie de Juillet (1843-45), celle de l’abbé Charaux, « Pascal, philosophe chrétien, » représente une attaque dirigée contre l’éclectisme cousinien et apparaît vers la fin du Second Empire 13 . Après avoir mis en évidence les qualités principales de l’éloquence de Pascal - « la simplicité, la force et la profondeur » - l’abbé Charaux exalte la grandeur de la foi pascalienne et recourt à une métaphore rabelaisienne - force est d’aller « jusqu’au suc et jusqu’à la moëlle » - afin d’atteindre l’essence philosophique des Pensées (287). Reconnaissant sa préférence pour le style de Bossuet, par rapport à celui de Pascal, il reproche à ce dernier de s’être fourvoyé dans un sectarisme janséniste, bien loin de l’orthodoxie chrétienne, notamment dans son portrait outré de la misère de l’homme. Il traite alors Victor Cousin de « père de l’éclectisme 14 » et soutient que sa notion du scepticisme finit, paradoxalement, par prendre une allure dogmatique. Dépourvu de la foi chrétienne, selon lui, V. Cousin se limite au rôle du commentateur détaché de la foi de Pascal et s’interroge avant tout sur la langue et le style des grands auteurs classiques (288). Bien qu’il admette, en principe, le scepticisme de Pascal, il 13 L’abbé Charles Charaux, « Pascal, philosophe chrétien, » Le Contemporain, fév. 1869, 287-300. Charaux a aussi écrit De l’Art d’enseigner et en particulier la morale (Paris, Belin, 1867) et Du Beau et de la pensée dans l’histoire (Paris, Pedone-Lauriel, 1887), parmi d’autres ouvrages philosophiques et historiques. 14 D’après P. Orecchioni, l’éclectisme de Victor Cousin aboutit à un conformisme bourgeois, c’est-à-dire un « spiritualisme conservateur. » Les vérités établies devaient s’accorder avec la politique de la Restauration et de la Monarchie de Juillet. Aux yeux de Cousin, la doctrine de l’Université devait s’apparenter aux dogmes de l’Eglise. Les éléments constitutifs de sa philosophie spiritualiste se présentent ainsi : « Dieu, l’immortalité de l’âme, la conscience et la personnalité (abstraites), l’ordre, l’autorité. » Force est de recourir alors aux arguments socialement et politiquement acceptables. Il s’agit, plus précisément, de transformer la politique de cette période historique (1815-1848) en philosophie officielle : celle de la Restauration et du gouvernement de Juillet en France (Histoire littéraire de la France, IV, Paris, Ed. Sociales, 1972), p. 585-594. Critique des Pensées de Pascal à l’époque romantique 417 en arrive à généraliser le concept au point où tout chrétien s’avérerait, par exemple, susceptible d’avoir des doutes face à l’ambiguïté du Deus absconditus, un Dieu à la fois présent et absent… Dans une perspective nettement jésuite, l’abbé Charaux affirme que les multiples « contrariétés » dégagées par Pascal illustrent la sagesse réelle de ce « guide de l’humanité ». Plus précisément, la foi et la piété pascaliennes s’expliquent par la connaissance intime que l’auteur des Pensées a cru avoir du Christ : ce n’est que par l’intermédiaire du Christ que l’on arrive à connaître Dieu (289-90). Malgré l’état inachevé de l’apologie de Pascal, l’abbé Charaux fait ressortir la continuité du genre apologétique à travers les siècles. Dieu représentant, selon lui, la « suprême intelligence » de l’univers - « l’ordre parfait a précédé la pensée parfaite » - sa « lumière supérieure » permet aux hommes de saisir les faits scientifiques et historiques ainsi que les lois constantes communément admis. Après avoir souligné la primauté absolue de l’Eglise chrétienne, il montre que les philosophes du XVII e siècle - le « siècle des saints » - ont le mérite d’avoir le mieux réfléchi sur le rapport entre l’homme, l’univers et Dieu (291). De plus, c’est en cherchant la vérité dans les sciences que ses ancêtres du grand siècle ont fini par la trouver dans la foi. Charaux exalte alors les « chefs-d’œuvre immortels » des grands auteurs de cette époque. C’est ainsi qu’il envisage les principales disciplines propres aux esprits classiques : les « bonnes lettres, » la philosophie et la théologie. Réfléchissant à l’atmosphère morale du Second Empire, il se lamente du nombre considérable de ceux qui sont tombés dans l’incrédulité (292). Il loue, d’une part, l’apport de Descartes à la pensée française du XVIIème siècle, surtout le fait d’avoir retrouvé l’existence de l’âme dans la pensée ainsi que l’existence divine dans ces deux entités. Il fait ressortir, d’autre part, les limites de la pensée cartésienne : l’ambiguïté propre à « l’idée du parfait » et la conception d’une « pensée » qui se révèle dépourvue de l’amour chrétien : « La ‘pensée’ sans l’‘amour’ est une lumière sans chaleur, qu’on peut entretenir, comme ces feux de paille et de broussailles qui brillent sans échauffer… ». Au lieu de démontrer rationnellement l’existence divine, mieux vaut, à en croire Charaux, jouir de la présence du « Dieu vivant » (293). Dans cette perspective cléricale, il convient de ne pas séparer l’amour et la pensée, et il serait bon alors de citer les phrases célèbres de Pascal qui montrent que la foi réside dans un cœur auquel Dieu est particulièrement sensible. En un mot, Dieu incline le cœur à croire. Poursuivant sa critique du cartésianisme, l’abbé Charaux signale que dans ses Méditations et dans son Traité des passions, Descartes accorde peu de place à Dieu. Et c’est là qu’il met en relief la supériorité de Pascal par rapport au disciple de Descartes, Malebranche, en affirmant que Pascal se fait disciple exclusif du Ralph Albanese 418 Christ (294). S’appuyant sur les principes spiritualistes chers à Cousin, il affirme que l’humanisme chrétien est fondé sur le vrai, le beau et le bien. Ces trois forces contribuent, en effet, à l’idéal de la grandeur morale de l’homme 15 . Charaux tire de ce raisonnement la conclusion définitive des Pensées, qui se rapporte en même temps au « plus haut enseignement de la philosophie » : Le dernier mot de l’âme humaine, c’est toujours Jésus-Christ, réparateur par sa grâce de l’ordre troublé par la faute ou le crime, sauveur et rédempteur pour l’éternité de ceux qui, dans le temps, auront confessé sa divinité, reçu sa parole… (295). Reprenant sa critique de l’éclectisme, Charaux précise d’abord que V. Cousin a eu le mérite de s’acharner à combattre les représentants du sensualisme, Locke et Condillac. Il prend à partie alors les disciples de Cousin, les éclectiques, qui n’ont décelé aucun amour dans l’âme ; d’où leur manque d’éloquence réelle. Pendant près de cinquante ans, ils ont livré bataille contre le sentiment. Mus par la science, les éclectiques ont élaboré des théories mal fondées sur la beauté et la grandeur de l’homme et ils ont fini par créer une fausse harmonie universelle. Sur un ton sarcastique, Charaux signale que les éclectiques refusent de faire face aux dogmes principaux du christianisme, tels le péché originel, la chute et la rédemption. Conformément à Malebranche, ils estiment que le Verbe divin s’incarne dans une vision abstraite de l’humanité. D’ailleurs, ils prennent appui sur les principes de l’humanisme classique, c’est-à-dire, ces « nobles idées du vrai, du beau et du bien » qui vont fonder la doxa scolaire en France au XIX e siècle 16 . Les disciples cousiniens se soumettent, enfin, au « Dieu de la raison pure » (298). L’abbé Charaux fait un contraste, par ailleurs, entre l’image du Christ théologiquement correcte, image projetée dans les Pensées, et celle propre à ceux qui se réclament de l’héritage cartésien d’un rationalisme positiviste. Aussi condamne-t-il la vision scientiste du XIXème siècle dans la mesure où elle débouche sur l’inexistence de l’âme. En mettant en évidence la réciprocité qui relie le cœur à la raison, Pascal parvient à créer la base d’une psychologie complète et authentique. Dès lors, la morale pascalienne s’avère parfaitement fondée en ce sens que le cœur s’adresse à l’amour et à la raison afin de légitimer des lois justes (299). Dépourvu de conscience morale, l’éclectisme repose sur une psychologie académique détachée du réel. A la 15 Du Vrai, du beau et du bien, Paris, Didier, 1853. 16 Dans une optique humaniste et philosophique, le vrai, le beau et le bien renvoient, respectivement, à l’épistémologie, à l’esthétique et à l’éthique. A cela s’ajoute l’acceptation sereine du juste milieu par le bon sens. Critique des Pensées de Pascal à l’époque romantique 419 différence des moralistes chrétiens de l’Ancien Régime, tels La Bruyère et Vauvenargues, les psychologues éclectiques n’offrent guère d’aperçus judicieux sur la vie sociale. Telle que la conçoit Pascal - « le premier moraliste de son siècle et peut-être de tous les temps » -, sa psychologie sert à éclairer les comportements humains au sein de la société du XIX e siècle. Il va de soi que la morale pascalienne s’inscrit « naturellement » dans les valeurs chrétiennes orthodoxes. D’autre part, le Dieu de Pascal s’oppose nettement au « Dieu de la raison pure » (300-301). D’après Charaux, grâce à leur mise en rapport avec Pascal, les commentateurs « les plus autorisés » des Pensées - et ses maîtres - de la génération actuelle ne peuvent s’empêcher ou bien de devenir ou bien de rester chrétiens. Il termine son analyse en valorisant la perspective des belles lettres, qui comprenaient alors, on le sait, la littérature, la philosophie et la religion, et qui servaient à transmettre les valeurs intellectuelles et morales relevant du christianisme, telles qu’elles étaient enseignées dans les écoles confessionnelles du XIX e siècle. On ne saurait trop insister, selon G. Weill, sur l’influence de Victor Cousin pendant une moitié du XIX e siècle (1840-90) et même au-delà, époque qui correspond au rôle important joué par le déisme dans l’enseignement philosophique en France 17 . Afin de mieux éclairer le débat entre la portée intellectuelle de l’éclectisme cousinien et la perspective antiéclectique et chrétienne de l’abbé Charaux, il convient de tenir compte de quelques manuels scolaires qui illustrent l’optique laïque chère à Cousin et celle, confessionnelle, qui fait valoir les limites du « cousinisme. » Dans son Histoire de la littérature française 18 , J. Demogeot, professeur de rhétorique au lycée impérial Saint-Louis, après avoir exalté l’« éloquence sublime » de Pascal, se réclame de l’interprétation de V. Cousin en adoptant la vision romantique d’un poète qui écrit avec « le sang de son cœur » (393). Il estime que le lecteur des Pensées se trouve saisi d’effroi en s’engageant personnellement dans le « long drame religieux » de Pascal. Le critique termine son jugement sommaire en citant Cousin : C’est par l’âme que Pascal est grand comme homme et comme écrivain ; le style qui réfléchit cette âme en a toutes les qualités, la finesse, l’ironie amère, l’ardente imagination, la raison austère, le trouble à la fois et la chaste discrétion. Ce style est, comme cette âme, d’une beauté incomparable (Des « Pensées » de Pascal, Paris, Didier [1844], avant-propos, vii). Conformément à la perspective laïque de J. Demogeot, F. Hémon, dans son Cours de littérature, défend encore la thèse « discréditée » du scepticisme de 17 G. Weill, Histoire de l’idée laïque au XIX e siècle, Paris, Alcan, 1929. 18 Histoire de la littérature française, Paris, Hachette, 1855. Ralph Albanese 420 Pascal, bien qu’il n’attribue pas son doute à sa maladie 19 . Il met en revue alors une série de critiques qui s’interrogent sur la problématique du scepticisme chez Pascal. Alors que V. Cousin et E. Havet font le portrait d’un sceptique qui souffre de son doute, Brunetière, lui, rend compte de l’esprit sceptique de Pascal en relevant son pessimisme et sa souffrance physique. D’après E. Schérer, ce scepticisme se manifeste notamment dans son conseil visant à l’abêtissement (31) 20 . F. Hémon signale aussi que Bourdaloue et Bossuet, n’ayant guère été exempts du pessimisme chrétien, s’avèrent fort loin du « scepticisme véritable. » Quant aux « philosophes rationalistes, » il juge que leur doute ne témoigne pas non plus du vrai scepticisme (32). Par ailleurs, il tient compte de la thèse d’E. Droz, qui prétend qu’à l’instar du dogmatisme, le scepticisme constitue un aspect significatif de la vérité : selon cette thèse, quoique sceptique, Pascal n’a guère été tourmenté par le doute 21 . F. Hémon termine cette mise en revue en précisant que, dans le domaine de la grâce, il n’y a aucune trace de scepticisme pascalien (33). Contrairement aux perspectives laïques du scepticisme de Pascal, F. Brunetière envisage Pascal comme un « ascète chrétien » qui, à la suite de sa seconde conversion à la doctrine janséniste, s’adresse à ses contemporains afin de les amener à la foi 22 . Il se livre alors à un bel éloge des Pensées : […] il n’y a pas dans la littérature française, ni dans aucune autre littérature peut-être, de plus beau livre, de plus sincère surtout ni de plus émouvant que ces fragments épars et mutilés que nous appelons Pensées de Pascal (308). Prenant à partie l’optique cousinienne du scepticisme de Pascal, Brunetière affirme que loin d’être sceptique, l’auteur des Pensées se montre le plus souvent dogmatique. De plus, par son insistance sur la volonté, Pascal s’inscrit en faux contre la doctrine intellectualiste de Descartes et fait pressentir plutôt la pensée de Schopenhauer (314-15). Le critique catholique signale, enfin, que le dogmatisme janséniste de Pascal se situe aux antipodes de la vision philosophique de Rousseau. Le manuel d’A. de Parvillez, La Littérature française, destiné aux écoles congréganistes, traite l’interprétation romantique et cousinienne des Pensées de « fantaisiste 23 . » De même que Brunetière, Parvillez fait ressortir le dogmatisme janséniste de Pascal. Partisan d’une perspective catholique et orthodoxe, il met en évidence les 19 Cours de littérature, IX, Paris, Delagrave, 1893, p. 9. 20 E. Schérer, « La Religion de Pascal, » in Études sur la littérature contemporaine, IX, Paris, Calmann-Lévy, 1889, p. 175-194. 21 E. Droz, Étude sur le scepticisme de Pascal, Paris, Alcan, 1886. 22 Histoire de la littérature française, II, Paris, Delagrave, 1912, p. 308. 23 La Littérature française, Paris, Beauchesne, 1922, p. 359. Critique des Pensées de Pascal à l’époque romantique 421 multiples excès du jansénisme. Il condamne aussi les optiques « modernistes » des Pensées ainsi que celles qui relèvent du protestantisme libéral (376). Conformément à l’enseignement des jésuites, il estime que Dieu accorde volontiers la grâce aux âmes de bonne volonté. D’ailleurs, Parvillez se réfère à l’autorité de l’Eglise quant aux conséquences radicales du péché originel (378). Malgré ses nombreuses réserves vis-à-vis de la doctrine janséniste, il reconnaît le génie de Pascal et l’apport qu’il a fait à l’apologétique chrétienne (379). Au terme de cette étude sur la critique pascalienne lors de la génération romantique et post-romantique, et notamment sur l’ampleur de la réaction au projet critique de Victor Cousin, il convient d’insister sur le fait que Cousin cherchait avant tout à créer une réconciliation nationale entre les deux mouvements antagonistes : les cléricaux et les anticléricaux 24 . Que l’on soit congréganiste ou laïque, on s’accordait sur l’idée que l’enseignement littéraire au XIX e siècle devait servir à cultiver dans les « deux jeunesses » le sentiment de l’identité culturelle en France. D’après la vision républicaine, il s’agissait de s’en tenir à un héritage révolutionnaire. Les catholiques, par contre, entendait revenir à la foi chrétienne (54). Malgré leurs divergences réelles, les deux types d’écoles visaient tous deux, en définitive, à inspirer dans leurs élèves le sentiment national, c’est-à-dire, le patriotisme 25 . 24 Se reporter à T. Zeldin, Anticlericalism, Education and Morals in the Nineteenth Century, London, Allen, 1970, p. 55. 25 Je tiens à remercier Denis Grélé de ses excellents conseils d’ordre stylistique lors de l’élaboration de cet essai.