eJournals Papers on French Seventeenth Century Literature 43/85

Papers on French Seventeenth Century Literature
0343-0758
2941-086X
Narr Verlag Tübingen
2016
4385

Patrick Dandrey (dir.): Naissance de la critique littéraire, Littératures classiques 86 (2015). 290 p.

2016
Pierre Zoberman
PFSCL XLIII, 85 (2016) 382 resituer, avec une précision extrême, la Querelle et ses prémices (I-II), d’en identifier les protagonistes, avec leurs motivations et leurs compétences (III- V), de faire apparaître les faux semblants et les points obscurs de cette chronique événementielle (VI-VII) de façon à montrer la complexité, la confusion, l’enchevêtrement des projets antagonistes, voire la porosité des camps. À partir du VIIIème, «Modèles », les chapitres se font plus analytiques, pour envisager, de manière originale « la dramaturgie partagée » de l’ensemble de la Querelle sur trois plans : narratif (journalistique), dramatique (mise en intrigue), rhétorique (judiciaire), avant de pouvoir souligner la supériorité de Molière tant dans le domaine de la conduite de la chicane que dans celui de la prouesse théâtrale (IX), le chapitre X, très neuf, faisant du « Remerciement au Roi », un élément clé de cette stratégie. Le chapitre XI engage un autre processus critique, élevant et actualisant le débat autour de questions esthétiques essentielles, comme celles de la « valeur » d’une œuvre, des pouvoirs du rire. Les chapitres XII et XIII fournissent en quelque sorte des éléments de réponse à cette interrogation évaluative, en comparant, du point de vue de l’innovation, de l’imitation et de la réécriture, les pièces de Molière et celles de ses adversaires, Donneau de Visé, Boursault, Montfleury etc., ce qui donne lieu à de fins commentaires textuels montrant, en particulier, le renouvellement formel apporté par l’Impromptu de Versailles. Le dernier chapitre « portraits de peintre », explorant la spécularité des pièces, ajoute à cette belle galerie d’études un très intéressant parallèle avec les Ménines de Velasquez, dans une sorte de jeu mimétique où Patrick Dandrey rivalise de brio à ses modèles théâtraux et picturaux. Son livre, La guerre comique, donne donc un tableau nouveau et particulièrement fouillé, d’une Querelle, qu’il a délibérément considérée comme une tumultueuse « comédie à cent actes divers » (p. 387), et qui lui a permis, par-delà les mises au point érudites, de poser des questions essentielles comme celle de l’institution de la valeur d’une œuvre, sur le moment et dans la postérité (p. 392). Il se clôt sur un conseil moliéresque tiré de La Critique de l’École des femmes : ne pas chercher des « raisonnements » qui empêchent « d’avoir du plaisir ». On a envie d’ajouter sauf quand, comme chez Patrick Dandrey, les raisonnements donnent du plaisir. Pierre Ronzeaud Patrick Dandrey (dir.) : Naissance de la critique littéraire, Littératures classiques 86 (2015). 290 p. Ce volume réunit quinze textes issus du séminaire organisé à la Sorbonne en 2009-2010 par Patrick Dandrey, avec Delphine Denis. Si l’on a, dans les années soixante, ressenti le besoin de faire le point sur Les Chemins actuels de Comptes rendus 383 la critique (« 10/ 18 », 1968), on pourrait dire que l’ambition du volume est de proposer un, ou plutôt des regards actuels sur la critique dans la première modernité et, précisément, de réfléchir aux relations entre critique et modernité. Le dix-septième siècle représente de fait une période-clef que Patrick Dandrey propose de lire comme marquant un renouveau par rapport à la tradition de la critique savante humaniste : « La Renaissance, filtre de l’Antiquité à travers lequel la modernité va en récupérer l’héritage, en a transmis le précieux viatique sous les trois formes de la transmission, de l’émulation et de l’innutrition » (« Naissance de la critique littéraire au XVII e siècle ? », 10) - la dialectique temporelle se marque dès le premier article (Damien Fortin, « Du Parnasse au Panthéon. Les Vies d’écrivains du Grand Siècle par leurs contemporains : naissance d’une nouvelle forme critique », 19-36), dans lequel le corpus est présenté comme doublement fécond, et dans sa dimension contemporaine (représentation des gens de lettres célèbres) et dans une dimension rétrospective, comme « l’un des tout premiers objets parmi ceux qui s’offrent à un travail d’historien de la littérature de cette période » (36). Si Patrick Dandrey s’interroge sur le devenir de ce triple processus, il met en même temps l’examen sous le haut patronage de Sainte-Beuve et de sa double caractérisation d’une « critique qui échauffe » et d’une « critique qui souligne » (6-7), au long de trois parties : « Sous l’égide des formes (Première partie) sont regroupées des études consacrées à divers modes ou modèles de discours dont la convergence contribuera progressivement à l’élaboration d’un genre, celui de l’écriture critique. Au titre des normes (Deuxième partie) on examine l’élaboration concertée ou l’application spontanée de quelques-uns des critères de jugement portés sur la littérature en général ou sur tel genre en particulier, à la faveur de quoi une pensée, une activité, une démarche d’appréciation critique se sont cherchées durant le XVII e siècle. Enfin une galerie des figures (Troisième partie) réunit quelques portraits de personnalités du monde littéraire d’alors qui ont réservé tout ou partie de leurs œuvres à examiner, évaluer et apprécier celles de leurs contemporains ou plus généralement celles que leur époque constituait, estimait ou révérait comme des ouvrages de littérature, au sens à peu près où nous entendons aujourd’hui ce terme » (15-16). La division fonctionne, même si l’on peut penser que La Bruyère (Bérengère Parmentier, « Le droit à écrire. La Bruyère, Les Caractères et la critique ») aurait peutêtre aussi efficacement trouvé sa place dans l’ultime section « Figures » qu’à la fin de la deuxième (« Normes »). Mais la fluidité même du volume contribue à remettre en cause toute vision trop rigide de la période et de ses pratiques d’écriture-lecture. Même si le directeur du volume assume « la forme nécessairement parcellaire d’un florilège » et met en avant l’idée d’une « lecture prismatique, presque kaléidoscopique » (16), on pourrait re- PFSCL XLIII, 85 (2016) 384 gretter l’absence d’une synthèse qui ferait ressortir les points de convergence et ceux au contraire où les différentes contributions semblent diverger, voire se contredire; par exemple sur la définition de la « raison » et du « bon sens » comme critères de la valeur des jugements : ces termes sont pour Delphine Reguig rattachés, à tort, par la postérité des chercheurs à une conception cartésienne dans le cas de Boileau (« Nicolas Boileau ; un cas historiographique », 241-258), lequel est beaucoup plus proche, d’après elle, d’une conception intuitive, d’une « raison du goût » (248). Ils sont au contraire bien ancrés dans la rigueur cartésienne pour Emmanuelle Mortgat- Longuet, qui ferme le volume avec l’étude du « traité préliminaire aux Jugements des savants d’Adrien Baillet (1685) » (« De l’idéal du critique au discernement du lecteur », 259-279) : le janséniste Baillet se place d’ailleurs dans la ligne du cartésianisme de Port-Royal et en particulier de la Logique (267-268) et de Malebranche. La référence à Bernard Lamy et à ses Entretiens sur la science pourrait d’ailleurs être explicitement rattachée à Port- Royal, si on se rappelle avec Michel Charles, dans Rhétorique de la lecture, que sa Rhétorique a été considérée comme la « Rhétorique de Port-Royal »… Le numéro présente une forte cohérence. Par exemple, le dernier article, qui ouvre sur le XVIII e siècle, justifie la méthode de présentation de Baillet (qui multiplie les jugements sur chaque auteur) et son passage, précisément, d’un « idéal » du critique à la pratique concrète du lecteur en évoquant le « renoncement à l’idéal encyclopédique » et « la réorganisation des savoirs » (275). De manière analogue, Dandrey faisait référence au « recul de l’indivision des savoirs et [à] la spécialisation croissante des activités de l’esprit […] sanctionné (sic) par le passage des “bonnes lettres”, ou entraient toutes les disciplines, y compris scientifiques, à ce qui devient […] les “belles lettres” au sens large de l’expression : le terme littérature signifi[ant] encore, à la fin du XVII e siècle, érudition » (9). L’antonomase « le bibliothécaire » est récurrente dans l’article consacré aux Jugements des savants (274, 278, 279, etc.). Si on peut regretter que cette récurrence même n’ait pas été explicitement problématisée, elle suggère du moins l’importance, dans la naissance d’une critique littéraire et dans la réflexion sur elle, de certaines fonctions ou positions et de certains lieux (au double sens concret et métaphorique et rhétorique), tels le bibliothécaire et la bibliothèque, comme en témoignent plusieurs textes à travers le volume (« Histoire des lettres et tradition de l’erreur. De l’Avis pour dresser une bibliothèque de Naudé au Dictionnaire historique et critique de Bayle », de Bernard, Tayssandier, dans la première partie, « Formes », 67-90 ; « L’entreprise critique de Sorel : une œuvre de “novateur” ? », de Michèle Rosellini, dans la dernière section, « Figures », 187-213). Il n’est jusqu’aux libraires-éditeurs qui ne participent à la promotion de la critique. Certes, Karine Abiven, reprenant dans « Fragments Comptes rendus 385 d’un discours critique. La question de l’autorité dans les ana » (37-55) le corpus bien délimité des ana, conclut sur le rôle que jouent ces textes comme « témoins, et peut-être […] agents discrets de l’institution de nouveaux pouvoirs au sein du champ littéraire en construction : celui du critique, puis de l’écrivain » (54-55) ; mais c’est bien comme « genre éditorial » (38) qu’elle aborde les ana. Autre facteur d’unité, intrinsèquement lié au concept et à la fonction mêmes de critique, la préoccupation éthique est centrale à la réflexion sur le/ la critique, de la présentation du volume (« Dans tous les cas, l’ethos de la critique est dominé par la conscience et l’exercice d’une autorité intellectuelle et pratique à la fois », 7) à la soussection de l’article final intitulée « De l’ethos du critique » (Mortgat-Longuet, 271). Dans « Questionnements éthiques sur le discours critique. L’exemple des clefs d’Ancien Régime » (57-66), Anna Arzoumanov part du rejet de la satire par Houdar de la Motte au début du XVIII e siècle (« Cet effort typologique répond à une volonté de légitimer l’activité critique par opposition au commentaire malin », 58). Se référant à la définition de Critiquer par Furetière, l’auteure souligne l’opposition entre une bonne critique, activité d’honnête homme, et un « comportement typiquement féminin, le commérage et la médisance », c’est-à-dire dans les termes de Furetière, lorsque le verbe se prend « odieusement ». On peut peut-être regretter que cette opposition entre versants masculin et féminin ne soit pas explorée de manière plus approfondie (voir par exemple, les travaux de Nicholas Hammond sur le commérage et le gossip et leur rapport avec les identités sexuelles et de genre) - d’autant que la satire des femmes est un enjeu dans les querelles de l’époque. D’ailleurs, la « menace précieuse sur la langue » et la peur d’une « contagion » (165) sont en revanche explorées dans l’article de Myriam Dufour-Maître, « La Critique des femmes : le cas des “précieuses” » (157- 168) : aux yeux des contemporains, il y a, dans le cas des précieuses, « impertinence critique » (163), et surtout : « “Précieuses” fonctionne bien, et longtemps, comme le signifiant d’un interdit : celui de substituer une activité, créatrice et critique, à cette fonction dévolue aux femmes d’être le support imaginaire et passif de la langue commune, identifiée à la nature même » (167-168). La question éthique - inquiétude à l’égard de la position de censeur (l’interrogation « Le critique doit-il être un censeur ? » est une sous-section de l’article de Michèle Rosellini sur Sorel, 191) ou rejet de la satire - revient avec force dans l’article de Delphine Reguig sur Boileau, qui examine, entre autres points, l’établissement paradoxal de l’autorité de Boileau, dont la satire IX, « À son esprit », réitère la censure satirique à propos de laquelle pourtant il morigène son esprit (242). Naturellement, les coupables, aux yeux de Boileau, sont en fait les auteurs, dont les faiblesses éclatent aux yeux des lecteurs, le public des honnêtes gens qui devient la PFSCL XLIII, 85 (2016) 386 référence - on s’éloigne de l’humanisme savant sur ce point. La lecture apparaît dans le volume, précisément, comme un enjeu central, le critère fondamental pour le jugement critique. Ainsi, Larry Norman, qui poursuit avec « La Querelle des Anciens et des Modernes, ou la métamorphose de la critique » (95-113), son entreprise de réévaluation des positions respectives des deux clans, met en lumière l’alternative : « Une critique rationaliste ou empiriste ? » (108) pour montrer que Perrault, lequel « expose son esthétique dans le Parallèle », fonde cette dernière sur la « raison méthodique » (108-109), et conclure que la « foi [des Modernes] dans la raison pure, dans la déduction abstraite, va les conduire à l’impasse » (110). (Ici encore, la Rhétorique de Bernard Lamy, avec sa définition du beau comme ordre et symétrie, manière pour lui d’élucider le je ne sais quoi auquel, dit-il, on renvoie généralement pour caractériser la beauté, vient à l’esprit comme composante du paysage intellectuel dans lequel se développe cette esthétique.) Inversement, « [c]’est peut-être l’ironie la plus remarquable de la Querelle que le parti des Anciens investisse l’autorité de la critique dans le lecteur non érudit, soit ancien, soit moderne […], dans ses sentiments les plus vifs, pris dans le moment même de la lecture. » (112). Cette place de la raison et le sens même qu’il faut attribuer à ce terme chez les auteurs examinés dans le volume ne semblent pas identiques dans les différentes contributions. La stimulante réflexion de Carine Barbafieri sur le mauvais goût (« Du goût, bon et surtout mauvais, pour apprécier l’œuvre littéraire », 129-143) se conclut sur la constatation rafraîchissante : « c’est alors un autre XVII e siècle qui se donne à voir, un XVII e siècle plus joyeux, moins normé et moins bienséant que celui par l’histoire littéraire » (142-143 ; de fait on peut penser à la fortune de la chanson de la « La coquille » ! ). Or, le point de départ est problématique : « La réception de l’œuvre, de même que sa création » renvoient à « un ensemble de règles. Mais les règles, pour importantes qu’elles soient, ne sauraient rendre compte de tout : Anciens et Modernes en sont convaincus. […] Les règles ne garantissent pas la beauté de l’ouvrage ; et si celui-ci est effectivement beau, il demeure toujours un “je ne sais quoi” » (129) (l’on notera l’apparition du je ne sais quoi dont Lamy affirmait au contraire pouvoir rendre compte pour définir la beauté). Cette présentation semble peu compatible avec l’esthétique des Modernes, telle que Norman la caractérise : c’est l’un des endroits du volume où l’on peut malgré tout regretter l’absence, sinon d’une synthèse, du moins d’une réflexion sur les effets de discordance produits par la multiplication des perspectives. Quoi qu’il en soit, comme Anne Duprat le souligne dans sa contribution (« Entre poétique et interprétation. Sur la Lettre-préface de Jean Chapelain à l’Adone de Marino (1623) » (117-128), « c’est bien la lecture d’un texte, qui est engagée » (119). On remarquera que, comme pour Comptes rendus 387 Boileau, c’est sa pratique de lecture critique qui permet à Chapelain, alors jeune débutant, d’établir son autorité (voir ibid.). On voit d’ailleurs ici que les fils qui parcourent le volume se poursuivent d’une section à l’autre, puisque l’article d’Anne Duprat inaugure la section « Normes » que clôt l’article de Bérengère Parmentier sur La Bruyère, alors que Larry Norman fermait la première, « Formes ». C’est certainement l’un des points forts du volume que de revenir sur ce qui était naguère tenu pour des évidences sur l’époque classique et ses gens de lettres, et de projeter sur la période un éclairage nouveau, sous l’angle de la problématisation de la lecture et de la réception, de leur théorisation et de leur pratique, au dix-septième siècle. Cette relecture se veut rigoureuse - et, si l’on sait gré, par exemple à Carine Barbafieri de légitimer son objet en montrant que la notion de « mauvais goût » a été forgée au XVII e siècle, la peur de l’anachronisme ne devrait-elle pas s’effacer de toute façon devant « la richesse herméneutique de la notion de mauvais goût pour les contemporains autant que pour nous-mêmes » (130) ? Replacées dans ce contexte de remise en perspective, les œuvres et les positions des gens de lettres associés par la tradition au classicisme français se découvrent, neuves pour nous. Bernard Beugnot et Roger Zuber se partagent ici à nouveau la réflexion sur Balzac (« Guez de Balzac critique », 215-229). Le second montre comment Balzac développe un cicéronisme combinant douceur et purisme qui, centré qu’il est sur le cas français, n’en intègre pas moins l’expérience romaine de l’homme de lettres, lequel donne « le sentiment que le débat proprement français s’inscrit dans le cadre d’une dispute plus large » (« Balzac, Malherbe et la théorie de l’imitation », 224). Renvoyant les robins à la bigarrure de leurs citations, et constituant bien avant Boileau, Ronsard en contre-modèle, il fait de Malherbe l’incarnation de la bonne imitation : « champion de la modernité élégante, […] il apparaît comme l’égal des maîtres anciens ». Ce sont donc encore les enjeux de la modernité qui se dessinent ici - et d’une modernité mondaine. Bernard Beugnot avait déjà marqué la position charnière de Balzac, situé « par sa culture […] à l’articulation de deux siècles, entre l’humanisme dont il hérite […] et la modernité qu’il contribue à inventer » (215). De fait, l’unico eloquente contribue à la « naissance d’une critique mondaine » (ibid.), ce qui rend très bienvenu, vu la position du Père Bouhours comme arbitre du goût et sa capacité de saisir l’esprit de l’époque et de ses élites, l’enchaînement avec l’article suivant, sous la plume encore de Bernard Beugnot, « Le Père Bouhours ou de la délicatesse » (231-240). Non seulement se dessine « l’idéal d’une beauté plus poursuivie que définie […] qui suppose pour être perçue la culture correspondante du lecteur et une forme de sociabilité (honnêteté, urbanité) » (239), mais, si derrière « le pointillisme et l’éclate- PFSCL XLIII, 85 (2016) 388 ment des remarques » se révèle « une vision qui a sa cohérence », c’est par référence au « je ne sais quoi » plutôt qu’aux « règles » (ibid.). Et l’on voit encore ici comment, en redécouvrant des figures essentielles (le volume n’ayant aucune ambition d’exhaustivité), on est en même temps au cœur de la réévaluation des notions et des débats qui ont animé la vie culturelle mondaine autant que savante. Si, comme le souligne plus d’un article, le dix-septième siècle est, à bien des égards, le siècle de la critique, le volume Naissance de la critique littéraire, dans son ensemble, apporte de nouveaux éclairages, remet en question les évidences et stimule la réflexion, une réussite de la formule thématique de la revue qui l’accueille. Pierre Zoberman Cécile Lignereux (dir.) : La première année de correspondance entre M me de Sévigné et M me de Grignan. Paris : Classiques Garnier, 2012. 339 p. Les études réunies dans ce volume par Cécile Lignereux focalisent l’attention sur la première année de la correspondance entre M me de Sévigné et M me de Grignan. Bien que suggérée par le programme d’agrégation de 2013, cette restriction est très justifiée par le profil de cette correspondance : elle permet de se pencher sur la naissance des stratégies employées par l’épistolière pour trouver une méthode afin de remédier à la douleur causée par la séparation de sa fille. Les contributions dévoilent toujours une nouvelle facette de cette stratégie sans que le lecteur se heurte à des répétitions ou des doublets fastidieux. Un élément de base retient l’attention d’Olivier Leplatre (Écrire de provision. Le commerce épistolaire de M me de Sévigné) : l’expression écrire « de provision », qui se trouve depuis « les premiers mois (février-mars) » (257), sert à inventer « une figure inscrite dans l’élaboration plus vaste de sa topique personnelle » (260). D’après C. Lignereux (Introduction), le dialogue par lettres assume une fonction « de communication entre correspondantes confrontées à la distance » (21), qui force l’épistolière à inventer des procédés littéraires susceptibles de la consoler. Cette problématique préoccupe bien plus la mère que sa fille, dont elle vante toutefois les qualités de l’écriture épistolaire (Guillaume Cadot, M me de Sévigné lectrice des lettres de sa fille. Les stratégies affectives du discours métaépistolaire). 1671 est donc l’année où M me de Sévigné, bouleversée par le départ de M me de Grignan, explore les possibilités du genre bien connu de la lettre et élabore progressivement « un protocole épistolaire qui soit à la hauteur de ses exigences affectives » (21). Suivant la belle formule de C. Lignereux, elle conçoit « l’espace épistolaire comme l’un des rares lieux