eJournals Papers on French Seventeenth Century Literature 44/87

Papers on French Seventeenth Century Literature
0343-0758
2941-086X
Narr Verlag Tübingen
2017
4487

Cœur de renard: la politique incestueuse de Créon dans La Thébaïde

2017
Jennifer Tamas
PFSCL XLIV, 87 (2017) Cœur de renard : la politique incestueuse de Créon dans La Thébaïde J ENNIFER T AMAS (R UTGERS U NIVERSITY ) Le lien entre politique et dissimulation est un topos dans le théâtre du XVII e siècle, ce que les études classiques n’ont eu de cesse de commenter 1 . Racine cultive ce parallèle dans bon nombre de ses pièces, mais c’est rarement le personnage de Créon qui retient l’attention de la critique. Jugée comme une pièce de jeunesse de moindre intérêt, La Thébäide est souvent appréciée pour le déferlement de haine qu’elle met en scène 2 . En traitant ce thème, Racine a effectivement choisi d’aborder « le sujet le plus Tragique de l’Antiquité 3 ». Haine, exécrations, abominations, il s’agit bien d’une pièce horriblement noire, mais l’aveuglement fratricide est loin d’être l’unique crime que le dramaturge met en scène. Aux meurtres, à l’infanticide, au fratricide et aux suicides s’ajoute le frisson de l’inceste qui parcourt la pièce. Étonnamment, ce n’est pas Œdipe qui en porte les stigmates (Racine a choisi de ne pas le représenter), mais Créon qui s’éprend d’Antigone, soit la femme que son fils doit épouser. Cet inceste du second degré 4 est pour le moins 1 Voir entre autres Lise Michel, « Machiavélisme et genres rhétoriques : l’invention des raisons d’État dans la tragédie de Corneille, de Médée à Pertharite », dans Pratiques de Corneille, éd. Myriam Dufour-Maître, Rouen, PURH, 2012 ; Jean-Pierre Cavaillé, Dis/ simulations. Religion, morale et politique au XVII e siècle, Paris, Champion, 2002 ; Michel Senellart, Les Arts de gouverner, du régimen médiéval au concept de gouvernement, Paris, Seuil, 1995. 2 Voir l’article de Jan Miernowski, « Le plaisir de la tragédie et la haine de soi. Le cas de La Thébaïde de Racine », dans Poétique, 2003/ 2, n° 134, p. 207-221. 3 Voir la préface que Racine a écrite ultérieurement, OC I, p. 119. (Toutes les citations des pièces de Racine sont extraites de l’édition de Georges Forestier dans la « Bibliothèque de la Pléiade », Œuvres complètes, Théâtre-Poésie, Paris, Gallimard, 1999, t. 1, notée OC I). 4 Sur l’inceste de second degré, voir la théorie de Françoise Héritier, Les Deux Sœurs et leur mère. Anthropologie de l’inceste, Paris, Odile Jacob, 1994. Jennifer Tamas 232 surprenant car c’est Racine qui l’invente de toute pièce, les sources n’en faisant jamais état. Pourtant, cet inceste passe souvent inaperçu et il est même totalement occulté par la critique. Giraudoux, qui l’un des premiers voit dans l’inceste une clef de lecture de l’œuvre racinienne, ne fait aucune mention de La Thébaïde : Tout le théâtre de Racine est un théâtre d’inceste. Cette impression d’inceste qui se précise dans Phèdre plane sur toutes les tragédies principales, Roxane veut son beau-frère, Mithridate sa double belle-fille, Oreste, sa cousine, Néron sa belle-sœur. Pyrrhus lui-même, Titus lui-même, habitent avec leur amante, dans une équivoque promiscuité. Inceste du crime aussi : Athalie veut tuer son petit-fils, Agamemnon sa fille, Étéocle et Polynice leur frère. C’est l’inceste qui a attiré Racine vers le sérail 5 … En greffant à sa tragédie cet élément inédit, Racine ne cherche pas simplement à étoffer l’intrigue amoureuse de sa pièce, mais il rend le personnage de Créon plus obscur et plus difficile d’accès. Pourquoi ? Le fil de l’inceste renforce le lien entre politique, amour et dissimulation, si bien que les arguties du cœur relèvent pleinement de la question du pouvoir. Cette intrication est d’autant plus saisissante que Créon combine à la fois la figure du courtisan et celle du prince. Tant que les frères se déchirent, il agit en courtisan, flattant mais recherchant toujours son intérêt. Mais il devient le souverain de la ville de Thèbes une fois que les deux prétendants au trône meurent au combat. De personnage secondaire, il occupe à la fin de la pièce le devant de la scène, ce qui soulève des questions non seulement de vraisemblance, de bienséance mais aussi d’unité d’action. La mort des frères représente-t-elle le dénouement de la pièce ? Si tel est le cas, comment expliquer la longueur du dernier acte et surtout le coup de théâtre que constitue la déclaration d’amour que Créon fait à Antigone ? En quoi cet amour incestueux peut-il choquer et déstabiliser le public ? L’issue du drame étonne à juste titre le spectateur moderne, qui connaît bien les textes d’Hegel et d’Anouilh dans lesquels l’irréconciliable vision du monde entre Antigone et Créon n’a rien d’érotique. De même, le spectateur contemporain, qui a en tête la pièce de Rotrou (1637) et plus généralement les pièces grecques et latines d’Eschyle à Sénèque, est également loin de s’y retrouver. Racine prend des libertés extrêmes avec le mythe : le dénouement de sa pièce a des implications dramaturgiques, politiques et rhétoriques qu’il convient d’interroger pour comprendre à quel point Racine fait œuvre nouvelle et essaime déjà les graines de ce qui constituera son art théâtral. 5 Jean Giraudoux, Littérature, Paris, Grasset, 1941, p. 50-51. La politique incestueuse de Créon dans La Thébaïde 233 1. De l’imitatio à l’inventio : le « monstre » Créon ? La Thébaïde de Racine fait écho à plusieurs textes sources. Inspirée des Phéniciennes de Sénèque et surtout d’Euripide, elle emprunte aussi des épisodes à Stace et rappelle à certains égards la récente Antigone de Rotrou (1637), qui lui-même s’est inspiré d’Euripide et de l’Antigone de Sophocle. De quoi s’agit-il ? Dans ce mythe, qui oppose les Argiens aux Thébains, les auteurs choisissent de mettre l’accent sur deux épisodes principaux 6 . Le premier épisode est la guerre des deux fils d’Œdipe, Étéocle et Polynice, qui se livrent une lutte mortelle pour gouverner. Étéocle ne veut pas céder le trône à son frère Polynice, qui devait régner à sa suite, et celuici s’allie donc aux Argiens pour reprendre le contrôle de Thèbes. C’est l’optique que choisit Racine et le sous-titre de sa pièce, Les Frères Ennemis, souligne le conflit au sein des alliances, qu’Aristote considère comme le plus intéressant pour l’écriture tragique. Le second épisode résulte du premier et se concentre sur le personnage d’Antigone. Il met l’accent sur un autre type de guerre, puisqu’Antigone livre une lutte verbale sans merci à Créon. En effet, à la mort des frères ennemis, Créon devient roi et interdit qu’on ne donne les honneurs funéraires à Polynice, considéré comme ennemi public. Antigone brave l’édit de Créon, son acte de rébellion constituant une vraie déclaration de guerre 7 . Elle est condamnée à mort par Créon et elle finit par se suicider. Antigone est donc celle qui se déclare : elle n’est ni dans le secret, ni dans la dissimulation. Ce n’est pas un être de silence, mais une femme qui affirme son identité et l’amour qu’elle voue à son frère : « Je suis de ceux qui aiment, non de ceux qui haïssent 8 ». 6 Stace, en revanche, raconte une épopée en douze livres, qui retracent en détail l’histoire de tous les personnages. Par contre, les autres auteurs mettent l’accent sur l’un ou l’autre des épisodes. Voir Les Sept contre Thèbes d’Eschyle, Antigone de Sophocle ; Œdipe-roi de Sophocle ; Œdipe à Colonne de Sophocle ; Les Phéniciennes d’Euripide ; ainsi que la pièce de Sénèque dont l’attribution fait débat. Pour les adaptations contemporaines, le mythe est traité par Garnier (Antigone, 1580) et Corneille (Œdipe roi, 1659). 7 Voir à titre d’exemple la phrase qu’elle dit à Ismène dans la version de Sophocle que Rotrou reprendra : « ISMÈNE : Mais du moins, je t’en prie, ne t’ouvre à personne de pareil projet. Cache-le bien dans l’ombre ; je t’y aiderai. / ANTIGONE : Ah ! Crie-le très haut au contraire. Je te détesterai bien plus, si tu te tais et ne le clames pas partout », dans Antigone, Sophocle, Paris, Gallimard, 1954 [-442], p. 88. 8 Ibid., p. 102. Jennifer Tamas 234 Racine reproche à Rotrou d’avoir combiné ces deux épisodes distincts : la guerre des frères et la lutte d’Antigone 9 . Ainsi, la pièce de Rotrou présenterait une action double, non fautive à son époque mais contrevenant aux règles du théâtre qui se mettent progressivement en place. D’ailleurs, le frontispice de l’édition de 1640 montre Jocaste éplorée, au milieu de ses fils, tentant vainement de les séparer. Antigone n’apparaît pas sur cette gravure, ce qui accuse un écart entre le titre de l’œuvre et l’événement illustré. La pièce de Rotrou est intéressante mais elle reprend parfois presque mot à mot la pièce de Sophocle, notamment pour les longues tirades d’Antigone, d’Hémon et de Créon 10 . Racine parvient-il à éviter cet écueil de « la double action » reprochée à Rotrou et redoutée par tant de dramaturges 11 ? Si pour les doctes, c’est effectivement l’unité d’action qui prévaut, le dénouement racinien à double détente semble la menacer. En traitant de manière consécutive le sort des frères, puis celui de Créon et d’Antigone, Racine relâche la tension dramatique 12 . L’intrigue politique (le combat des frères) cède la place à l’intrigue amoureuse (la passion de Créon). Or cette profonde altération met en péril la vraisemblance de l’action. Comment motiver ce brutal accès à l’intériorité de Créon, personnage secondaire dont l’examen de conscience ne surgit qu’à la toute fin ? C’est d’autant plus étonnant que Racine sait que non seulement le dénouement doit être tiré du « fond des affaires » (c’est-à-dire motivé par l’avancée de l’action), mais qu’il doit aussi dénouer tous les fils d’un coup 13 . 9 « Ce sujet avait été autrefois traité par Rotrou sous le nom d’Antigone. Mais il faisait mourir les deux Frères dès le commencement de son troisième Acte. Le reste était en quelque sorte le commencement d’une autre Tragédie, où l’on entrait dans des intérêts tout nouveaux. Et il avait réuni en une seule Pièce deux Actions différentes, dont l’une sert de matière aux Phéniciennes d’Euripide, et l’autre à l’Antigone de Sophocle. Je compris que cette duplicité d’Action avait pu nuire à sa Pièce », OC I, p. 119. 10 Voir à ce sujet le travail que l’abbé Cormilliole fait dans sa très longue préface de sa traduction de La Thébaïde de Stace, Paris, Hardouin, 1783. 11 Voir l’examen d’Horace de Corneille, dans Œuvres complètes, éd. André Stegmann, Paris, Seuil, 1963 [1660], p. 248. 12 La critique lui fera le même reproche pour le dénouement de Britannicus qui devrait s’achever à la mort du personnage éponyme : « La Pièce est finie au récit de la mort de Britannicus, et l’on ne devrait point écouter le reste », OC I, p. 374. 13 « Aristote et tous ceux qui l’ont suivi veulent que la catastrophe soit tirée du fond des affaires du théâtre, et que les divers nœuds dont il semble que le poète embarrasse son sujet soient autant d’artifices pour en faire le dénouement. C’est pourquoi ils ont toujours plus estimé cette fin des tragédies que celle qui était fondée sur la présence ou la faveur de quelque divinité », François Hédelin La politique incestueuse de Créon dans La Thébaïde 235 Que si la catastrophe n’est point connue, et qu’il soit de la beauté du théâtre qu’elle en dénoue toutes les intrigues par une nouveauté qui doive plaire en surprenant, il faut bien prendre garde à ne la pas découvrir trop tôt, et faire en sorte que toutes les choses qui doivent servir à la préparer, ne la préviennent point ; puisque non seulement alors elle deviendrait inutile et désagréable, mais qu’il arriverait encore que du moment qu’elle serait connue, le théâtre languirait et n’aurait plus de charmes pour les spectateurs 14 . Or, le cinquième acte est déconcertant car il se fonde sur une succession de coups de théâtre qui menacent la vraisemblance de la pièce. D’abord, le spectateur assiste à l’irruption de l’ambition politique et amoureuse de Créon puisqu’à l’acte V scène 3, il révèle non seulement à Antigone (et indirectement aux spectateurs) que ses deux frères et son amant sont morts, mais aussi qu’il est amoureux d’elle et qu’elle peut choisir de régner à ses côtés. Puis, deux scènes plus tard, survient un deuxième coup de théâtre car Antigone s’est suicidée : Créon est alors rongé par le remords, invoque la mort et tombe évanoui (pour certains critiques, il serait même mort 15 ). Lorsque Racine se réfère lui-même au dénouement de sa pièce dans sa préface, il dit : La Catastrophe de ma Pièce est peut-être un peu trop sanglante. En effet il n’y paraît presque pas un Acteur qui ne meure à la fin. Mais aussi c’est la Thébaïde. C’est-à-dire le sujet le plus Tragique de l’Antiquité 16 . Or il motive la mort de Créon par celle d’Antigone, ce qui n’est ni vraisemblable ni fidèle aux sources antiques. L’accumulation de ces coups de théâtre semble pour le moins contradictoire puisqu’ils juxtaposent deux figures de Créon : à l’ambitieux politique succède l’être débordé par sa passion amoureuse. Si pendant toute la pièce, Créon semblait être un « monstre prêt à tout sacrifier à sa libido dominandi 17 », il abandonne tout à l’amour et renonce au trône qu’il vient de convoiter pendant cinq actes : « Reprenez, reprenez cet Empire funeste, / Vous m’ôtez Antigone, ôtez-moi tout le reste » (V, 6, v. 1641-1642). Ce dénouement est donc très impressionnant et très inattendu. d’Aubignac, La Pratique du théâtre, Paris, Antoine de Sommaville, 1657, liv. II, chap. 9 : « Du Dénouement, ou de la catastrophe et issue du poème dramatique », p. 176. 14 Ibid., p. 177. 15 Georges Forestier est de cet avis : « En s’effondrant dans les bras de ses gardes, Créon perd-il seulement les sens ou la vie ? Les paroles de Créon invitent à pencher pour la mort, mais Racine s’est gardé de toute indication explicite », OC I, p. 1272. 16 Ibid., p. 119. 17 C’est le commentaire de Georges Forestier, OC I, p. 1241. Jennifer Tamas 236 Il est d’autant plus frappant que la déclaration d’amour de Créon apparaît comme un deus ex machina, faiblement préparée par le reste de la pièce, puisqu’il n’y avait qu’une allusion à cet amour, qui pouvait aisément passer inaperçue 18 . L’éclat de Créon invite à reconsidérer l’ensemble du drame politique sous les traits d’un secret drame amoureux. Le détail du texte montre que l’amour de Créon pour Antigone est à peine esquissé à l’acte I scène 6. Créon en parle discrètement à Antigone devant Jocaste pour légitimer la haine qu’il éprouve pour son fils Hémon : Créon Je sais ce qui le rend innocent à vos yeux. Antigone Et je sais quel sujet vous le rend odieux. Créon L’amour a d’autres yeux que le commun des hommes. Jocaste Vous abusez, Créon, de l’état où nous sommes, Tout vous semble permis, mais craignez mon courroux, Vos libertés enfin retomberaient sur vous. Antigone L’intérêt du public agit peu sur son âme, Et l’amour du pays nous cache une autre flamme, Je la sais, mais, Créon, j’en abhorre le cours, Et vous ferez bien mieux de la cacher toujours. Créon Je le ferai, Madame, et je veux par avance, Vous épargner encor jusques à ma présence 19 . L’irruption de l’amour dans le politique choque la bienséance car il donne libre cours à une passion incestueuse. Il est étonnant que Racine lui-même la passe sous silence dans sa préface, alors qu’il aborde précisément la question de l’amour qui occupe une place inhabituelle dans sa tragédie : 18 Dans La Pratique du théâtre, d’Aubignac rappelle que les coups de théâtre doivent être soigneusement préparés : « que si la catastrophe n’est point connue, et qu’il soit de la beauté du théâtre qu’elle en dénoue toutes les intrigues par une nouveauté qui doive plaire en surprenant, il faut bien prendre garde, à ne la pas découvrir trop tôt, et faire en sorte que toutes les choses qui doivent servir à la préparer, ne la préviennent point ; puisque non seulement alors elle deviendrait inutile et désagréable, mais qu’il arriverait encore que du moment qu’elle serait connue, le théâtre languirait et n’aurait plus de charmes pour les spectateurs », ibid., p. 206. 19 La Thébaïde, acte I, scène 5, v. 309-320. La politique incestueuse de Créon dans La Thébaïde 237 L’amour qui a d’ordinaire tant de part dans les Tragédies, n’en a presque point ici. Et je doute que je lui en donnasse davantage si c’était à recommencer. Car il faudrait ou que l’un des deux Frères fût amoureux, ou tous les deux ensemble. Et quelle apparence de leur donner d’autres intérêts que ceux de cette fameuse haine qui les occupait tout entiers ? Ou bien il faut jeter l’amour sur un des seconds Personnages comme j’ai fait. Et alors cette passion qui devient comme étrangère au sujet, ne peut produire que de médiocres effets 20 . Il parle ici de la relation amoureuse entre Hémon et Antigone. Il est intéressant que Racine se rende compte qu’une telle passion soit « étrangère au sujet » et qu’en même temps il invente une seconde passion tellement « étrangère au sujet » qu’il l’occulte, même si elle donne naissance à un dénouement étrange et qu’elle altère le caractère des personnages. En effet, elle fait de Créon un « monstre » dont le caractère dénaturé est dépeint ici bien avant celui de Néron, de Roxane ou de Phèdre. Si Racine efface le personnage d’Œdipe, il n’en fait pas moins planer l’ombre de l’inceste, ce qui constitue un positionnement intéressant par rapport aux sources classiques. L’originalité d’Euripide était de garder vivants les parents d’Étéocle et Polynice, ce qui donnait un rôle à Œdipe et Jocaste. Racine retient l’idée de la mère vivante mais il ne garde pas le personnage d’Œdipe, ce qui permet de dresser dans la pièce deux figures complémentaires et opposées : Jocaste, figure de mère et Créon, figure de père dénaturé. Cette dénaturation s’exprime à plusieurs niveaux, puisqu’il semble d’abord dépourvu de tout sentiment paternel : Le nom de Père, Attale, est un titre vulgaire, C’est un don, que le Ciel ne nous refuse guère, Un bonheur si commun n’a pour moi rien de doux 21 . Cette altération du caractère de Créon est notable car les Anciens le présentaient au contraire comme un homme particulièrement sensible à ses fils (notamment chez Stace et Sophocle), Rotrou perpétuant cette tradition. Racine parachève au contraire la dénaturation de Créon qui va jusqu’à souhaiter la mort de ses enfants par ambition politique. Mais la rivalité est également amoureuse puisqu’il convoite la femme qui était promise à son fils Hémon. Ce leitmotiv reviendra dans d’autres pièces et vise à montrer la libido dénaturée qui plonge le souverain racinien dans le péché d’inceste : S’il vivait, son amour au mien serait fatal En me privant d’un Fils le Ciel m’ôte un rival 22 . 20 Ibid., p. 119-120. 21 La Thébaïde, acte V, scène 4, v. 1581-1583. Jennifer Tamas 238 Cette vision noire de la paternité s’oppose en tout point aux autres pièces marquées justement par le lien affectif qui unit Créon à ses deux enfants. Dans Les Phéniciennes d’Euripide, dont Racine dit s’être inspiré, le meurtre de l’enfant est inconcevable : « Loin de moi toute gloire acquise au prix d’un enfant sacrifié 23 ». Créon refuse la mise à mort de son fils Ménécée que l’oracle a exigée pour sauver la ville et les fils de Jocaste. Chez Rotrou, qui conserve ce trait de caractère, Créon accuse même sa sœur d’inceste et lui soutient que ce n’est pas à sa propre descendance de payer pour ses crimes 24 . Créon parle en père révolté si bien que Rotrou le montre invoquer la mort lorsqu’il voit son autre fils périr 25 . Son évanouissement clôture la pièce. Créon devient souverain, mais cette accession au pouvoir est douloureuse et se fonde sur la déploration du fils qui s’est sacrifié par amour pour Antigone. Chez Racine, l’évanouissement de Créon clôture aussi la pièce, mais il correspond à une tout autre aspiration. D’une part, l’accession au pouvoir n’est pas douloureuse, et d’autre part, la fin de la pièce semble illustrer la supériorité de l’érotique sur le politique. En effet, Créon s’évanouit car il vient d’apprendre qu’Antigone s’est suicidée : elle refuse ainsi de régner à ses côtés. Les derniers vers de la tragédie le montrent hagard et prêt à mourir. Racine transforme l’hébètement du deuil familial (la perte du fils) en hébètement passionnel (la perte de l’aimée). Ces vers qui marquent folie et désespoir ne sont pas sans annoncer ceux d’Oreste éperdu. Dans Andromaque, Racine modifiera aussi le caractère du personnage, puisque dans le mythe Oreste perdait la raison suite au meurtre de sa mère, alors que chez Racine, c’est la passion amoureuse qui le mène au bord de la folie. La déraison de Créon, qui peut paraître invraisemblable dans les circonstances de cette tragédie, témoigne en réalité de l’art naissant de Racine qui consiste à dépeindre les tyrans comme des bourreaux amoureux et pathétiques. Ses dernières paroles le dotent d’une humanité nouvelle puisque sa souffrance prend le pas sur ses calculs politiques : Arrêtez, mon trépas va venger votre perte, La foudre va tomber, la Terre est entrouverte, Je ressens à la fois mille tourments divers, 22 Ibid., acte V, scène 4, v. 1591-1592. 23 Euripide, Les Phéniciennes, dans Œuvres complètes, éd. Marie Delcourt-Curvers, Paris, Gallimard, 1962, p. 1073. 24 Voir en particulier la confrontation entre Créon et Jocaste à la scène 3 de l’acte I dans Antigone, Paris, Toussaint Quinet, 1639 [1637]. 25 Voici les paroles ultimes de Créon : « Ô mort ! Joins mon trépas aux effets de ma rage / Sors, mon âme, et mets fin à ce tragique ouvrage », ibid., acte V, scène 9, p. 116. La politique incestueuse de Créon dans La Thébaïde 239 Et je m’en vais chercher du repos aux Enfers. (Il tombe entre les mains des Gardes) 26 La répétition des futurs de progrédience insiste sur la vision apocalyptique qui est donnée à voir aux spectateurs. Si la terre s’ouvre, le décor se doit d’en rendre les effets spectaculaires. La mort annoncée paraît surnaturelle. Il suffirait, comme dans la littérature courtoise où la passion est reine, de prier la mort pour que ce vœu soit exaucé 27 . Cette transformation du caractère de Créon produit un renversement du mythe lui-même. Dans les textes classiques, Créon fondait son pouvoir sur la mise à mort d’Antigone, ultime obstacle à son autorité. Or chez Racine, c’est Antigone (par son suicide et son refus de l’épouser) qui l’anéantit et rend caduque son ambition politique. Racine montre comment l’érotique mine le politique, même quand les princes sont versés dans l’art de gouverner. 2. Quand le courtisan devient Prince : l’apport de Machiavel et de Gracián Créon passe du courtisan au souverain. Il parle en ces termes de sa métamorphose : J’étais Père et Sujet, je suis Amant et Roi 28 . On ne peut être que frappé par la parfaite symétrie qui oppose l’imparfait au présent, ainsi que les substantifs coordonnés fondés sur l’antithèse. « Père » s’oppose à amant et « sujet » à « roi », tandis que l’imparfait « j’étais » fait contrepoint au présent « je suis ». C’est d’autant plus saisissant qu’une telle transformation identitaire n’arrive qu’à la fin. Comment la comprendre ? Les manuels de civilité politique peuvent expliquer en partie une telle métamorphose. À l’époque de Racine, les réflexions sur le secret abondent […]. La fiction littéraire s’écrit dans les interstices et lacunes de l’histoire véridique et on peut une fois connu un fait historique inventer les motivations intimes de ceux qui en furent les protagonistes, imaginer des sentiments et des conflits 26 La Thébaïde, acte V, scène 6, v. 1653-1656. 27 Voir le roman anonyme du XIII e siècle de La Châtelaine de Vergy. La jeune femme, se croyant trahie, est en proie au désespoir et prie Dieu de la faire mourir. Sa demande est entendue. 28 La Thébaïde, acte V, scène 4, v. 1600. Jennifer Tamas 240 amoureux, donner à voir les secrets des cœurs des grands comme l’élément clef de leurs décisions 29 . Il est intéressant d’expliquer la dissimulation amoureuse de Créon à l’aune de ces lignes. En effet, l’influence de Machiavel peut se lire à plusieurs niveaux, notamment pour tout ce qui relève de la dissimulation. Dans le chapitre XVIII du Prince, Machiavel se pose la question de savoir si les Princes doivent tenir leurs promesses : Un Prince prudent ne doit point tenir sa parole quand cela lui tourne à dommage et que les occasions qui la lui ont fait engager ne sont plus. […] Mais il faut savoir bien déguiser cet esprit de renard, il faut être propre à feindre et à dissimuler 30 . Créon serait ainsi un personnage machiavélique dans la mesure où il enfreint la promesse de mariage qu’il avait faite à son fils. Mais ce faisant, il apparaît comme un renard plus que comme un lion. Il est rusé mais n’a pas de force : il laisse les lions se battre et mourir. Cette métaphore bien connue rappelle celle qu’emploie Gracián, l’attribut du Prince étant aussi celui du courtisan. Créon opère ainsi la synthèse de ces deux rôles et suit un conseil préconisé par le philosophe : Se couvrir de la peau du renard quand on ne peut pas se servir de celle du lion 31 . En tant que bon courtisan, Créon sait qu’il faut dissimuler ses passions. Gracián apporte au texte de Racine un nouvel éclairage à travers la maxime 207 : Les saillies des passions sont autant de pas glissants qui font trébucher la prudence ; c’est là qu’est le danger de se perdre. Un homme s’engage plus en un moment de fureur ou de plaisir qu’en plusieurs heures d’indifférence. […] Il faut donc que la retenue fasse la contrebatterie et particulièrement dans les occasions chaudes. Il est besoin de beaucoup de réflexion, pour empêcher une passion de se décharger 32 . C’est donc la prudence qui aurait motivé l’action de Créon et l’aurait conduit à dissimuler l’éclat de sa passion. C’est elle qui justifierait aussi le coup de théâtre final, la déclaration d’amour devenant fin calcul politique. Si les 29 Alain Viala, « Péril, conseil et secret d’État dans les tragédies romaines de Racine : Racine et Machiavel », dans Littératures classiques, n°26, 1996, p. 91-113, p. 107. 30 Nicolas Machiavel, Le Prince, éd. Amelot de la Houssaie, Amsterdam, chez Henri Wetstein, 1686, chap. XVIII, p. 139. 31 Maxime 220 dans Baltasar Gracián, L’Homme de cour, éd. Amelot de la Houssaie, Paris, Veuve Martin, Jean Boudot et Etienne Martin, 1687, p. 257. 32 Ibid., p. 244-245. La politique incestueuse de Créon dans La Thébaïde 241 attributs du Prince et du courtisan peuvent se recouper, c’est parce qu’à travers le personnage de Créon, Racine interroge le modèle de Machiavel qui postule l’autonomie du politique et sa supériorité sur la morale, la religion et l’amour. En effet, selon Machiavel, la volonté du Prince connaît une borne : celle de ne pas se faire mépriser ni haïr. Ainsi, selon le chapitre XIX de Machiavel : Rien ne le rend plus odieux que de prendre le bien et les femmes de ses sujets. […] Il devient méprisable, quand il passe pour changeant, léger, efféminé, pusillanime, irrésolu, défauts dont il se doit garder comme d’autant d’écueils en s’étudiant à montrer de la grandeur, du courage, de la force et de la gravité dans ses actions 33 . En effet, le personnage de Créon montre justement une forme d’hubris, puisqu’à l’aspiration politique se joint une aspiration érotique très forte, ce lien étant finement analysé par Pascal 34 . La passion incestueuse de Créon ruine son calcul politique et constitue un faux pas qui lui sera fatal. L’exemple de Créon ouvre la voie à une réflexion plus vaste sur les princes raciniens. Alors que Machiavel insiste sur l’usage politique de la dissimulation, Racine prend en compte cet usage, mais le détourne de son but initial afin de masquer les intentions amoureuses. Or cette dissimulation amoureuse conduit moins à conforter le pouvoir du prince qu’à le mettre en péril. C’est ce qui apparaît notamment pour plusieurs autres figures de souverains chez Racine, qui bafouent leurs promesses, dissimulent leurs intentions, mais n’hésitent pas à prendre la femmes d’autrui, ce qui a pour conséquence d’affaiblir leur pouvoir : Néron, Mithridate ou Pyrrhus en sont autant d’exemples. L’évanouissement de Créon est à ce titre symptomatique : il témoigne de sa faiblesse. Un souverain ne s’évanouit pas. Le théâtre de Racine montre une société dans laquelle la cour gagne une telle emprise sur les sujets que le roi est aussi bien Prince que courtisan. Autrement dit, le prince devient l’homme de cour par excellence, si bien que lorsqu’il se déclare, il ne peut éviter en même temps de déclarer sa flamme. La déclaration politique rejoint la déclaration amoureuse. L’usage transitif du verbe éclaire même son usage pronominal. 33 Le Prince, op. cit., chap XIX, « Qu’il faut éviter d’être méprisé et haï », p. 145. 34 « Tout ce qui est au monde est concupiscence de la chair ou concupiscence des yeux ou orgueil de la vie. Libido sentiendi, libido sciendi, libido dominandi », dans Les Pensées, éd. Philippe Sellier, présentation et notes de Gérard Ferreyrolles, Paris, Librairie Générale Française, 2000 [1991], (460), p. 324-325. Jennifer Tamas 242 3. Équivalence sémantique, politique et ontologique entre déclarer et se déclarer chez Racine Il est frappant que la déclaration politique de Créon arrive en même temps que sa déclaration d’amour. Cette sortie de l’ombre se lit à travers deux segments juxtaposés dans un même vers : « Parle-moi de régner, parlemoi d’Antigone » (V, 4, v. 1597). Deux métonymies évoquent ensuite la partie pour le tout, si bien que le vers crée une équivalence sémantique entre l’amour et le pouvoir : « J’aurai bientôt son cœur, et j’ai déjà le Trône » (v. 1598). Créon rapproche de manière indissociable ses aspirations politiques et amoureuses. La conjonction de coordination les met sur un pied d’égalité : « La Princesse et le Trône ont pour moi tant de charmes » (v. 1601). Cette équivalence est poussée à un point extrême, puisque la mort d’Antigone remet tout en question. Perdre Antigone revient à perdre la volonté de régner : « Reprenez, reprenez cet Empire funeste, / Vous m’ôtez Antigone, ôtez-moi tout le reste » (V, 6, v. 1641-1642). Ce retournement final a de quoi laisser le spectateur perplexe. Comme le dit Jacques Scherer : Dans l’œuvre de Racine on ne trouve pas de dénouement si arbitraire, mais la difficulté est parfois esquivée, voire dissimulée, plus qu’elle n’est résolue. À la dernière scène de La Thébaïde, Créon désespéré de la mort d’Antigone qu’il aimait, veut se tuer. Mais pendant tout le cours de la pièce, il nous est apparu comme un politique retors, et nullement comme un amoureux ; en outre, il venait d’expliquer à son confident, en bon ambitieux cornélien, que le trône était son but suprême (V, 4). La tentative de suicide de Créon résulte donc beaucoup moins de sa psychologie, élément du nœud, que de la volonté de Racine de tuer tous ses personnages 35 . N’est-ce que ce besoin sanguinaire de tuer tout le monde qui expliquerait un tel retournement ? Cette fin inattendue ne témoigne en réalité ni d’une incohérence dramaturgique ni d’une défaillance dans la construction du caractère du personnage. Elle marque au contraire la manière dont Racine se distingue des sources par l’invention d’un art particulier. La déclaration recèle une force dramaturgique sans précédent car elle fait coïncider le « dire » à la fatalité. La révélation de l’amour, en particulier, devient par excellence un type d’énoncé tragique qui attire à soi le malheur une fois qu’il est prononcé. Dès que Créon révèle à Antigone son amour en toute lumière, il ne peut aller qu’au bout d’une passion dont il ne sortira pas indemne : dire, c’est donner une existence sans précédent au sentiment. 35 Jacques Scherer, La Dramaturgie classique en France, Paris, Nizet, 1983 [1950], p. 129. La politique incestueuse de Créon dans La Thébaïde 243 Ainsi la fatalité racinienne repose-t-elle sur un non-dit (tout comme la fatalité antique reposait sur un oracle qui délivrait une parole énigmatique) qui, une fois explicité, produit la fatalité. Dès lors, la tension entre « dire » et « ne pas dire » devient cruciale car fondamentalement tragique. La Thébaïde, est hantée par le silence machiavélique de Créon qui recèle aussi bien son ambition politique que son ambition amoureuse. Ne pas dire préserve jusqu’à un certain point : c’est en cela que Créon fait preuve d’une prudence exemplaire pendant la majorité de la pièce. Mais Racine fait de la passion de Créon un élément tragique. Si ce n’était qu’une manifestation de sa volonté de toute-puissance (libido dominandi), pourquoi serait-il conduit à un tel égarement ? À une telle folie ? À la mort même selon Georges Forestier ? Certaines sources antiques, comme Sophocle, montrent qu’il finit dans l’égarement, mais la folie s’explique alors par la mort de son fils : comme Thésée qui comprend trop tard qu’il s’est trompé, le Créon de la légende entend le devin Tirésias une fois qu’il ne peut plus agir, ce qui conduit à son désespoir 36 . Chez Racine, c’est la mort d’Antigone qui provoque la perte de Créon. Racine transforme radicalement les motivations de la perte de soi, ce qui le distingue des sources antiques et modernes 37 . L’équivalence entre se déclarer et déclarer l’amour est un leitmotiv racinien si essentiel qu’il apparaît ensuite dans toutes les pièces 38 . Dans Britannicus, Néron se déclare politiquement contre Agrippine au moment où il enlève Junie et lui avoue son amour. Dans Bajazet, Roxane se déclare contre Amurat au moment où elle dévoile sa passion à Bajazet et qu’elle enfreint l’ordre de mise à mort du sultan. Dans chaque pièce, l’affirmation de soi consiste à révéler une identité qui se fonde sur les aspirations politiques et amoureuses. C’est cette collusion intime que cette première pièce de jeunesse exploite au plus profond. Comme l’écrit Gracián, « les choses que l’on veut faire ne se doivent pas dire ; et celles, qui sont bonnes à dire ne sont pas bonnes à faire 39 ». L’analyse du contrepoint entre « dire » et « taire », renforcé par la dissimulation amoureuse, apporte un éclairage nouveau à la pièce. La Thébaïde fait ainsi entrevoir les germes de tout le matériau théâtral dont usera Racine par la suite. La pièce repose sur un non-dit qui fait progresser l’avancée de 36 « Qu’est-ce, Créon ? Tu gardes le silence et ta bouche est sans voix », Les Phéniciennes, op. cit., p. 1073. 37 Pour Rotrou, « Créon demeure interdit » (acte V, scène 5), avant de dire luimême : « Je tremble, je frémis, je demeure interdit » (acte V, scène 6), dans Antigone, op. cit., p. 105-106. 38 Voir Jennifer Tamas, Le Silence trahi. Racine ou la déclaration tragique, Genève, Droz, 2018 (à paraître), chap. V. 39 L’Homme de cour, op. cit., maxime 179, p. 217. Jennifer Tamas 244 l’action. Cette dissimulation est complexe : elle est aussi bien amoureuse que politique. Racine enlève d’ailleurs tous les passages où la fidélité de Créon à Machiavel est trop évidente. Il s’agit bien d’un cheminement tragique car une fois que l’amour est déclaré, la fatalité est enclenchée : la passion révélée mène à la perte de soi, à l’errance et à la folie. Cette tension tragique contribue à l’élaboration du personnage, puisqu’elle fait de Créon un monstre éclatant. Lorsqu’en 1675, Racine revoit les vers de La Thébaïde, il transforme l’aveu amoureux de Créon en remplaçant « beau sujet de mes feux » en « fuyez un amant odieux ». Cette correction insiste sur le caractère horrible du personnage et sur sa dénaturation familiale, un trait qui reparaîtra ensuite dans Britannicus, Andromaque et Phèdre où les personnages de monstres pathétiques et incestueux ne manqueront pas. Cette première tragédie témoigne ainsi de la créativité racinienne (en particulier à travers l’invention de cet incestueux Créon) qui n’en reste pas à la pure imitation. Bibliographie Sources primaires jusqu’à 1800 La Châtelaine de Vergy, roman anonyme du XIII e siècle. Paris, Gallimard, 1994. 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