eJournals Papers on French Seventeenth Century Literature 45/88

Papers on French Seventeenth Century Literature
0343-0758
2941-086X
Narr Verlag Tübingen
2018
4588

Marcella Leopizzi (éd.): Charles Sorel, La Maison des Jeux, tome 1. Édition critique par Marcella Leopizzi. Paris: Champion, «Sources classiques 126», 2017. 356 p. - Marcella Leopizzi (éd.): Charles Sorel, La Maison des Jeux, tome 2, Seconde Journée. Texte accompagné de l’analyse de toutes les variantes des trois éditions, établi, présenté et annoté par Marcella Leopizzi. Paris: Champion, «Sources classiques 129», 2018. 329 p.

2018
Volker Kapp
PFSCL XLV, 88 (2018) 228 supercheries éditoriales dans les controverses religieuses au tournant des XVI e et XVII e siècles », 93-112) est aussi intéressant que celui caractérisant la naissance des périodiques (Jean-Dominique Mellot, « Périodiques et privilèges dans la France du XVII e siècle, entre monopoles et exceptions », 113-155) - on profitera de consulter l’inventaire des « périodiques français antérieurs à la Fronde et leurs privilèges » (44-155). Les privilèges en vers dans les œuvres burlesques de Scarron à Brébeuf sont un argument divertissant traité par Jean Leclerc (« Privilèges et vogue du burlesque », 175-192). Surtout après 1700, Anne Dacier « sait faire valoir ses droits en demandant que son travail intellectuel ne soit pas sous-estimé […]. Les notions de la rémunération du travail intellectuel et de la propriété littéraire ne lui sont nullement étrangères » (Éliane Itti, « Les privilèges de libraire de Madame Dacier », 216-217). Les estampes, restées longtemps exclues de la législation, devinrent sous Louis XIV une « exclusivité » des membres de l’Académie de Peinture et de Sculpture dès qu’elles représentent des biens de la Couronne (Henriette Pommier, « Etampes et privilèges sous l’Ancien Régime », 228). Les imprimeurs-libraire et les taille-douciers dont la rivalité est grande, se sont « tout particulièrement souciés de l’image dans leurs privilèges » (Daniel Régnier-Roux, « Privilège de libraire et image. Le livre d’architecture aux XVI e et XVII e siècles », 314-315). « Il y a au XVI e siècle un réseau européen d’antiquaires passionnés d’épigraphie » et les imprimeurslibraires Robert et Charles Estienne sont « à l’origine des nombreux livres à l’antique, chefs-d’œuvre du genre » (Sylvie Deswarte-Rosa, « Privilèges épigraphiques au XVI e siècle », 318-319) : Ce volume fournit une abondance d’informations précieuses pour l’historien de la littérature. Volker Kapp Marcella Leopizzi (éd.) : Charles Sorel, La Maison des Jeux, tome 1. Édition critique par Marcella Leopizzi. Paris : Champion, « Sources classiques 126 », 2017. 356 p. Marcella Leopizzi (éd.) : Charles Sorel : La Maison des Jeux, tome 2, Seconde Journée. Texte accompagné de l’analyse de toutes les variantes des trois éditions, établi, présenté et annoté par Marcella Leopizzi. Paris : Champion, « Sources classiques 129 », 2018. 329 p. C’est « la première publication avec un apparat critique de La Maison des Jeux (Première Journée) » (I, 9) de Charles Sorel, Daniel Gajda n’ayant publié en 1977 chez Slatkine qu’une reproduction anastatique de la première journée dans la version de 1657 avec introduction et notes en anglais. Parue Comptes rendus 229 pour la première fois en 1642, la Première Journée est reprise sans variantes importantes en 1643. Marcella Leopizzi prend à juste titre la « Dernière edition Reveuë, Corrigée et Augmentée », sortie en 1657 à Paris chez Antoine de Sommaville, pour « base » de son édition critique parce qu’elle est « la plus complète » (I, 10). La « Notice introductive » évoque les données de base : l’histoire éditoriale (I, 9-10), les « principes d’établissement du texte » (I, 10-13) et une « description de l’ouvrage » (I, 13-15). Au début de la Préface (I, 15-22), elle loue Sorel de faire « cadeau au lecteur d’un ouvrage de ‘récréation’ qui, en parallèle aux aspects ludiques, propose de nombreux sujets de réflexions et fournit une peinture de certaines ‘réalités’ - querelles, modes, connaissance, mentalités, valeurs - contemporaines » (I, 22). Ensuite elle résume rapidement tout l’ouvrage (I, 23-48). Les exemplaires de La Maison des Jeux étant « très rares » (I, 48), l’éditrice « espère en favoriser la lecture » (I, 48) par son édition critique. Elle reproduit même la page de titre des trois éditions (I, 49-51), les « tables des principaux sujets de La Maison des Jeux » (I, 53-68), les privilèges (I, 69-72), l’ « Epistre » contenue dans l’édition de 1657 (I, 73-74) et l’ « Avertissement aux Lecteurs » (I, 74-79). Sorel y souligne que la plupart des jeux qu’il présente « ne peuvent plaire qu’à des personnes de bonne condition, nourries dans la civilité et la galanterie, et ingenieuses à former quantité de discours et de reparties pleines de jugement et de sçavoir » (I, 78). La notion de « galanterie » est donc centrale pour Sorel, mais l’éditrice ignore l’étude de Delphine Denis Le Parnasse galant. Institution d’une catégorie littéraire au XVII e siècle (Paris, Champion, 2001) qui analyse La Maison des Jeux (203-206) et sa vision du jeu (244-248). Le texte de cette première partie (I, 81-329) ainsi que celui de la Seconde Journée (II, 67-304) est complété par une bibliographie qui n’enregistre que les éditions originales des œuvres de Sorel (I, 331-335, II, 307-310) et les ouvrages cités (I, 335-344, II, 311-319). Un index des noms (I, 345-350, II ; 321-324) et des personnages (I, 351- 353, II, 325-328) facilite la consultation des deux volumes. La première édition de la Seconde Journée « a été publiée en 1642 » et republiée « presque telle quelle » la même année accompagnée de « la réédition de la Première Journée datant de 1643 » (II, 9). Sorel y a ajouté en 1657 « des notes récapitulatives dans la marge » (II, 12) et surtout, au livre IV, une partie finale, qu’il juge nécessaire afin « que rien ne manque à nostre Livre, pour avoir une forme de Roman » (II, 298). Aussi le texte de 1657, le plus complet, sert-il de base à cette première édition critique de l’ouvrage. L’éditrice, qui reproduit la Table des Principaux Sujets de la Seconde Journée » au début du volume (II, 12-18), laisse au lecteur l’initiative de la comparer avec celle de 1657 se trouvant à la fin (II, 300- 305). PFSCL XLV, 88 (2018) 230 Marcella Leopizzi, qui a publié des études sur Henri Meschonnic, invoque son autorité pour refuser « de moderniser l’orthographe et la ponctuation dans l’établissement des textes anciens » (I, 11). Selon Meschonnic, cette modernisation « retire aux textes leurs rythmique, leur oralité, une part de leur historicité, donc de leur mode de signifier, retire les textes à la lecture par l’acte qui prétend les donner à lire » (cité I, 11). Un très grand nombre de notes concernant la ponctuation se trouve en bas de presque chaque page des deux volumes. D’après notre éditrice, la « modernisation de l’orthographe aurait empêché une présentation complète de toutes les variantes telle que nous la proposons dans les notes » (II, 19). Aussi laisse-telle « telles quelles, sans les uniformiser, toutes les incohérences orthographiques contenues dans le texte » en optant pour un « respect total de l’ensemble [des] indications : numéros des pages, division des chapitres, alinéas, notes dans les marges, emploi des lettres minuscules et majuscules » (II, 18-19). Cette fidélité oblige signaler par exemple « dautant » au lieu de « d’autant », « davantage » au lieu de « d’avantage », « dît » au lieu de « dit », « jeune-homme » au lieu de « jeune homme », « long temps » au lieu de « longtemps » etc. Cela a pour conséquence désagréable d’entraver l’identification d’éventuelles coquilles, par exemple du mot de « pleuple » dans la phrase « Ce sera le spectacle continuel du pleuple qui vous rendra ses devoirs » (II, 250) - mot qui mériterait un commentaire. On hésite également face à une citation tirée de la Bibliothèque françoise concernant « l’Astrée (1610-1627) d’Honoré d’Hurfé » (I, 228) parce que cette variante du nom d’auteur ne se trouve ni dans un autre renvoi à ce romancier (II, 108) ni dans les deux volumes de la nouvelle édition critique de ce roman. Marcella Leopizzi invite souvent le lecteur à « remarquer » (par exemple I, 109 ou II, 275) une donnée qui mériterait un commentaire, ou à « réfléchir » (II, 242) sur une phrase, forçant ainsi le lecteur à se faire lui-même une idée de La Maison des Jeux. Elle aime prendre ses sources dans les éditions ou les dictionnaires qu’on trouve dans l’internet afin de permettre leur consultation à ceux qui n’ont pas à leur disposition des fonds de bibliothèque ancienne. Lorsque Castiglione est évoqué dans l’Avertissement de la Première Journée parmi les « Italiens [qui] ont deja écrit de cette matiere », une note précise : « Tout au long de l’ouvrage, l’auteur cite, entre autres, Stefano Guazzo, Baldassare Castiglione et Innocentio Ringhieri » (I, 76). Les expressions « Le Comte Balthasar de Chastillon » et son « Livre du Parfait Courtisan » nécessitent une note citant le titre italien et ses traductions françaises (I, 259). Cette note est reproduite (I, 276) lorsque le même auteur est nommé le « Comte Balthazard » et que le début de son Courtisan est résumé (I, 276-280). Quand le personnage de Clymante Comptes rendus 231 prétend que « tout ce que l’on sçavoit en France de pareils Jeux […] surmonte mesme ce qui s’en fait en Italie […] aux veilles des Academies de Sienne », l’éditrice se contente d’expliquer : « Au XVII e siècle, les ‘veglie di Siena’ représentent une référence au niveau européen. Les ouvrages de Ringhieri, Bargagli, Guazzo et Castiglione ont contribué au succès des jeux de Sienne » (I, 192). La supériorité prétendue des Français sur les Italiens reste sans commentaire. Sorel exalte « la felicité qui accompagne ceux qui ont l’adresse […] de trouver des Jeux innocens et agreables, où les bons esprits ont de quoy se recreer honnestement » (I, 138), et l’éditrice remarque : « Voici la définition des jeux aptes à « recréer les bons esprits ». Remarquez l’adverbe honnestetement : allusion aux honnêtes gens » (I, 138). Cette « allusion » mériterait d’être approfondie parce qu’elle va au centre de l’univers ludique de toute La Maison des Jeux. L’étude ancienne de Maurice Magendie, qu’elle allègue, ignore une grande partie des idées oratoires que le livre plus récent d’Emmanuel Bury (Littérature et politesse, L’invention de l’honnête homme (1580-1750), Paris, PUF, 1996) met au premier plan. À propos du jeu des proverbes, le personnage d’Hermogène évoque « une figure de Rhetorique », que l’éditrice identifie à la « prosopopée » (II, 195), mais la remarque d’Agenor sur les « characteres corporels » auxquels on « peut attribuer […] la conservation dans les propos où toutes les figures de Rhetorique peuvent entrer quelquefois » (II, 196) reste sans commentaire. La possibilité de représenter des proverbes par une comédie est illustrée par « Alfred de Musset, Comédie et proverbes, Paris, Charpentier, 1877 » (I, 216) sans mentionner les Proverbes dramatiques de Madame de Maintenon dont la première publication en 1829 profite de l’exploitation théâtrale du « rapport entre proverbes et comédies », mais Madame de Maintenon participe beaucoup plus à la faveur de la rhétorique, et la Seconde Journée en est marquée dès qu’elle aborde le jeu des proverbes dans la vie de société. Sorel y distingue par exemple le proverbe de la sentence par une argumentation oratoire. Ces deux volumes rendent finalement aisée l’étude de La Maison des Jeux dont le rang littéraire est certainement encore sous-estimé par les histoires littéraires. Volker Kapp