eJournals Papers on French Seventeenth Century Literature 42/83

Papers on French Seventeenth Century Literature
0343-0758
2941-086X
Narr Verlag Tübingen
2015
4283

Myriam Dufour-Maître: Michel de Pure, La Précieuse ou Le Mytère de la Ruelle. Édition établie, présentée et commentée par Myriam Dufour-Maître. Paris: Honoré Champion, 2010 (Sources classiques 98). 820 p.

2015
Volker Kapp
Comptes rendus 459 la poétique en indiquant toujours l’air de la chanson parodiée. Malgré ces réserves, il faut reconnaître que le chapitre consacré à ces poésies innove par rapport aux travaux récents sur la poésie religieuse. Ses résultats invitent à prolonger ces développements pour réhabiliter pleinement la poésie religieuse. Malheureusement la bibliographie de cette étude omet l’ouvrage important de Robert Spaemann Fénelon Reflexion und Spontaneität (1963, deuxième édition remaniée 1990) bien qu’il soit très présent dans la critique fénelonienne en France. Le chapitre « Nécessité et dangers de la réflexion » (513-519) évoque les avertissements adressés à la comtesse de Montberon « contre la tendance à analyser son âme » (515). Il rapporte également que Bossuet condamne l’erreur de ceux qui ont parlé contre les réflexions. Ce débat sur la réflexion trouve des échos dans la philosophie de Leibniz, Kant et Hegel, échos bien mis en évidence par Spaemann mais inconnus à Pauline Chaduc. Sa conclusion cite Kant vilipendant l’autoritarisme pernicieux du directeur spirituel jugeant « la conscience à ma place » (663). Ce type de relation n’est autorisé de nos jours qu’à la médecine, surtout la psychanalyse, qui prend en charge cette fonction à partir du XIX e siècle sous des prémisses scientifiques. Ce qu’on pourrait qualifier de changement de paradigme rend difficile la compréhension de la pratique religieuse dont les divergences entre les théologiens, codifiant cette pratique, ne facilitent pas son évaluation. Les polémiques, particulièrement contre Fénelon, risquent de l’obscurcir pour toujours. Face à ces obstacles, il faut féliciter Pauline Chaduc de s’abstenir de toute réserve vis-à-vis de la direction spirituelle qu’elle étudie dans une optique littéraire en se documentant sur ses présupposés théologiques. Cette démarche lui permet de détecter une facette importante de la littérature du siècle classique. Volker Kapp Myriam Dufour-Maître : Michel de Pure, La Précieuse ou Le Mystère de la Ruelle. Édition établie, présentée et commentée par Myriam Dufour-Maître. Paris : Honoré Champion, 2010 (Sources classiques 98). 820 p. Ce roman volumineux est plus familier aux critiques par son thème que par une lecture personnelle approfondie. Émile Magne, dont l’édition critique (Paris, E. Droz, 1938-1939, 2 vols.) était jusqu’à présent la seule présente dans les bibliothèques universitaires, attirait l’attention sur les « clefs » décryptant l’identité des personnages fictifs participant aux entretiens. C’était une invitation à consulter l’ouvrage surtout pour illustrer quelque donnée PFSCL XLII, 83 (2015) 460 historique par un document de l’époque au lieu de se laisser captiver par les méandres des conversations qui reflètent des préoccupations de la société confrontée à un phénomène inquiétant : ce groupe féminin s’émancipant de la prédominance masculine et modifiant profondément, par ses pratiques, la sociabilité et l’esthétique littéraire. Les Italiens se distinguaient depuis longtemps déjà par des idées exaltant la femme, mais ils se cantonnaient surtout au domaine des réflexions tandis que les précieuses s’implantaient dans la pratique des relations sociales. De Pure peut irriter ses lecteurs par les mises en abyme qui multiplient les points de vues sur la fiction littéraire aussi bien que sur les personnages qui y échangent des propos. Les personnes qualifiées de « précieuses » y sont exaltées autant que vilipendées de sorte qu’il est souvent difficile de parvenir à des conclusions inébranlables. L’art du romancier se révèle dans sa capacité à reproduire dans la fiction littéraire les incertitudes d’une réalité sociale basée sur les aspirations de certains groupes plutôt que sur un programme d’une association réglée par des statuts. Il s’efforce de saisir et de décrire un phénomène aux facettes changeantes sans s’adonner à des généralisations, commodes mais passant à côté de la réalité multiforme et pleine de contradictions. On cherche en vain dans son roman des définitions qu’on pourrait transcrire telles quelles dans un manuel d’études littéraires. C’est ce qui fait le charme de son approche des « Précieuses ». On est frappé par la dimension ludique des conversations et par le constat que ce jeu des entretiens variés sait mettre en évidence des composantes à première vue contradictoires. La fiction littéraire transmet des messages spécifiques qui se soustraient aux abstractions définitoires. Un exemple typique de ce procédé se manifeste dans les points de vue cherchant à circonscrire les différents traits caractéristiques du phénomène. C’est ainsi qu’est souligné par ces conversations sur la Précieuse son enracinement dans un idéal culturel : « La Précieuse n’est point la fille de son père ni de sa mère […] elle est un extrait de l’esprit, un précis de la raison » (136). C’est ingénieux et pertinent tout en restant flou si on exige des critères sociologiques ou philosophiques clairs. Le romancier soutient ensuite que la « Précieuse de soi n’a point de définition […] c’est un composé du triage des ruelles, et de tout ce qu’il y a de beau qui les fréquente » (142). Le vague de cette description est le présupposé de sa pertinence. Ce type d’énoncé, qui se poursuit sur quelques centaines de pages, culmine dans un constat à première vue banal, mais en vérité très juste : Le « mot de précieuse […] est féminin » (526). Le personnage de Gélasire qui évoque dans ce contexte le roman de Michel de Pure par une des multiples mises en abyme, provoque « un éclat de rire » (527) des dames qui en même temps le sollicitent de le leur procurer le plus vite possible. Cette curiosité Comptes rendus 461 mérite d’être partagée par les critiques littéraires auxquels Myriam Dufour- Maître rend un grand service par son travail d’éditrice. La présente édition attire l’attention sur les analogies avec les romans contemporains et insiste sur la virtuosité à mettre en scène des conversations variées dans ces cercles dominés par les femmes du grand monde. L’introduction (7-77) de Myriam Dufour-Maître incite à des lectures fascinantes. Prenons un exemple parmi tant d’autres : l’interprétation d’une variante concernant le refus de Madeleine de Scudéry « d’être écrivain de profession » (16). La critique avance l’hypothèse, hardie mais bien fondée à notre avis, « d’une destruction systématique des exemplaires [de la première édition qui est très rare] par les ’groupes précieux’ » (18) récusant l’affirmation qui s’y trouvait : « Mademoiselle de Scudéry est l’ouvrière de Cyrus » (207). Ce propos est modifié dans la deuxième édition en : « […] c’est le fameux auteur de Cyrus, à qui Clélie doit sa seconde vie […]. Oui, Mesdames, Monsieur de Scudéry veut montrer qu’il est inépuisable, et immédiatement après le merveilleux Cyrus » (208). Myriam Dufour-Maître soutient à juste titre que cette correction renforce « le caractère fictionnel » (19) du roman, elle se garde toutefois de récuser tout recours aux clefs de lecture. Son commentaire de l’éloge du mariage par Parthénoïde nous semble révélateur : « Malicieusement, Michel de Pure insiste à faire prononcer des éloges du mariage à ce personnage qui figure le célibataire endurci qu’était Jean Chapelain » (456). Cette note, qui concerne un des participants masculins des échanges, suggère des affinités électives du romancier avec des idées à la mode aujourd’hui, affinités que l’éditrice détecte à plusieurs reprises et dont elle espère probablement pouvoir déduire l’actualité du roman. Les annexes importantes (669-748) permettent de vérifier l’optique dans laquelle La Précieuse est abordée dans cette édition critique : ils confrontent le roman de Michel de Pure avec « un dossier susceptible d’étayer certaines de nos hypothèses, de montrer surtout toute la palette des appréciations du rôle des femmes d’influence et d’esprit à la Cour, à la Ville et dans la République des Lettres, au cours de ces années où naissent les précieuses » (669). Un certain nombre de ces textes sont rares, tous cependant très pertinents. La Description du Païs des Braquesidraques (1654) est éditée d’après la version manuscrite du Recueil Conrart (671-678), plus correcte que la version publiée en 1668 sous l’enseigne de l’éditeur fictif Pierre Marteau à Cologne. La Description largement satirique exploite « la veine des cartes amoureuses » (672). L’alinéa final, ajouté d’après une note de la main de Conrart, mentionne une ville « bien différente. Elle est sur la précieuse. C’est une place fort considérable » (678). Cet éloge s’adresse à Julie d’Angennes, que l’éditrice invite à « placer à l’origine » (678) du roman. Les PFSCL XLII, 83 (2015) 462 extraits de Le Mérite des Dames (1657) de Saint-Gabriel proviennent de la seconde édition de 1657, que Mme Dufour-Maître a détectée dans le Fonds Peiresc de la Bibliothèque Méjanes. Saint-Gabriel s’inspire des dialogues Il merito delle donne publiés en 1600 sous le pseudonyme Moderata Fonte après la mort de l’auteur Modesta Pozzo de’ Zorzi, poétesse plus connue à l’époque par ses poésies religieuses. Saint-Gabriel semble « éclairer le contexte dans lequel l’abbé de Pure évoque […] les ‘mystères de la ruelle’ » (686). Les trois pièces Le Royaume de la Galenterie [sic], La Promenade des Amans, Les Nouvelles galantes (1659), signalées par Wolfgang Zimmer (Die literarische Kritik am Preziösentum, 1978), sont reproduites d’après la copie conservée à la Bibliotheca Bipontina de Deux-Ponts. Le Royaume de Galenterie « reproduit la glose marginale d’une estampe conservée à la BnF, intitulée Geographie galande [sic], Description universelle du Royaume de Galanterie » (705). C’est des manuscrits Conrart que proviennent aussi Les nouvelles galantes, gazette anonyme qui parodie les Chroniques du Samedi ou La Gazette de Tendre. Elles sont plus complices que réprobatrices et marquent « l’incontestable magistère » (713) de Madeleine de Scudéry dans les années 1654-1661. Pour finir, un dossier (751-820) contient la « table du récit » (749-762), un glossaire (753-765), une chronologie (766-770), la bibliographie des œuvres de Michel de Pure (771-779), des autres sources et de la critique (779-796) ainsi qu’un « Index des personnes et des personnages » (797-801) et des « notions qui font l’objet d’une définition ou d’une conversation » (802-808) et quatre illustrations (810-817). Tout ce dossier est bien fait et très utile. Le lecteur sait gré à Myriam Dufour-Maître de cette édition magistrale qui l’invite à découvrir le côté fascinant de La Précieuse. Volker Kapp François Lasserre : L’Inspiration de Corneille. Éléments d’un portrait - La Galerie du Palais - La Suivante - La Contestation du Cid - La Fidélité à l’histoire. Paris : L’Harmattan, 2014. 485 p. Le nouveau livre de François Lasserre sur Pierre Corneille reste dans la tradition exemplaire des études biographiques et littéraires qui étudient l’œuvre et les principes de création de l’auteur au plus près de l’homme, de son caractère et de ses intuitions créatrices, mais aussi des interactions événementielles et personnelles avec le microcosme politique et dramaturgique (et l’on sait qu’au fil des années l’auteur est devenu l’un des spécialistes minutieux de la Querelle du Cid). Le livre apporte une nouvelle