eJournals Papers on French Seventeenth Century Literature 44/86

Papers on French Seventeenth Century Literature
0343-0758
2941-086X
Narr Verlag Tübingen
2017
4486

Delphine Denis (dir.): Honoré d’Urfé, L’Astrée. Deuxième partie. Édition critique établie sous la direction de Delphine Denis par Jean-Marc Chapelain, Delphine Denis, Camille Esmain-Sarrazin, Laurence Giavarini, Frank Greiner, Françoise Lavocat et Stéphane Macé. Paris: Honoré Champion, 2016 («Champion Classiques, Littérature»). 715 p.

2017
Volker Kapp
PFSCL XLIV, 86 (2017) 182 distinguish between the passé simple and the imperfect subjunctive, which is a frequent mistake in texts of this period, should have been systematically corrected. To claim that Donneau de Visé deliberately used the indicative rather than the subjunctive in such cases (p. 68) is unfair. One also wonders why the punctuation of the original edition, which is often outlandish and confusing, has been scrupulously preserved. Despite these minor flaws, this edition makes a very valuable contribution to the study of seventeenth-century French drama and clearly deserves a place in university libraries. Perry Gethner Delphine Denis (dir.) : Honoré d’Urfé, L’Astrée. Deuxième partie. Édition critique établie sous la direction de Delphine Denis par Jean- Marc Chapelain, Delphine Denis, Camille Esmain-Sarrazin, Laurence Giavarini, Frank Greiner, Françoise Lavocat et Stéphane Macé. Paris : Honoré Champion, 2016 (« Champion Classiques, Littérature »). 715 p. Nous avons salué la publication du premier volume de cette édition critique (PFSCL XXXIX No. 76 (2012), 258-261) et nous ne pouvons que féliciter l’équipe dirigée par Delphine Denis de la publication de ce deuxième volume qui possède les mêmes qualités que le précédent. Depuis la publication de la première partie en 2011, le site Le Règne d’Astrée, (http: / / astree.paris-sorbonne.fr) s’est enrichi et mérite d’être consulté, par exemple pour la version de 1610 de cette partie, pour la bibliothèque d’Honoré d’Urfé, les réécritures et adaptations de L’Astrée et l’iconographie ou la musique. Il faut savoir gré à l’équipe de profiter des ressources électroniques d’aujourd’hui pour mettre à la disposition du lecteur une abondance d’informations de grande valeur. Ces matériaux faciliteront les recherches et les cours universitaires sur cet ouvrage magistral. Cette partie est publiée en 1610, et « on connaît non moins de dix-neuf éditions de la seconde partie parues entre 1610 à 1647 » (18). Pourquoi les éditeurs ont-ils retenu celle publiée en 1614 chez Toussainct du Bray ? Il y en a trois à être publiées entre 1610 et 1616, dont la « grande proximité des leçons […] conduit à affirmer qu’elles procèdent d’un modèle commun » (20), introuvable aujourd’hui. Par « conjecture philologique », l’édition de 1610 ne peut pas être « le modèle qu’elles ont suivi » (20). Entre les deux éditions de 1614 « celle qui compte 932 pages » est prise pour texte de base « parce que c’est d’elle que procèdent les éditions successives publiées sous de nouveaux privilèges » (21). Les éditeurs corrigent le texte de 1614 quand celui de 1610 est meilleur, par exemple « Or, dit le Druide : oyez donc ce Comptes rendus 183 que je viens [de] penser » (497). Ils restituent ici « d’après l’édition de 1610 la préposition manquante en 1614 » (497). On ne peut qu’approuver ces choix. Comme l’édition de la première partie en 1607 s’ouvrait par une épitre à la bergère Astrée ainsi celle de la seconde partie commence par une épître au berger Céladon. La version remaniée de la première partie, parue au même moment, complète cet écrit adressé au protagoniste du roman par une épître dédicatoire à Henri IV, qui imprime « à l’ensemble du roman une forte dimension politique » (13), particulièrement importante pour cette suite de la première partie. Ce geste est hautement significatif de la part de l’auteur engagé d’abord dans la Ligue et passé ensuite au service de la maison de Savoie. La place déterminante de l’histoire dans la seconde partie s’explique par cette intention politique dont la transmission est attribuée principalement au druide Adamas, qui, au livre 8, développe l’histoire de la religion des Gaulois. Il y affirme « que les Gaulois sur tout sont tres religieux, & pleins de devotion envers les Dieux » (420). Une note des éditeurs remarque à ce propos qu’« Adamas attribue à un dessein divin l’invasion franque, conçue comme une libération de la sujetion romaine, tandis que François Hotman, dans le Franco-Gallia, l’explique par la volonté même des Gaulois » (413). Au livre 11, dans l’Histoire de Placidie, le même druide présente les vicissitudes accompagnant la naissance de la monarchie française pendant les invasions barbares. Il constate : « Il sembla qu’en ce temps là, le grand Dieu voulut changer les peuples d’un païs à l’autre, & principalement en Europe » (603-604). Le lecteur trouve dans les notes toutes les informations nécessaires pour évaluer la signification des développements sur l’histoire compliquée des origines de la monarchie française et les sources dans lesquels Urfé a puisé ses informations. Le livre 12 raconte la fondation de Venise par ceux qui fuirent devant la barbarie d’Attila. Urfé fait « du Forez le garant de la pureté des origines de la France » (17) et son roman « offrait ainsi un dépassement des oppositions confessionnelles dans une synthèse rêvée, à la fois historiographique et romanesque » (17). Cette remarque qu’on trouve dans l’introduction rappelle que, dans cette partie, Urfé ne se contente pas de développer des débats d’amour. Le livre 1 montre Céladon dans une grotte, au fond d’une forêt, environ deux mois après la fin de la première partie. Du livre 1 au livre 10, l’action s’étend sur environ trois jours et, après un intervalle de deux semaines, celle des deux derniers livres y ajoute encore deux jours. À juste titre, Delphine Denis met en relief « la cohérence narrative » (8), dont profite la densité temporelle de l’intrigue. La division en douze livres « associée à une chronologie linéaire » (8) facilite la lecture du roman. Les quatorze histoires PFSCL XLIV, 86 (2017) 184 enchâssées dans le récit-cadre, dont deux font plus de cent pages et renferment plusieurs histoires interrompues régulièrement, « sont structurellement subordonnées » (9) à l’intrigue principale par leur situation dans un passé plutôt lointain ou par leur éloignement plus ou moins grand du Forez. Urfé confère donc une grande importance au récit principal. La multiplication des perspectives qu’on rencontre déjà dans la première partie, s’en distingue par le fait qu’elle engendre dans cette deuxième partie une diversité d’effets d’un même événement. Urfé s’ingénie à deux reprises et par des procédés diverses à créer des quiproquos. Au livre 3, Céladon s’adresse ainsi dans une lettre à Astrée : « A la plus belle & plus aimée Bergere de l’Univers » (133). Il la confie secrètement à Sylvandre endormi qui, par erreur, l’interprète comme le message d’un démon destiné à Diane. Astrée s’aperçoit de ce malentendu, car « plus elle regardoit l’escriture : & plus il luy sembloit que c’estoit celle de Celadon » (253). Cet épisode importe beaucoup pour l’action principale parce qu’il justifie l’incursion de la troupe là où Sylvandre a dormi. Au livre 5, celui-ci choisit le chemin « le plus court & le plus beau » (235) et, « étonné » lui-même, les conduit dans un lieu où les arbres « estoient pliez les uns sur les autres, faisoient une forme ronde qui sembloit un Temple » (236). A l’entrée, ils découvrent des vers qui expliquent la destination du lieu : « Voici le bois où chaque jour, / Un cœur qui ne vit que d’Amour, / Adore la Déesse Astrée ». Cette œuvre de Céladon reste énigmatique et les « douze tables des loix d’Amour » (243) sont un nouveau prétexte pour multiplier les effets d’un événement. Sylvandre les lit selon la philosophie du néo-platonisme tandis que Hylas les modifie avec ironie pour les adapter à ses convictions. Hylas a fréquenté les écoles des Massiliens comme Sylvandre et Urfé utilise leur opposition pour rendre présentes deux attitudes contraires. La troupe marginalise ce partisan du matérialisme dans les relations amoureuses, mais le romancier profite du contraste pour donner plus de profondeur ainsi que plus de divertissement aux débats d’amour, qui caractérisent cette seconde partie de L’Astrée. Sylvandre est le concurrent de Philis auprès de la bergère Diane, qui prétend qu’il simule, « car il est certain que vous contrefaites mieux le passionné que personne du monde ». Il réplique « qu’il est aisé de contrefaire ce que l’on ressent véritablement » (157). Pour le lecteur, cette multiplication des points de vue est une des causes du plaisir indéniable qu’apporte la lecture de cette partie. Cette édition respecte les graphies, la ponctuation et la disposition du texte et renonce à harmoniser les graphies diverses. Les élucidations lexicales en bas de page aident beaucoup, sans lesquels on ne comprendrait que difficilement la phrase : « Mais ne croyez toutefois que je sois si peu juste observateur » (542), s’ils n’expliquaient le mot « observateur » par la Comptes rendus 185 notice de Furetière : « Celuy qui obeït aux loix et aux regles, qui les observe exactement. […] Un homme d’honneur est scrupuleux observateur de sa parole, de ses promesses » (542). Ces explications contribuent beaucoup à faciliter la compréhension de ce chef-d’œuvre de la littérature française du XVII e siècle. Volker Kapp Mary Dunn: The Cruelest of All Mothers. Marie de l’Incarnation, Motherhood, and Christian Tradition. New York : Fordham University Press, 2016. 208 p. The Cruelest of all Mothers propose d’examiner à nouveaux frais la question des représentations et de la place de la maternité dans le contexte de la culture et de la tradition chrétienne en France au XVII e siècle, à partir du cas de Marie de l’Incarnation. Dans le parcours mouvementé de la religieuse, mystique et missionnaire, Mary Dunn sélectionne un épisode, celui de l’abandon du fils, à partir duquel elle élabore une réflexion sur la figure maternelle, en croisant les perspectives historique, sociologique et théologique, et en convoquant les modèles de la French theory, notamment à travers les travaux de Pierre Bourdieu et Julia Kristeva. Notons que la façon dont le corpus des œuvres de Marie de l’Incarnation, recomposé et en partie réécrit par son fils et biographe Claude Martin, insiste et revient sur les circonstances de l’entrée de Marie Guyart au couvent des ursulines de Tours, en 1631, avait déjà retenu l’attention de la critique. Henri Brémont lui consacre un long développement dans son Histoire du sentiment religieux en montrant que le « drame » de l’abandon de Claude, loin du topos hagiographique, constitue un véritable « problème » dans le cadre de l’analyse morale 1 . Sophie Houdard a souligné quant à elle combien « le cri public du fils abandonné », par sa violence, bouleverse et déstabilise les objectifs de la biographie spirituelle 2 . À rebours de ces lectures du soupçon, le travail de Mary Dunn s’intéresse à ce moment de l’itinéraire spirituel de Marie de l’Incarnation, pour en souligner non la singularité mais le conformisme : le drame après tout n’en est pas un, une fois replacé dans le double contexte, d’une part de la vie familiale sous l’Ancien Régime, d’autre part de la tradition chrétienne de marginalisation des mères. Dans cette perspective, le thème de l’abandon de 1 Henri Brémont, Histoire littéraire du sentiment religieux depuis la fin des guerres de religion jusqu’à nos jours, Grenoble, J. Million, 2005, t. II, p. 799. 2 Sophie Houdard, « Le cri public du fils abandonné ou l’inexprimable secret de la cruauté d’une mère », Littératures classiques, n°68, 2009, p. 273-284.