eJournals Papers on French Seventeenth Century Literature 38/75

Papers on French Seventeenth Century Literature
0343-0758
2941-086X
Narr Verlag Tübingen
2011
3875

Charles Mazouer: Le Théâtre français de l’âge classique, Tome II. L’apogée du classicisme. Paris: Champion, 2010 (Collection "Dictionaires & références", 20). 757 p

2011
Hélène Baby
PFSCL XXXVIII, 75 (2011) 49 quelques mots ou expressions passées de mode. Minimal, l’appareil de notes est emprunté à l’édition du Théâtre complet de Desmarets, assurée par Claire Chaineaux et parue en 2005 chez Honoré Champion. Ce travail, dont Catherine Guillot avait préparé le dossier iconographique, fournissait davantage de documents et de précisions que l’édition des Presses Universitaires de Rennes : étaient notamment cités de larges extraits de la Gazette du 19 janvier 1641, et… reproduites les six planches ! La lecture croisée ne laisse aucun doute : l’« introduction » des PUR reprend, souvent littéralement, la majeure partie de l’« étude iconographique » de l’édition Champion. En somme : la Mirame de 2010 fait double emploi avec celle de 2005, tout en s’avérant moins aboutie. Goulven Oiry Charles Mazouer : Le Théâtre français de l’âge classique, Tome II. L’apogée du classicisme. Paris: Champion, 2010 (Collection « Dictionnaires & références », 20). 757 p. La collection « Histoire du théâtre français » publiée par les éditions Champion est destinée à dresser l’histoire du théâtre français jusqu’au XXI e siècle. Le professeur Charles Mazouer met tout son savoir et toute son érudition au service de cette vaste entreprise en signant les ouvrages consacrés à l’Ancien Régime : après Le Théâtre français de la Renaissance (2002) et le premier volume consacré au Théâtre français de l’âge classique et intitulé Le premier XVII e siècle (2006), voici le deuxième volume intitulé très « classiquement » L’apogée du classicisme. Entre les pages 400 et 401, les illustrations rassemblent des frontispices, des costumes, des décors et des affiches, et proposent au lecteur les plans des principales salles de spectacle. Deux précieux index, où se trouvent répertoriées plus de 550 œuvres, rendent cet outil de recherche très efficace, d’autant que le genre de chaque pièce est indiqué après son titre. Déjà justifiée dans le premier volume, la périodisation choisie par Charles Mazouer ne recoupe pas la tradition critique qui situe l’apogée du classicisme entre 1660 et 1680, car même si son terminus ad quem correspond bien au début de « la crise de la fin du siècle » situé en 1680 (p. 10), son terminus a quo néglige le début du règne personnel de Louis XIV (1660- 1661) pour se fixer à l’année de la Fronde (1650). Comptes rendus 49 Divisé en deux sections d’inégale longueur, la première consacrée à « la vie théâtrale dans la société classique » (p. 13-148) et la seconde aux « œuvres de théâtre » (p. 149-658), l’ouvrage a le mérite de commencer par la description matérielle de l’activité dramatique, véritable métier où se rencontrent des comédiens, des décorateurs, des danseurs, des costumiers, des dessinateurs, des musiciens, des mécènes, et le public. Salutaire mise au point que celle de la page 133, qui précise que le prix élevé des spectacles rend le divertissement théâtral accessible seulement à un public aisé. Cette donnée économique, permettant au lecteur de réévaluer l’habitude critique qui faisait du parterre une assemblée populaire, ouvre ainsi la voie à la révision d’un Molière auteur du peuple, mythe romantique que les deux éditeurs de Molière dans la collection de « La Pléiade », G. Forestier et C. Bourqui, ont à leur tour dénoncé dans leur édition de 2010. La deuxième section du livre est elle-même divisée en six chapitres qui recoupent la taxinomie générique habituellement admise en faisant se succéder l’étude d’abord du théâtre religieux (« la Muse chrétienne »), puis des deux genres nés de la modernité des années 1630 (« l’effacement de la pastorale », « le déclin de la tragi-comédie »), et enfin des trois grands genres qui dominent la scène classique, tragédie, comédie et théâtre en musique (« la tragédie de Corneille à Racine », « Molière et la comédie », « théâtre et musique »). Ce plan, générique pour la macrostructure des chapitres, se subdivise ensuite selon la chronologie des trente années envisagées et selon les auteurs rencontrés. Car la gageure consiste à maîtriser un triple objectif : décrire les différents genres afin de dégager la poétique propre à chacun ; montrer, entre 1650 et 1680, leurs inflexions et leurs évolutions ; et enfin faire apparaître l’apport des différents dramaturges, petits et grands, dans toute leur singularité. Pour mener à bien cette tâche, Charles Mazouer a choisi de combiner la description générique des œuvres, leur périodisation, et leur traitement auteur par auteur. Aussi cette combinatoire appliquée à un objet dont l’ampleur est véritablement encyclopédique ne pouvait-elle éviter certaines répétitions, susceptibles d’égarer un lecteur peu attentif : il en est ainsi pour la « grande comédie », traitée une première fois dans une perspective chronologique (jusqu’en 1662), une deuxième fois dans son rapport aux contemporains de Molière, et une troisième fois à travers la seule création moliéresque ; de même, dans le chapitre portant sur les « sujets » de la tragédie se trouve convoquée de façon précise une œuvre tragique (par exemple Oropaste de Claude Boyer, p. 254), tandis que la description et l’analyse de la même pièce se retrouvent plus loin, dans le chapitre consacré aux dramaturges (p. 328-329). Pour autant, et malgré cette nécessaire structure répétitive, le résultat est excellent car la périodisation microstructurelle épouse précisément, dans PFSCL XXXVIII, 75 (2011) 49 les nuances mêmes de sa progression, les modifications génériques et la singularité des divers dramaturges. La très grande originalité de cette démarche d’historien de la littérature réside aussi dans la volonté de ne pas isoler les trois grands dramaturges en des sections singulières : c’est donc bien délibérément que, pour la tragédie, Charles Mazouer « déséquilibre volontairement les faits au détriment des grands dramaturges » (p. 257) et que, pour la comédie, il souhaite ne « jamais abstraire [Molière] du reste de la production contemporaine » (p. 406). Ce choix, hautement revendiqué, de ne pas traiter des trois grands dramaturges en des chapitres étanches s’avère très efficace, car il permet au lecteur de mesurer combien la création théâtrale est une affaire vivante, plurielle, multiple, et combien les « grands » doivent aux petits, ces minores comme Claude Boyer, Thomas Corneille ou Philippe Quinault. C’est pourquoi, avant même de rencontrer Corneille et Racine, le lecteur découvre les intrigues du Lyncée et de l’Argélie d’Abeille (p. 237 et 257), de l’Adraste de Ferrier (p. 256), ou encore de La Mort du grand Cyrus de Rosidor (p. 254). Cette méthodologie rend toutes ses nuances, non seulement au panorama des créateurs, mais aussi à la palette des genres dits secondaires (mineurs ou minorés par l’histoire littéraire), et en particulier à la farce, certes déguisée sous le nom de « petite comédie » (p. 436) mais néanmoins toujours bien vivante. Grâce à de nombreuses citations, le lecteur peut ainsi avoir accès à cette production mal connue dont Charles Mazouer prouve toute l’importance. Enfin et surtout, par un effet de retour paradoxal mais bien calculé, ce choix de traiter des grands au sein des petits a bien pour conséquence de rendre à tous trois leur juste et singulière place, et propose pour chacun, Corneille, Racine et Molière, de remarquables synthèses interprétatives (pages 317 sq., pages 395 sq., pages 603 sq.). Revisiter les perspectives figées de l’histoire littéraire nécessite le détour par la critique qui la construit : on sait gré à Charles Mazouer de rappeler les principaux essais sur Molière, comme les ouvrages de Gérard Defaux ou de Patrick Dandrey (p. 621-622), de dessiner les axes de la polémique encore vive sur les lectures jansénistes de Racine en évoquant Mauriac ou Péguy (p. 393). L’auteur ne se contente pas de citer ces éléments bibliographiques mais il prend la peine de les mettre en perspective en quelques lignes, de façon à résumer les apports de chaque interprétation. Aussi cette histoire littéraire des œuvres théâtrales dit-elle très bien que la lecture des pièces plus de trois siècles après leur création s’accompagne forcément des commentaires qui les escortent, et Charles Mazouer, avec pertinence, nous propose, parallèlement à celle des œuvres, l’esquisse (qui parfois va d’ailleurs jusqu’aux détails) d’une histoire de leur critique. Comptes rendus 49 C’est en ce sens qu’il développe des mises au point essentielles qu’on aimerait lire plus souvent dans l’ensemble de la critique universitaire. Ainsi, si Charles Mazouer reprend à son compte l’expression désormais consensuelle de « tragédie galante », il rappelle de façon salutaire la distinction entre amour « tendre » et amour « galant » (p. 227) afin que les personnages de la « tragédie galante » ne soient pas forcément assimilés à des « galants » mais bien plutôt à des héros tendres issus des idéaux romanesques. De même, on apprécie l’introduction à la tragédie qui rappelle avec fermeté (p. 258) que la poétique de la tragédie classique est constituée en 1650 et que la nouveauté racinienne se construit sur les créations tragiques des années 1630. On apprécie aussi la mise au point sur Corneille et l’amour. Sans doute Charles Mazouer aurait-il d’ailleurs dû insister davantage sur l’importance du sentiment dans la tragédie de Corneille, tant les artefacts critiques sur la virilité des héros cornéliens ont la vie dure… alors même que Corneille est un grand importateur des « tendresses » au cœur du conflit aristotélicien. C’est bien ce que laisse entendre la page 294 en une subtile analyse de la jalousie de Sophonisbe, farouche reine de Numidie mais peutêtre d’abord femme amoureuse. On apprécie encore la vigoureuse conclusion qui rappelle que Molière voulait faire rire et non pleurer (p. 617). Comprendre le contraire serait en effet, comme l’écrit Charles Mazouer, « le plus grave des contresens ». Peut-être quelques lignes sur l’archéologie de cette fiction critique qui construit un « Molière sérieux, tenté par le tragique » eussent davantage éclairé et convaincu un lecteur encore attaché au serio ludere. On peut enfin préciser qu’une thèse récente sur Claude Boyer (de Sylvie Benzekri) a remis en question le statut d’« abbé » que l’histoire littéraire lui donne trop facilement depuis Furetière ; on peut aussi regretter un nombre assez grand de coquilles, même si elles ne gênent finalement pas la lecture de ce vaste ensemble. Vétilles au regard de l’apport de cet ouvrage dont la lecture est absolument nécessaire à qui voudrait comprendre et aimer le théâtre du XVII e siècle. Comprendre, car cette étude éclaire les méandres d’une création théâtrale française qui est le produit à la fois d’influences complexes, tant littéraires que sociologiques et politiques, de modèles anciens et modernes, latins, grecs, médiévaux, italiens, espagnols, et aussi de génies multiples, musicaux, lyriques, picturaux. Aimer surtout, car cet ouvrage magistral est celui d’un « universitaire honnête homme » qui, au service de la diffusion éclairée d’un savoir immense et parfaitement maîtrisé, sait nous faire partager ses émotions de lecteur et ses enthousiasmes d’amateur de théâtre. Voilà pourquoi, à cette somme toujours scientifiquement précieuse mais rarement aimable que constitue le Lancaster, il faut absolument ajouter PFSCL XXXVIII, 75 (2011) l’opus de Charles Mazouer qui réconcilie la sécheresse de l’histoire littéraire et la lumière d’un théâtre toujours extraordinairement vivant. Hélène Baby Emmanuel Minel : Pierre Corneille, le Héros et le Roi. Stratégies d’héroïsation dans le théâtre cornélien. Paris: Eurédit, 2010. 602 p. Le connaisseur souhaiterait tenir dans le creux d’une explication définitive, toute l’image de l’auteur, objet de son admiration poétique. L’érudition n’approuve pas ce rêve. Scrupuleusement érudit, le livre d’Emmanuel Minel tente néanmoins la gageure (sous l’angle des sentiments politiques) de « découvrir » Pierre Corneille. L’arme douteuse de la subjectivité intellectuelle est écartée, grâce à la structure du système proposé. C’est bien l’action dramatique qui prime, mais en outre, allant jusqu’à radicaliser cette précaution, au lieu de travailler la seule notion de « héros », l’auteur met en regard deux rôles antithétiques, aucun des deux ne pouvant fonctionner sans la sanction de son complémentaire. Chacune des deux positions, par ailleurs, a sa garantie d’historicité, réinterprétation de l’esprit chevaleresque, attestée en son temps, pour le héros, et conscience tutélaire du monarque régnant, pour le roi. Mais dans quel sens prendra-t-on les mots de « système politique » appliqués à un dramaturge ? Non pas à la manière du philosophe, ni non plus en ce sens que « telle pièce présenterait à tel personnage [actuel] un reflet » de ses actions. Mais un « système de places », toujours présent, « repris de la doxa monarchiste chrétienne », système indicatif, dans lequel l’intrigue joue à « faire sortir chaque acteur de son rôle assigné dans l’ordre politique, et à l’y faire rentrer au terme d’un parcours où chacun dit ce qu’il est ». On trouvera, pages 261 à 269, l’exposé de ce fil conducteur. Sous l’apparence rigide, le cadre se prête, au contraire, à une grande variété, à une perception fine des évolutions, et nous mène finalement, bien au-delà d’une amertume philosophique, au rêve difficile mais concret d’une politique qui serait digne de notre héritage spirituel. L’ouvrage se divise en deux parties de chacune deux chapitres : l’Univers Dramatique (1, la Séduction cornélienne, 2, le Mariage cornélien), et l’Univers Politique (1, le Théâtre du Héros et du Roi, 2, Reconnaissance d’un Roi). La table des matières foisonne de subdivisions, sous-titres, repères. Le texte occupe 450 p., plus 150 de notes, bibliographie, index, annexes (signa-