eJournals Papers on French Seventeenth Century Literature 44/86

Papers on French Seventeenth Century Literature
0343-0758
2941-086X
Narr Verlag Tübingen
2017
4486

Béatrice Jakobs: Conversio im Zeitalter von Reformation und Konfessionalisierung. ‘Écrit de conversion’ als neue literarische Form. Berlin: Duncker & Humblot, 2015 (coll. «Schriften zur Literaturwissenschaft», n° 37). 452 p.

2017
Philippe Richard
Comptes rendus 191 des mères 6 » propose un récit détaillé de la rupture de la paix avec les Iroquois et des exactions auxquelles se sont livrés ces « barbares plus cruels que les bêtes féroces » sur leurs prisonniers hurons. La scène traumatique de l’abandon est alors remise en perspective par le théâtre de la cruauté découvert dans le Nouveau Monde. L’ouvrage de Mary Dunn, utilement mais trop exclusivement attaché aux modèles hagiographiques, échoue à rendre compte de l’identité hybride d’écrits qui occupent une place à part dans la littérature dévote et la tradition mystique de leur siècle. Nathalie Freidel Béatrice Jakobs: Conversio im Zeitalter von Reformation und Konfessionalisierung. ‘Écrit de conversion’ als neue literarische Form. Berlin : Duncker & Humblot, 2015 (coll. « Schriften zur Literaturwissenschaft », n° 37). 452 p. Vaste étude consacrée à l’écriture de conversion aux XVI e et XVII e siècles, comprenant l’élaboration de codes spécifiques destinés à dire l’oxymore que représente une motion intérieure imposée par l’histoire et embrassant une somme foisonnante de textes dont deux appendices et un dossier iconographique de qualité ne donnent qu’un stimulant reflet, le travail de Béatrice Jakobs témoigne d’un grand courage analytique. Non seulement parce que les œuvres convoquées y sont toujours traitées avec respect pour l’acte de foi qu’elles peuvent exprimer, même au sein des vicissitudes du temps - et s’il n’est pas si fréquent que la critique littéraire fasse preuve d’une telle honnêteté dégagée de tout scepticisme de bon ton, il n’est que plus admirable pour les textes eux-mêmes que semblable geste herméneutique ait été suivi. Mais encore parce que cette confiance accordée aux auteurs n’y signifie nul renoncement à une contextualisation sérieuse ou une interrogation dubitative lorsque cela semble nécessaire - et s’il est clair qu’il n’est jamais aisé de ne pas manifester quelque enracinement que ce soit en contexte polémique, il n’est que plus appréciable pour l’analyse ellemême que semblable écriture ait pu véritablement persévérer. Le livre s’ouvre avec force en un poème tardif de Conrad Ferdinand Meyer ; pour lui éviter l’enfer éternel, un homme tue son frère qui pensait devenir protestant (« Noch starbest als ein Christ du jetzt ! ») ; le ton du sujet est bien donné et les affaires du temps sont bien replacées dans leur contexte. La difficulté sémantique du terme « conversio » disparaît alors d’elle-même : il ne s’agit évidemment pas là de revenir à la foi après une période de plus ou moins grand éloignement mais de changer radicalement de voie et de religion. 6 De Québec, À son fils, été 1647, p. 316. PFSCL XLIV, 86 (2017) 192 L’agôn marque donc immédiatement les écrits de conversion du temps de la réforme (1580-1660). Les difficultés analytiques sont dès lors importantes, et Béatrice Jakobs les reconnaît avec clarté : les conversions massives et forcées sous le règne de Louis XIV ne sont pas aisément crédibles ; le contrôle des écrits de conversion par l’autorité ecclésiastique en fausse l’expression ; l’absence de documents sur le suivi des conversions individuelles rend leur considération périlleuse. Mais il faut convenir en réalité que l’on ne quitte pas ici la question de la stratégie littéraire, voire rhétorique, de l’écriture de conversion qui est le cœur de la présente étude : sacrifier la sincérité du récit au profit d’une sincérité plus haute de l’âme possédant désormais la vérité ne fait certes pas l’affaire d’un historien soucieux de connaître l’événement mais fait en effet pleinement l’affaire d’un littéraire soucieux d’observer le fonctionnement d’une construction textuelle. L’apologétique est d’ailleurs un genre en soi, naturellement lié à la question de la conversion, et l’on peut bien l’étudier comme on étudie le sermon ou l’oraison funèbre. L’institution, aux yeux de laquelle l’écrit de conversion vise la communauté, quand le récit autobiographique ne vise que l’individu, insiste sur le fait que l’on n’est jamais converti uniquement pour soi, mais justement dans le but d’écrire sa conversion et d’aider ainsi autrui à entrer en un nouveau mystère. C’est donc le moment de comprendre que les particularités linguistiques et stylistiques de telles opérations peuvent se révéler hautement fécondes dans le cadre de l’histoire littéraire. Or, si Béatrice Jakobs en annonce plusieurs fois l’étude, cette dernière ne survient guère à nos yeux en toute l’ampleur du développement que l’on aurait pu en attendre - source de la seule véritable déception de notre lecture, entée sur un amour très français de la micro-lecture. Une fois reconnu le fait que la Bible parle sans cesse de conversion, et que les fidèles chrétiens peuvent en méditer la réalité à travers la liturgie, la prédication, la littérature, les arts et le théâtre ; et une fois constatée la peur introduite par les partisans de la réforme dans le monde catholique (on parlait du venin de l’hérésie) et le scandale attaché au catholicisme aux yeux des protestants (on parlait des superstitions des papistes), l’outrance semblant alors être la règle et ne pouvant qu’apporter la violence ; ce devait être aux caractères propres de la nouvelle forme littéraire ainsi suscitée d’apparaître clairement. Mais seule l’analyse des conditions de naissance du genre s’y attarde véritablement (p. 190-270) - on découvre alors notamment, au point de vue formel, son lien à l’épistolaire - legs humaniste - ou son attachement à la citation - legs augustinien -, et, au point de vue fondamental, son attention à la chute de cheval de saint Paul - topos de la conversio - ou son goût pour les motifs pathétiques - opposition entre ténèbres et lumière, survenue du tremblement de terre, passage de la maladie à la guérison. L’étude de la langue, Comptes rendus 193 quant à elle, demeure en effet allusive et sans véritable prise avec un horizon stylistique attendu (p. 305-316) : que la littérature de conversion affectionne les épisodes évangéliques du fils prodigue et de la brebis égarée n’a effectivement guère de quoi nous étonner mais ne répond pas à la question de savoir si cette même littérature parvient à se doter ou non d’une stylistique propre. Voilà qui ne change cependant rien au fait que l’ampleur des sources convoquées est aussi impressionnante que remarquable. Sonnets de La Ceppède ou d’Odet de la Noue, histoires dévotes de Camus, écrits de controverse en tous genres, nouvelles du Mercure galant (d’ailleurs parfait exemple d’un cas patent de manipulation, le lectorat du journal ignorant au départ que ces textes, seulement publiés par fragments et assortis d’une fin sans cesse retardée, étaient destinés à le convertir - p. 366-381). Le genre étudié peut bien être mineur en littérature, il n’en dispose pas moins d’une variété de formes intéressante tout en se montrant souvent capable d’inciter son lecteur à la réflexion. Béatrice Jakobs sait très bien l’indiquer, citant beaucoup les œuvres et en référençant remarquablement les sources, tantôt sous forme de présentation analytique tantôt sous forme de tableau synoptique. La fin de l’ouvrage, occupée par la reproduction de deux écrits de conversion et divers documents issus de livres de l’époque, est également aussi agréable qu’utile. Grâce soit donc rendue à l’auteur pour la tâche accomplie. Affirmons que le courage avec lequel un tel sujet fut si sereinement abordé et la patience par laquelle un tel ensemble d’œuvres put nous être surtout offert sont réellement dignes de considération. Philippe Richard Jérôme Lecompte : L’Assemblée du monde. Rhétorique et philosophie dans la pensée de René Rapin. Paris : Champion, 2015 (« Lumière classique 103 »). 593 p. Longtemps restée à l’ombre de Boileau, l’œuvre de René Rapin attire maintenant l’attention des dix-septiémistes, et le présent ouvrage prolonge cette conjoncture du jésuite par une analyse de l’impact de la philosophie sur sa vision de l’art oratoire. Lecompte s’appuie sur l’épistémologie de R. L. Scott et J. L. Bineham en qualifiant la rhétorique de Rapin d’« épistémique » (23) et son anti-cartésianisme de « sceptique » (47). D’après lui, ses jugements sur Descartes « sont pétris d’ambiguïtés, qui nourrissent une tension dialectique exemplaire de sa pratique rhétorique » (64), mais ces ambiguïtés et leurs tensions dialectiques encouragent notre interprète à suivre les méandres passionnants de sa théorie littéraire. Puisque les Réflexions sur la philosophie (1676) insistent « sur le raisonnable davantage que sur le rationnel », Lecompte y cerne « une valeur socio-épistémique »