eJournals Papers on French Seventeenth Century Literature 43/85

Papers on French Seventeenth Century Literature
0343-0758
2941-086X
Narr Verlag Tübingen
2016
4385

Patrick Dandrey: La guerre comique: Molière et la querelle de L’École des femmes. Paris: Hermann, 2014, 415 p.

2016
Pierre Ronzeaud
PFSCL XLIII, 85 (2016) Patrick Dandrey : La guerre comique : Molière et la querelle de L’École des femmes. Paris : Hermann, 2014. 415 p. Le titre de l’ouvrage en donne immédiatement la teneur et la tonalité. La polysémie d’époque du mot « comique » y est en effet réinvestie puisqu’il s’agit de rendre compte, en la théâtralisant par une mise en scène textuelle organisée en une suite de tableaux historiques et analytiques à la fois couvrant tous les aspects de la question, de la polémique qui a suivi la création de L’École des femmes et qui a engendré une étourdissante succession de pièces belliqueuses, où Molière, ses adversaires et ses partisans, ont fait preuve de pugnacité féroce, mais aussi de créativité formelle, voire de drôlerie. Patrick Dandrey a en effet, à l’image de son maître Molière, choisi d’éclairer ce grand moment de l’histoire du théâtre de manière nouvelle, savante, sérieuse, mais aussi ludique et parfois teintée d’humour (Le Boulanger de Chalussay, « huitième samouraï », p.189), dans un livre qu’il dit lui-même « aimanté par le contexte et la texture dramatiques qui font l’irréductible originalité de la querelle de l’École des femmes » (p.9), c’est-àdire par la spécificité esthétique (théâtrale et comique) des écrits qui l’ont constituée. Il prolonge même, en creux ou sur la scène annexe des notes de bas de page, cet érudit et subtil jeu de miroirs entre spectacle et critique pour faire entendre, profondément mais aussi plaisamment, sa voix d’auteur de nombreux d’ouvrages consacrés à Molière, dans le cadre des débats actuels sur la genèse et l’interprétation des pièces de celui-ci (cf. pp. 11, 26, 43). Dans le fond, comme son génial inspirateur le faisait en matière dramaturgique, il propose un exemple original et brillant de mélange de théorie et de pratique critiques, montrant avec savoir, démontrant avec brio et dialoguant avec ses lecteurs comme avec un public complice. Il en ressort plus qu’une somme d’informations exhaustives sur la Querelle, une invitation à reconsidérer autrement les « pièces » du dossier (ponctuellement, comme le rôle méconnu du « Remerciement au Roi » ou globalement, comme l’enchaînement agonistique des pièces considéré comme la trame d’un seul continuum dramatique polémique) et à lire en elles, et à travers leur réception contemporaine, la marque d’une double prouesse moliéresque, dans le domaine de l’invention dramatique comme dans celui de l’efficacité polémique et comique. Et, par-delà, une invitation à débattre de la pertinence de certains concepts critiques (le ridicule - cf. pp. 43-47, la valeur éthique ou esthétique du rire - cf. pp. 285-290) non sur le mode de la querelle mais sur celui de la vérification empirique par leur réinvestissement dans le contexte historique particulier des années 1660. Pour ce faire, l’ouvrage de Patrick Dandrey est divisé en 14 chapitres, dont les premiers sont à dominante historique, pour permettre d’abord de PFSCL XLIII, 85 (2016) 382 resituer, avec une précision extrême, la Querelle et ses prémices (I-II), d’en identifier les protagonistes, avec leurs motivations et leurs compétences (III- V), de faire apparaître les faux semblants et les points obscurs de cette chronique événementielle (VI-VII) de façon à montrer la complexité, la confusion, l’enchevêtrement des projets antagonistes, voire la porosité des camps. À partir du VIIIème, «Modèles », les chapitres se font plus analytiques, pour envisager, de manière originale « la dramaturgie partagée » de l’ensemble de la Querelle sur trois plans : narratif (journalistique), dramatique (mise en intrigue), rhétorique (judiciaire), avant de pouvoir souligner la supériorité de Molière tant dans le domaine de la conduite de la chicane que dans celui de la prouesse théâtrale (IX), le chapitre X, très neuf, faisant du « Remerciement au Roi », un élément clé de cette stratégie. Le chapitre XI engage un autre processus critique, élevant et actualisant le débat autour de questions esthétiques essentielles, comme celles de la « valeur » d’une œuvre, des pouvoirs du rire. Les chapitres XII et XIII fournissent en quelque sorte des éléments de réponse à cette interrogation évaluative, en comparant, du point de vue de l’innovation, de l’imitation et de la réécriture, les pièces de Molière et celles de ses adversaires, Donneau de Visé, Boursault, Montfleury etc., ce qui donne lieu à de fins commentaires textuels montrant, en particulier, le renouvellement formel apporté par l’Impromptu de Versailles. Le dernier chapitre « portraits de peintre », explorant la spécularité des pièces, ajoute à cette belle galerie d’études un très intéressant parallèle avec les Ménines de Velasquez, dans une sorte de jeu mimétique où Patrick Dandrey rivalise de brio à ses modèles théâtraux et picturaux. Son livre, La guerre comique, donne donc un tableau nouveau et particulièrement fouillé, d’une Querelle, qu’il a délibérément considérée comme une tumultueuse « comédie à cent actes divers » (p. 387), et qui lui a permis, par-delà les mises au point érudites, de poser des questions essentielles comme celle de l’institution de la valeur d’une œuvre, sur le moment et dans la postérité (p. 392). Il se clôt sur un conseil moliéresque tiré de La Critique de l’École des femmes : ne pas chercher des « raisonnements » qui empêchent « d’avoir du plaisir ». On a envie d’ajouter sauf quand, comme chez Patrick Dandrey, les raisonnements donnent du plaisir. Pierre Ronzeaud Patrick Dandrey (dir.) : Naissance de la critique littéraire, Littératures classiques 86 (2015). 290 p. Ce volume réunit quinze textes issus du séminaire organisé à la Sorbonne en 2009-2010 par Patrick Dandrey, avec Delphine Denis. Si l’on a, dans les années soixante, ressenti le besoin de faire le point sur Les Chemins actuels de