eJournals Papers on French Seventeenth Century Literature 45/88

Papers on French Seventeenth Century Literature
0343-0758
2941-086X
Narr Verlag Tübingen
2018
4588

Edwige Keller-Rahbé (dir.) avec la collaboration d’Henriette Pommier et Daniel Régnier-Roux: Privilèges du librairie en France et en Europe XVIe - XVIIe siècles. Paris: Classiques Garnier, «Études et essais sur la Renaissance», 2017. 539 p.

2018
Volker Kapp
PFSCL XLV, 88 (2018) 226 a strategy used more frequently by skeptics than by non-skeptics? Recall how David Hume ends his Dialogue on Natural Religion. Orest Ranum Edwige Keller-Rahbé (dir.) avec la collaboration d’Henriette Pommier et Daniel Régnier-Roux : Privilèges de librairie en France et en Europe XVI e - XVII e siècles. Paris : Classiques Garnier, « Études et essais sur la Renaissance », 2017. 539 p. Le privilège de librairie est familier aux critiques littéraires, qui ne se rendent toutefois pas compte de la diversité de cet instrument régularisant le marché du livre. Au XVI e siècle, il favorise les éditeurs, puisqu’il « procède d’une concession [d’impression] et les auteurs ne jouissent pas, du seul fait qu’ils ont composé un ouvrage, d’un droit au privilège » (Laurent Pfister, « Les conditions d’octroi des privilèges d’imprimerie de 1500 à 1630 », 65). A Venise, Johannes de Spira est autorisé en 1469 « à exercer seul l’art de l’imprimerie dans la ville pendant cinq ans ». La « protection de l’inventeur et de ses techniques de production » y fait partie d’une « loi générale du mai 1479 » (Angelo Nuovo, « Naissance et système des privilèges à Venise du XV e au XVI e siècle », 332-333). Le privilège constitue donc un mécanisme économique avant d’impliquer une mesure de censure idéologique, sur laquelle les historiens aiment attirer l’attention. Après avoir été longtemps négligé, les critiques littéraires, depuis les années 2000, profitent de plus en plus des recherches menées par les historiens du livre et du droit d’auteur pour « mieux cerner les trajectoires culturelles et sociales des auteurs » (11) et pour faire avancer « la critique d’attribution » (11). Ce volume présente en deux volets les « apports historiographiques, théoriques et prosographiques » (12) d’un séminaire de recherche, dirigé par Edwige Keller-Rahbé entre 2009 et 2013 : un premier centré sur la France (23-327), un deuxième élargi sur l’Europe (331-474). L’excellente postface de Nicolas Schapira résume bien l’état de la recherche tout en indiquant des pistes pour les travaux futurs (« Les privilèges et l’espace de la publication imprimée sous l’Ancien Régime », 475-485). L’ouverture de perspective vers l’Europe apporte des compléments importants. Depuis 1480 le Saint Empire, où l’imprimerie fut inventée, délaisse des privilèges qui sont des « instruments légaux portant sur le commerce des livres » et des permissions d’imprimer « accordées dans la plupart des cas par des autorités religieuses » (Ian Maclean, « Saint Empire romain germanique et Allemagne, les privilèges d’impression du XV e au XVII e siècle », 402). Le Vatican ne protège pas seulement les œuvres reli- Comptes rendus 227 gieuses mais également « des livres de littérature contemporaine (dont l’Orlando furioso de l’Arioste et la Gerusalemme liberata du Tasse) ; des livres de sciences, de mathématiques ; des textes pédagogiques, tels que de grammaires, et enfin des œuvres musicales » (Jane C. Ginzburg, « Le Vatican, privilèges et proto-propriété littéraire et artistique au XVI e siècle », 360). Les auteurs y profitent plus souvent de ces privilèges que les éditeurs. A Genève, Robert Estienne et Jean Crespin se disputent la publication des œuvres de Calvin et une ordonnance de 1560 atteste « la victoire du Réformateur » qui écarte « les imprimeurs qui travaillent mal » (Jean-François Gilmont, « La Genève du XVI e siècle et ses privilèges d’impression », 448). Les livres religieux y sont l’objet de luttes économiques. La version française de la Bible, pour laquelle la Compagnie des Pasteurs genevois aurait voulu obtenir un monopole, fait concurrence aux imprimeurs de La Rochelle. En Angleterre, la version anglaise de la Bible est « le plus lucratif de tous ces privilèges » (John Frather, « Angleterre, privilèges d’impression au début de l’époque moderne », 462), dont la Stationers Compagny, « partenaire du pouvoir monarchique pour le contrôle du commerce du livre » (464), surveille l’octroi en favorisant la prédominance de Londres. Les éditeurs parisiens s’imposent également en défaveur de leurs collègues de province. Quand Claude Fleury note le 2 janvier 1681 dans son Livre de Comptes qu’il a « obtenu un privilège du grand seau pour imprimer 4 ouvrages » (BnF ms fr. 9511, 40r), on pourrait s’imaginer que c’est une procédure répandue à l’époque tandis que les études publiées dans ce volume prouvent que, depuis la fin du XV e siècle, ce sont les imprimeurs et les éditeurs qui sollicitent un tel privilège en écartant l’auteur dont la propriété du manuscrit reste marginale. On se demande si cette sollicitation de Fleury documente son statut de précepteur prestigieux ou si elle annonce l’avènement des droits d’auteurs, que Pierre Corneille a exigés en déclenchant la querelle du Cid, dont l’édition de 1637 in-quarto n’offre qu’un « bref extrait du privilège » (Alain Riffaud, « Privilèges imprimés dans le théâtre du XVII e siècle », 158). E. Keller-Rahbé souligne à juste titre que « ‘reprendre à l’origine’, ce ne signifie certainement pas partir des premières années du XVII e siècle, mais bien de la fin du XV e siècle, période d’apparition des premiers privilèges de librairie » (7). Marthe Paquant identifie l’apparition du terme de privilège dans Les folles entreprises de Pierre Gringoire 23 décembre 1505 en ne constatant « aucune attestation du privilège » (« ‘Privilège’. Étude lexicologique et lexicographique », 25-27) chez les lexicographes avant Furetière en 1690. Gringoire est victime de la piraterie des libraires à une époque où « la qualité d’auteur ne […] donne pas droit à l’octroi d’un privilège » (56). Le rôle joué par le privilège dans les controverses religieuses (Marie-Christine Pioffet, « Privilèges factices et autres PFSCL XLV, 88 (2018) 228 supercheries éditoriales dans les controverses religieuses au tournant des XVI e et XVII e siècles », 93-112) est aussi intéressant que celui caractérisant la naissance des périodiques (Jean-Dominique Mellot, « Périodiques et privilèges dans la France du XVII e siècle, entre monopoles et exceptions », 113-155) - on profitera de consulter l’inventaire des « périodiques français antérieurs à la Fronde et leurs privilèges » (44-155). Les privilèges en vers dans les œuvres burlesques de Scarron à Brébeuf sont un argument divertissant traité par Jean Leclerc (« Privilèges et vogue du burlesque », 175-192). Surtout après 1700, Anne Dacier « sait faire valoir ses droits en demandant que son travail intellectuel ne soit pas sous-estimé […]. Les notions de la rémunération du travail intellectuel et de la propriété littéraire ne lui sont nullement étrangères » (Éliane Itti, « Les privilèges de libraire de Madame Dacier », 216-217). Les estampes, restées longtemps exclues de la législation, devinrent sous Louis XIV une « exclusivité » des membres de l’Académie de Peinture et de Sculpture dès qu’elles représentent des biens de la Couronne (Henriette Pommier, « Etampes et privilèges sous l’Ancien Régime », 228). Les imprimeurs-libraire et les taille-douciers dont la rivalité est grande, se sont « tout particulièrement souciés de l’image dans leurs privilèges » (Daniel Régnier-Roux, « Privilège de libraire et image. Le livre d’architecture aux XVI e et XVII e siècles », 314-315). « Il y a au XVI e siècle un réseau européen d’antiquaires passionnés d’épigraphie » et les imprimeurslibraires Robert et Charles Estienne sont « à l’origine des nombreux livres à l’antique, chefs-d’œuvre du genre » (Sylvie Deswarte-Rosa, « Privilèges épigraphiques au XVI e siècle », 318-319) : Ce volume fournit une abondance d’informations précieuses pour l’historien de la littérature. Volker Kapp Marcella Leopizzi (éd.) : Charles Sorel, La Maison des Jeux, tome 1. Édition critique par Marcella Leopizzi. Paris : Champion, « Sources classiques 126 », 2017. 356 p. Marcella Leopizzi (éd.) : Charles Sorel : La Maison des Jeux, tome 2, Seconde Journée. Texte accompagné de l’analyse de toutes les variantes des trois éditions, établi, présenté et annoté par Marcella Leopizzi. Paris : Champion, « Sources classiques 129 », 2018. 329 p. C’est « la première publication avec un apparat critique de La Maison des Jeux (Première Journée) » (I, 9) de Charles Sorel, Daniel Gajda n’ayant publié en 1977 chez Slatkine qu’une reproduction anastatique de la première journée dans la version de 1657 avec introduction et notes en anglais. Parue