eJournals Papers on French Seventeenth Century Literature 38/74

Papers on French Seventeenth Century Literature
0343-0758
2941-086X
Narr Verlag Tübingen
2011
3874

Polygraphie et hybridation des genres dans la dramaturgie cornélienne

2011
Matthieu Dupas
PFSCL XXXVIII, 74 (2011) Polygraphie et hybridation des genres dans la dramaturgie cornélienne M ATTHIEU D UPAS (Université de Paris III - Sorbonne Nouvelle et Université du Michigan) Si, comme tant d’autres écrivains du XVII e siècle, Corneille pourrait à juste titre être considéré comme un polygraphe - auteur de poésie dramatique, spirituelle et mondaine, il était encore théoricien du théâtre - il n’en est pas moins resté pour la postérité un auteur essentiellement dramatique. En tenant compte de cette donnée, l’aborder sous l’angle de la polygraphie peut donc sembler une gageure. Pourtant, le XVII e siècle est une période où les genres dramatiques se constituent et se hiérarchisent, et Corneille, théoricien du théâtre, participe pleinement de cette dynamique, consacrant plusieurs pages de ses Discours à établir une distinction claire entre comédie et tragédie. Comme auteur dramatique, il fait aussi le choix de pratiquer les deux genres. Contrairement à un Molière spécialisé dans la comédie, à un Racine dont les onze tragédies ont presque fait oublier Les Plaideurs, il s’est durablement imposé, avec Mélite, comme poète comique, avant de gagner le titre de Sophocle français, sans jamais pour autant renoncer à la comédie. Au total, sur pas moins de trente pièces avouées, on compte vingt-et-une tragédies mais aussi neuf comédies (dont trois héroïques). En ce sens, sa dramaturgie - qui fonde la pratique des genres sur leur distinction préalable - s’inscrit, autant que sa carrière, dans une logique de polygraphie. Les choses ne sont pourtant pas si simples. Car, loin de se cantonner à la comédie et à la tragédie, Corneille a aussi pratiqué les genres intermédiaires de la tragicomédie et de la comédie héroïque - se faisant même l’inventeur de cette dernière. En multipliant les possibilités d’inscription générique, il a aussi singulièrement compliqué la distinction des genres. De fait, quatre au moins de ses pièces trahissent un statut générique incertain. Clitandre et Le Cid ont été qualifiées successivement de tragi-comédie et de tragédie ; Tite et Bérénice, comédie héroïque, a été dès sa création, comparée à la Bérénice de Racine, présentée la même année comme une tragédie ; et L’Illusion comique, quoique comédie, relève à la fois de la tragédie et de la tragi-comédie. Le Matthieu Dupas 146 théâtre de Corneille témoigne ainsi d’une certaine instabilité générique qui n’a d’ailleurs guère déstabilisé la critique, encline à le soumettre à une réduction tantôt quantitative - il n’était plus question que des quatre chefsd’œuvre - tantôt qualitative - la question du genre était alors reléguée au second, voire au troisième plan, derrière la thématique unificatrice de l’héroïsme, de l’histoire ou de la politique. Il revient à la critique génétique, inaugurée par Georges Forestier dans les études cornéliennes, d’avoir affronté la question. Constatant des « disparates » 1 dans l’œuvre cornélien, elle a fortement insisté sur le cadre aristotélicien dans lequel s’inscrit la démarche créatrice de Corneille et sur la séparation des genres, ainsi fondée en théorie, qui la sous-tend. La cohérence de cette distinction - sur le plan théorique - aurait ainsi permis à l’auteur de maîtriser toute irrégularité - sur le plan de l’écriture - qui, à ce titre, ferait figure d’épiphénomène. Une lecture attentive des écrits théoriques de Corneille nous conduit toutefois à nuancer ce point de vue. En particulier, l’introduction de l’amour dans le théâtre met en crise la distinction des genres. On connaît les vers de Boileau : Bientôt l’amour, fertile en tendres sentiments, S’empara du théâtre ainsi que des romans 2 . Le poète ébauche ici une trajectoire de la thématique amoureuse, qui, au XVII e siècle, passerait du roman au théâtre. Dans les vers qui suivent, il met en garde le poète tragique contre le risque de confondre héros de tragédie et héros de roman, portant aussi un coup contre la tragédie galante, dont Quinault s’était fait le champion. Depuis, sous le terme de « romanesque », la critique a souligné cette contamination du théâtre par le roman, sans du reste s’interroger sur les raisons qui ont fait que le théâtre est devenu au XVII e siècle, à la suite du roman, le lieu privilégié de l’expression du sentiment amoureux, cantonnée au siècle précédent à la poésie lyrique. Mon propos est ici de suggérer que la critique n’a pas assez vu que l’introduction de l’amour au théâtre était bien sentie par Corneille comme une nouveauté qui, en affectant aussi bien la tragédie que la comédie, mettait en crise leur distinction, et que ce phénomène prend tout son sens à la lumière du contexte culturel de la France du XVII e siècle. Aborder le théâtre de Corneille sous l’angle de la polygraphie, nous conduit à relire son théâtre aussi bien en termes d’appartenances génériques - non plus dans ce qu’elles ont de stable, mais dans ce qu’elles ont de mouvant - qu’en termes de contexte socio-historique. De manière plus générale, cela implique d’in- 1 G. Forestier, Essai de génétique théâtrale : Corneille à l’œuvre, Genève : Droz, 2004, p. 20 (1 ère éd. 1996). 2 Art poétique, chant III, v. 93-94. Polygraphie et hybridation des genres dans la dramaturgie cornélienne 147 terroger cette notion, en la passant au crible non seulement de la théorie des genres, mais aussi de l’histoire culturelle. L’introduction de l’amour dans le théâtre français au XVII e siècle, est en effet perçue par Corneille comme une nouveauté qui affecte à la fois la comédie et la tragédie, et met en crise leur distinction. L’effort de celui-ci consiste alors à conjurer cette instabilité pour maintenir sa dramaturgie dans une logique de polygraphie. La question est abordée dans le premier Discours, dans un passage consacré aux « conditions du sujet » de la comédie, mais qui aborde aussi le cas de la tragédie. Le dramaturge écrit à propos du dénouement de la première : Pour la Comédie, Aristote ne lui impose point d’autre devoir pour conclusion que de rendre amis ceux qui étaient ennemis. Ce qu’il faut entendre un peu plus généralement que les termes ne semblent porter, et l’étendre à la réconciliation de toute sorte de mauvaise intelligence ; comme quand un fils rentre aux bonnes grâces d’un père, qu’on a vu en colère contre lui pour ses débauches, ce qui est une fin assez ordinaire aux anciennes Comédies ; ou que deux amants séparés par quelque fourbe qu’on leur a faite, ou par quelque pouvoir dominant, se réunissent par l’éclaircissement de cette fourbe, ou par le consentement de ceux qui y mettent obstacle ; ce qui arrive presque toujours dans les nôtres, qui n’ont que très rarement une autre fin que des mariages 3 . En soulignant l’écart entre le dénouement (ou « conclusion ») respectif de la comédie antique et de la comédie française, Corneille montre que l’introduction de l’amour dans la comédie a pour effet de redéfinir le genre comique par l’intrigue amoureuse, de sorte que la conclusion d’une pièce par un mariage devient l’indice même de la comédie 4 . S’agissant de la tragédie, le constat est le même : l’introduction de l’amour est une innovation, même si son succès a fini par le faire oublier : Cette maxime [la nécessité de reléguer l’amour à une place secondaire dans la tragédie] semblera nouvelle d’abord : elle est toutefois de la pratique des Anciens, chez qui nous ne voyons aucune tragédie, où il n’y ait qu’un intérêt d’amour à démêler. Au contraire, ils l’en bannissaient souvent, et ceux qui voudront considérer les miennes, reconnaîtront qu’à leur exemple je ne lui ai jamais laissé y prendre le pas devant, et que dans le Cid même, 3 P. Corneille, Discours de l’utilité et des parties du poème dramatique, dans Œuvres Complètes, éd. par G. Couton, Paris : Gallimard, « Pléiade », t. III, 1987, p. 126. Toutes les citations de Corneille sont tirées de cette édition. 4 Ce qui a pour conséquence de rendre remarquablement instable le statut générique des tragédies appelées matrimoniales par la critique. Voir par exemple M.-O. Sweetser, La dramaturgie de Corneille, Genève : Droz, « Histoire des idées et critique littéraire », n° 169, 1977, p. 175-245. Matthieu Dupas 148 qui est sans contredit la pièce la plus remplie d’amour que j’aie faite, le devoir de la naissance et le soin de l’honneur l’emportent sur toutes les tendresses qu’il inspire aux amants que j’y fais parler 5 . En minimisant le rôle joué par l’amour dans une pièce comme Le Cid, Corneille se met donc sous le patronage des Anciens et réaffirme la séparation entre les genres - idée exprimée avec force quelques lignes plus haut : Sa dignité demande quelque grand intérêt d’Etat, ou quelque passion plus noble et plus mâle que l’amour, telles que sont l’ambition ou la vengeance, et veut donner à craindre des malheurs plus grands que la perte d’une maîtresse. Il est à propos d’y mêler l’amour, parce qu’il a beaucoup d’agrément, et peut servir de fondement à ces intérêts, et à ces autres passions dont je parle ; mais il faut qu’il se contente du second rang dans le poëme, et leur laisse le premier 6 . Le terme de « dignité » indique que la distinction entre les genres est aussi bien hiérarchique. Pour maintenir la spécificité et la prééminence du genre tragique par rapport à la comédie, il importe donc de faire jouer à l’amour - affecté d’un coefficient de noblesse négatif - un rôle secondaire dans l’intrigue. Puisque c’est cette place qui détermine le statut générique de la pièce, il constitue en dernière analyse la clef de voûte de la distinction des genres. Corneille insiste à plusieurs reprises dans ses écrits théoriques, sur l’importance de ce critère, notamment à propos de la tragédie d’Œdipe, écrite en 1660 sur une commande de Fouquet. Dans cette pièce, le dramaturge s’est distingué de son modèle sophocléen en redoublant le drame œdipien d’une intrigue amoureuse, qu’il qualifie d’« ornement » 7 dans l’Avis au Lecteur, et d’« agrément » 8 dans son Examen. Il suggère ainsi qu’elle apporte un plaisir esthétique spécifique, qu’on ne saurait confondre avec le plaisir propre de la tragédie - fondé sur la pitié et la crainte - et somme toute secondaire au regard de celui-ci. Pour expliquer le succès remporté par la pièce, il mentionne encore « l’heureux épisode de Thésée et de Dircé » 9 , expression qui prend tout son sens à la lumière de sa conception de l’épisode, exposée dans le premier Discours : 5 Ibid., p. 124. 6 Ibid., p. 124. 7 Œdipe, « Avis au lecteur », op. cit., t. III, p. 19 : « L’amour n’ayant point de part dans ce sujet, ni les femmes d’emploi, il était dénué des principaux ornements qui nous gagnent d’ordinaire la voix du public. » 8 Examen d’Œdipe, op. cit., t. III, p. 20 : « L’amour, n’ayant point de part en cette tragédie, elle était dénuée des principaux agréments qui sont en possession de gagner la voix du public. » 9 Ibid., p. 20. Polygraphie et hybridation des genres dans la dramaturgie cornélienne 149 Ces épisodes sont de deux sortes, et peuvent être composés des actions particulières des principaux acteurs, dont toutefois l’action principale pourrait se passer, ou des intérêts des seconds amants qu’on introduit, et qu’on appelle communément des personnages épisodiques 10 . Selon Georges Forestier 11 , l’épisode de la première sorte - « les actions particulières des principaux acteurs » - a pour fonction de motiver les actions qui ressortissent à l’intrigue principale. Il est ainsi, de manière privilégiée, dévolu à la psychologie amoureuse. L’épisode de la deuxième sorte - les « intérêts des seconds amants » - constitue ce qu’on appelle parfois le deuxième fil de l’action, secondaire par rapport à l’action principale. C’est en ce dernier sens que Corneille parle de l’épisode de Dircé et de Thésée, qui redouble le drame œdipien de l’inceste et du parricide. Mais l’équivalence qu’il établit entre « personnages épisodiques » et « seconds amants » suggère que l’épisode de la deuxième sorte est lui aussi essentiellement dévolu à l’amour. Motivation de l’action principale ou deuxième fil de l’action, l’épisode est ainsi la place naturelle de l’amour en tragédie. Toujours épisodique, celui-ci est ainsi toujours, aussi, secondaire. Au bout du compte, l’amour ne peut être dans la tragédie qu’un agrément ou un embellissement (du point de vue du plaisir esthétique), une composante épisodique de l’action (du point de vue dramatique), et un affect moins digne (du point de vue des passions internes). Continuant de faire du théâtre antique sa référence, Corneille cherche donc à limiter l’impact de l’introduction de l’amour sur sa propre dramaturgie tragique. Creusant ainsi l’écart entre comédie et tragédie, il continue de s’inscrire dans une logique de polygraphie. Les approches dramaturgiques et, plus précisément, génétiques du théâtre de Corneille ont eu tendance à insister sur l’inscription de sa dramaturgie dans la tradition aristotélicienne et à souligner l’importance du rôle que jouent les règles de l’art et notamment le principe de séparation hiérarchique des genres dans son activité créatrice. Cette tendance est particulièrement perceptible dans l’article très précis d’Hélène Baby-Litot, intitulé « Réflexion sur l’esthétique de la comédie héroïque de Corneille à Molière » 12 . L’auteure se propose d’établir la spécificité théorique du genre de la comédie héroïque, et dans ce dessein, de dégager la nature de l’action comique, par opposition à l’action tragique. Dès lors que la comédie 10 Discours de l’utilité et des parties du poème dramatique, op. cit., t. III, p. 139. 11 G. Forestier, op. cit., p. 135-136. 12 H. Baby-Litot, « Réflexion sur l’esthétique de la comédie héroïque de Corneille à Molière », Littératures classiques, n° 27, (printemps 1996), p. 25-34. Matthieu Dupas 150 héroïque présente le même personnel dramatique que la tragédie, celui-ci ne peut plus fournir le critère de la distinction des genres. Pour maintenir leur séparation, il faut donc faire intervenir celui de l’action dramatique - comique ou tragique. Aussi l’auteure distingue-t-elle subtilement deux plans fortement imbriqués. Sur un plan thématique - celui des passions internes -, le personnel dramatique de la tragédie comme celui de la comédie héroïque, par bienséance, renonce à l’amour au profit d’une passion plus noble (« ambition » ou « vengeance », par exemple) si bien que la passion amoureuse ne saurait être « la dominante dans un poème héroïque » 13 , qu’il soit comique ou tragique. Sur un plan structurel - celui de l’intrigue - l’action comique, ordinaire, est construite de façon à aboutir à la séparation des amants - ce que Corneille appelle un « intrique d’amour entre rois » dans le cas précis de la comédie héroïque. L’action tragique, extraordinaire, se caractérise quant à elle par les grands périls - bannissement et perte d’Etat, qui donnent à la tragédie sa couleur politique, ou péril de vie, conçu, en termes aristotéliciens, comme le « surgissement des violences au sein des alliances ». C’est ce dernier péril qui constitue par excellence le conflit tragique. Comme le rappelle Hélène Baby-Litot, « l’effet tragique du péril provient [donc] de la proximité sentimentale ou familiale des protagonistes » du conflit 14 . En somme, là où la comédie héroïque concilie « la prééminence structurelle de l’intrigue d’amour en même temps que le renoncement thématique à l’amour » 15 , la tragédie se caractérise à la fois par le renoncement à l’amour sur le plan passionnel et par le critère du grand péril - en principe irréductible à l’amour - sur le plan dramatique. Mais cette différence est finalement difficile à établir lorsque d’un côté l’intrigue de comédie se termine par la séparation des amants, et que, de l’autre, le péril de vie tragique est fondé sur une « proximité sentimentale », en d’autres termes, sur le sentiment amoureux. Dans leur principe même, tragédie et comédie héroïque en viennent à se ressembler dangereusement, comme le suggère la réception de Tite et Bérénice, comédie héroïque, mais comparée depuis sa création à la Bérénice de Racine, présentée, elle, non sans polémique il est vrai, comme une tragédie. En dépit de son souci de maintenir l’amour au second rang, Corneille n’est donc pas vraiment parvenu à conjurer toute instabilité générique. L’approche de la disparate de son théâtre en termes de polygraphie - entendue comme une pratique des genres, fondée sur leur distinction - rencontre 13 P. Corneille, Lettre à Saint-Evremond, op. cit., t. III, p. 726, citée par H. Baby-Litot, ibid., p. 29. 14 H. Baby-Litot, ibid., p. 30. 15 Ibid., p. 32. Polygraphie et hybridation des genres dans la dramaturgie cornélienne 151 ainsi avec la comédie héroïque un point limite. Une approche de la question en termes, non plus de théorie littéraire, mais d’histoire culturelle, nous conduit par ailleurs à faire l’hypothèse d’une hybridation des genres dans la dramaturgie cornélienne. Dans L’Invention de l’hétérosexualité 16 , Louis-Georges Tin insiste sur la subversion du genre tragique par l’introduction de la thématique amoureuse, non pas du point de vue de sa forme, mais de sa signification. Il y voit l’indice du triomphe au XVII e siècle de la « culture hétérosexuelle », marquée par une reconnaissance symbolique inédite du couple homme / femme dans les représentations culturelles, et notamment dans le théâtre. Mais la tragédie cornélienne se caractérise à ses yeux par une résistance à cette culture, au motif que le dramaturge accorde la primauté aux valeurs chevaleresques et homosociales - l’honneur, le devoir - au détriment de ce qui constitue l’emblème de la culture hétérosexuelle alors triomphante - l’amour. Dans cette perspective, le conflit cornélien s’explique par une tension entre tradition homosociale et culture hétérosexuelle, et l’héroïsme cornélien par le choix difficile de se conformer à la première. En choisissant de venger son père au risque de perdre sa maîtresse, Rodrigue incarne parfaitement cet héroïsme, par opposition au héros galant de la tragédie racinienne, tout acquis à l’amour 17 . Cette analyse a le mérite inestimable d’aborder la question de l’amour dans le théâtre dans une perspective d’histoire de la sexualité. Mais plus téléologique que généalogique, elle est aussi trop exclusivement thématique. Dans son étude sur la Querelle du Théâtre 18 , Laurent Thiroin nous rappelle en effet que les ennemis du théâtre y dénonçaient un phénomène de contamination des passions des acteurs aux spectateurs. S’en prenant à Corneille, ils soutenaient, non sans paradoxe, que celui qui avait tout particulièrement veillé à son honnêteté (malgré la querelle du Cid), et qui l’avait porté à sa perfection esthétique (d’où le surnom de « Sophocle français »), fournissait la preuve a fortiori de son caractère corrupteur, en présentant les passions, et notamment la passion amoureuse, sous un jour favorable. Pour eux, le choix du héros de suivre son devoir et de renoncer à l’amour, si tel était bien le cas, ne suffisait donc pas à dédouaner la tragédie cornélienne de toute responsabilité dans la valorisation des passions, et de l’amour, dans la société française du XVII e siècle. Ce qui faisait problème n’était donc pas simplement la thématisation de l’amour au théâtre, mais plutôt son inscrip- 16 L.-G. Tin, L’invention de la culture hétérosexuelle, Paris : Éditions Autrement, 2008. 17 Ibid., p. 67-71. 18 L. Thirouin, L’Aveuglement salutaire. Le réquisitoire contre le théâtre dans la France classique, Paris : Honoré Champion, Champion Classiques, « Essais », 2007. Matthieu Dupas 152 tion dans le code même de la tragédie - idée que Laurent Thiroin exprime fort bien en empruntant cette formule aux sciences de la communication : « le message, c’est le média » 19 - ici, en l’occurrence, le genre. Précisément, dans une conférence récente 20 , Hélène Merlin-Kajman articule la question de la valorisation du sentiment amoureux à celle des genres théâtraux, et suggère que la comédie et la tragédie seraient opportunément mises en rapport avec des types de liens sociaux propres à la société française du XVII e siècle, plutôt qu’avec la théorie des genres héritée de la Poétique : De Corneille à Racine, la tragédie, genre qui prend pour objet les princes et les rois, c’est-à-dire des hommes publics qui appartiennent à la sphère sociale, politique et morale des plus hautes dignités, va ennoblir les liens de familiarité, notamment les liens amoureux. Ainsi, la querelle du Cid se focalise particulièrement sur la scène où Chimène reçoit chez elle Rodrigue, meurtrier de son père ; on y voit la relation amoureuse empiéter scandaleusement sur la piété filiale et le respect aux morts. Parallèlement, la comédie, qui traditionnellement plantait sa scène sur la place publique et représentait les particuliers dans leur quotidienneté familière, va, avec Molière faire rire des liens à respect et de ces quasi-dignités que sont les médecins, les marquis ridicules ou les (faux) dévots : et l’on sait quelle hostilité son théâtre a rencontrée 21 . Alors qu’une approche du théâtre par le biais de l’histoire littéraire, fidèle à la tradition aristotélicienne, mettra inévitablement l’accent sur la distinction entre les genres - la tragédie prenant pour objet « ce qui appartient à la sphère politique et morale des plus hautes dignités » et la comédie les « liens de familiarité » -, on comprend qu’une approche par le biais de l’histoire culturelle fera apparaître, d’un genre à l’autre, une sorte de chassé-croisé, en vertu duquel la tragédie en viendrait à valoriser les « liens amoureux ». Arrivant ainsi à la conclusion inverse de Louis-Georges Tin concernant le théâtre de Corneille, l’auteure nous invite de surcroît à repenser la pratique des genres théâtraux au XVII e siècle dans une perspective anthropologique. Dans cette perspective, il convient de mettre la dramaturgie polygraphique 19 M. Mac Luhan, Pour comprendre les médias (Les prolongements technologiques de l’homme), Tours : Éditions Mame et Paris : Seuil, 1968, p. 31. Cité par L. Thirouin, p. 86. 20 H. Merlin-Kajman, « Littérature : pourquoi préférer l’histoire culturelle à celle de la littérature ou du littéraire ? », communication au colloque inaugural de l’International Society for Cultural History, Université de Ghent, 28 février 2008. À paraître. Je remercie chaleureusement Hélène Merlin-Kajman d’avoir bien voulu me transmettre le texte de sa communication. 21 Ibid. Polygraphie et hybridation des genres dans la dramaturgie cornélienne 153 de Corneille, qui était notre point de départ, à l’épreuve de la notion d’hybridation, et de l’articuler au contexte historique et social particulier qui est le sien. C’est faire le pari que la question de la polygraphie, au XVII e siècle, déborde le cadre de la théorie littéraire. La question est ainsi de savoir comment la tragédie cornélienne en vient à ressembler si singulièrement à la comédie, ou, plus précisément, dans quelle mesure elle encode l’expression du sentiment amoureux, de telle sorte qu’elle en vient à le légitimer, y compris lorsque le héros renonce à l’amour. Deux points sont, sous ce rapport, essentiels : la conception cornélienne du conflit tragique et celle des mœurs du personnage. La conception cornélienne du conflit tragique, seul susceptible d’inspirer au spectateur les passions tragiques de pitié et de crainte, s’inscrit dans l’héritage aristotélicien. Il est ainsi défini dans la Poétique : Dans le cas où l’événement pathétique survient au sein d’une alliance, par exemple l’assassinat, l’intention d’assassiner ou toute autre action de ce genre entreprise par un frère contre son frère, par un fils contre son père, par une mère contre son fils ou par un fils contre sa mère, ce sont ces cas qu’il faut rechercher 22 . Il se caractérise donc par le surgissement de l’« événement pathétique » au sein des alliances, qui sont essentiellement familiales, dans le texte d’Aristote. Paraphrasant cette définition dans son second Discours, Corneille suit d’assez près le Stagirite, mais s’en écarte significativement dans la série d’exemples - Horace, Le Cid, et Rodogune - qu’il propose : Pour nous faciliter les moyens d’exciter cette pitié, qui fait de si beaux effets sur nos théâtres, Aristote nous donne une lumière. Toute action, ditil, se passe, ou entre des amis, ou entre des ennemis, ou entre des gens indifférents l’un pour l’autre. Qu’un ennemi tue ou veuille tuer son ennemi, cela ne produit aucune commisération, sinon en tant qu’on s’émeut d’apprendre ou de voir la mort d’un homme, quel qu’il soit. Qu’un indifférent tue un indifférent, cela ne touche guère davantage, d’autant qu’il n’excite aucun combat dans l’âme de celui qui fait l’action ; mais quand les choses arrivent entre des gens que la naissance ou l’affection attache aux intérêts l’un de l’autre, comme alors qu’un mari tue ou est prêt de tuer sa femme, une mère ses enfants, un frère sa sœur ; c’est ce qui convient merveilleusement à la tragédie. [...] Horace et Curiace ne seraient point à plaindre, s’ils n’étaient point amis et beaux-frères ; ni Rodrigue, s’il était poursuivi par un autre que par sa maîtresse ; et le malheur d’Antiochus toucherait beaucoup moins, si un autre que sa mère lui demandait le sang de sa maîtresse, ou 22 Aristote, La Poétique, trad. Michel Magnien, Paris : Le Livre de Poche, « Classiques de poche », ch. XIV, 1990, p. 105. Matthieu Dupas 154 qu’un autre que sa maîtresse lui demandât celui de sa mère ; ou si, après la mort de son frère, qui lui donne sujet de craindre un pareil attentat sur sa personne, il avait à se défier d’autres que de sa mère et de sa maîtresse 23 . L’exemple d’Horace est conforme au modèle aristotélicien : les deux héros sont amis, mais aussi beaux-frères, puisque Sabine, sœur de Curiace, est aussi l’épouse d’Horace ; la guerre qui oppose Rome et Albe, et, surtout, le choix de combattants constituent un surgissement des violences au sein des alliances - ici familiales. L’exemple du Cid s’en écarte, lui, notablement : le tragique de sa situation vient de ce qu’il est poursuivi par sa maîtresse, qui, mue par la piété filiale, met en péril leur relation amoureuse. L’événement pathétique - la vengeance de Chimène - surgit ainsi au sein de l’amour. Contrairement à Aristote, Corneille fait donc de celui-ci une alliance où est susceptible de surgir l’événement pathétique - ce qu’il écrit plus loin en toutes lettres : C’est donc un grand avantage, pour exciter la commisération, que la proximité du sang et les liaisons d’amour ou d’amitié entre le persécutant et le persécuté, le poursuivant et le poursuivi, celui qui fait souffrir et celui qui souffre. Allant plus loin dans l’Examen de la pièce, il affirme même que la relation amoureuse est, plus que toute autre, propre à susciter l’émotion du spectateur : Une Maîtresse que son devoir force à poursuivre la mort de son Amant, qu’elle tremble d’obtenir, a les passions plus vives et plus allumées que tout ce qui peut se passer entre un mari et sa femme, une mère et son fils, un frère et sa sœur 24 . L’exemple de Rodogune, enfin, est plus compliqué. Pour en saisir la portée, on peut la comparer à Médée, dont elle est mutatis mutandis une réécriture 25 . Le sujet de Médée est un sujet simple, sans péripétie ni reconnaissance, dont l’action tend de manière continue vers l’événement pathétique du cinquième acte : l’infanticide, qui rompt une alliance à la fois matrimoniale - signant la rupture de l’héroïne avec son époux Jason - et maternelle. Le pathétique culmine avec le crime, qui, faisant naître chez le spectateur la crainte et la pitié, provoque la catharsis. Le sujet de Rodogune en est assez proche. 23 Discours de l’utilité et des parties du poème dramatique, op. cit., t. III, p. 151. 24 Examen du Cid, op. cit., t. I, p. 700. 25 Sur l’hypothèse défendue par M. Fumaroli que Rodogune serait en fait une réécriture du mythe d’Electre, voir Héros et Orateurs. Rhétoriques et dramaturgies cornéliennes, « Une dramaturgie de la liberté : tragique chrétien et tragique païen dans Rodogune », Genève : Droz, 1990, p. 170-208, ainsi que la note consacrée par G. Forestier à la question, op. cit., note 81, p. 258. Polygraphie et hybridation des genres dans la dramaturgie cornélienne 155 Cléopâtre, « seconde Médée », s’apprête à assassiner son fils Antiochus, pour conserver le trône. Mais cette action principale se double d’un épisode : l’amour qui unit Rodogune au héros. Par ailleurs, le pathétique ne culmine pas au cinquième acte, parce que l’infanticide, à la faveur d’une péripétie, n’a finalement pas lieu. Au lieu de cela, il est diffus dans toute la pièce, sous forme d’une violence toujours prête à surgir, mais qui ne fera jamais irruption - ce que Georges Forestier a appelé le principe d’un tragique « continu » 26 . Dans le passage cité, Corneille fait état, par ailleurs, de deux types d’alliance qui, en s’entrecroisant dans la pièce, redoublent le conflit tragique. Il y a, au niveau de l’action principale, le lien filial qui unit Antiochus à sa mère, et que Rodogune met en péril en faisant de la mort de celle-ci une condition à leur mariage, et, au niveau de l’épisode, le lien amoureux entre Antiochus et sa maîtresse, que Cléopâtre met de son côté en péril, en lui demandant, contre le trône, la tête de celle qu’il aime. Deux conflits tragiques sont ainsi mis en concurrence, dont le second surgit au sein d’une relation amoureuse, épisodique. Outre le tragique continu, l’innovation de Corneille, par rapport à Aristote, est donc double : non seulement l’amour est un ressort du tragique, mais l’épisode devient même le lieu de ce tragique. Si l’amour est cantonné à l’épisode dans Rodogune, celui-ci soutient ainsi la moitié de ce tragique redoublé, ce que Corneille souligne lorsqu’il écrit qu’Antiochus toucherait beaucoup moins « s’il avait à se méfier d’autres que de sa mère ou de sa maîtresse ». Par rapport à Médée, il y a donc un déplacement du centre de gravité de la tragédie, de l’action principale vers l’épisode, qui vide de son sens la distinction entre ces derniers. Cette conception du conflit tragique, en rupture par rapport au modèle aristotélicien, implique par ailleurs que le sentiment amoureux ne se conforme plus simplement au modèle passionnel généralement mobilisé par la critique lorsqu’elle s’intéresse à l’amour dans le théâtre français du XVII e siècle. En effet, il n’est plus seulement envisagé comme une passion qui affecte le personnage, mais aussi comme une liaison susceptible d’être mise en balance, comme le montre l’exemple de Rodogune, avec les liens filiaux ou matrimoniaux. Si la conception cornélienne du conflit tragique valorise l’amour en en faisant le ressort du tragique, cela n’est en effet possible qu’à partir du moment où il est envisagé comme un lien social aussi fort que les liens familiaux. Le genre tragique se voit ainsi doublement subverti par Corneille : l’amour, transversal à la comédie et à la tragédie, met en crise leur distinction, et, alors même qu’il se voit cantonné au rang de brillant second comme passion, obtient le plus souvent la primauté comme liaison. 26 G. Forestier, ibid., p. 314. Matthieu Dupas 156 Mais faire de l’amour une liaison et non plus seulement une passion, c’est, encore, modifier la constitution du personnage dramatique - ou de ses « mœurs » -, du point de vue de l’éthos et du pathos. Selon Quintilien, alors que le premier est un élément stable, le second est transitoire 27 . On peut se demander dans quelle mesure l’amour, conçu comme liaison, peut encore se comprendre en termes de passion, c’est-à-dire de pathos dans ce sens technique du terme, et s’il n’en vient pas même à constituer un éthos. Hélène Merlin-Kajman note justement à propos du personnage de Chimène que « selon l’Académie, [...] le pathos se serait en somme substitué 28 à l’èthos » 29 au sens où l’amour (pathos) ne le céderait jamais à la piété filiale (éthos de jeune fille vertueuse). Il convient de donner toute sa force à ce point de vue en disant que le pathos est carrément devenu éthos chez Chimène. Si l’amour constitue l’alliance où surgit l’événement pathétique et non plus simplement une passion ; si ce n’est plus lui qui défait le lien de fidélité au père mort, mais la vengeance qui rompt celui de l’amour, alors, ce n’est plus le pathos de l’amour qui trouble transitoirement l’éthos de la piété filiale, mais l’éthos vengeur qui altère le pathos amoureux. Voilà notamment ce que les contempteurs de Corneille, lors de la Querelle du Cid, n’auraient pas supporté. Et cette analyse peut s’appliquer à Antiochus, poursuivi par sa maîtresse, qui lui demande la tête de sa mère. Dire que le tragique naît pour moitié du surgissement de la violence maternelle au sein du lien amoureux entraîne que l’éthos amoureux le dispute chez ce personnage à celui de fils, ou qu’il s’est substitué à l’amour comme pathos. Tel est précisément le fonctionnement de l’« héroïsation par l’amour » 30 pointée par Georges Forestier : ressort du tragique, celui-ci constitue par là même une donnée intrinsèque de l’héroïsme. Ainsi, l’introduction de l’amour dans le théâtre met bien en péril la distinction entre comédie et tragédie, non seulement du point de vue de l’intrigue mais aussi du personnel dramatique. Et c’est parce qu’il encodait ainsi l’amour dans le genre noble de la tragédie que Corneille s’est vu attaqué par ceux qui lui reprochaient effectivement de le légitimer, lors de la Querelle du Théâtre. On peut ainsi se demander si, en faisant de l’amour un éthos des personnages aussi bien masculins que féminins, la dramaturgie cornélienne n’en vient pas du même coup à mettre en exergue - sinon en valeur - un 27 H. Merlin-Kajman, « Horace et Chimène, ou le déchirement de l’èthos », in Ethos et pathos. Le statut du sujet rhétorique. Actes du Colloque international de Saint-Denis (19-21 juin 1997). Réunis par et présentés par François Cornilliat et Richard Lockwood, Paris : Honoré Champion, 2000, p. 305-319. 28 Je souligne. 29 H. Merlin-Kajman, ibid., p. 309. 30 G. Forestier, op. cit., p. 243. Polygraphie et hybridation des genres dans la dramaturgie cornélienne 157 renouvellement des identités de genre (au sens ici de la construction sociohistorique d’une différence des sexes). Serge Doubrovsky, dans Corneille et la dialectique du héros, a en effet décelé dans Rodogune une - très essentialiste - « inversion des sexes » 31 . De manière plus générale, les héros de Corneille ont souvent essuyé le reproche d’efféminement, et ses héroïnes, celui de virilité. À la lumière de ce qui précède, on peut reformuler la question. L’éthos amoureux, en rapprochant le personnel tragique du personnel comique, suggère que les identités de genre au XVII e siècle - telles que les explore le théâtre - se définissent de plus en plus par une composante hétérosexuelle, et de moins en moins par leur dignité, à un moment charnière où la société française, d’ordres, devient une société de classes. Par ce codage de l’amour qui transcende les catégories de comédie et de tragédie, la dramaturgie cornélienne en viendrait ainsi à fonctionner comme ce que Teresa de Lauretis a appelé, en parlant du cinéma, une « technologie du genre » 32 . L’hybridation de la tragédie et de la comédie prendrait ainsi tout son sens dans une perspective d’histoire culturelle, et même plus précisément d’histoire de la sexualité 33 , qui mettrait l’accent sur un renouvellement des identités de genre et une problématisation inédite des rapports homme / femme dans une société en profonde mutation. Aborder Corneille sous l’angle de la polygraphie nous conduit ainsi à problématiser cette notion. S’agissant de son théâtre, on peut dire que sa dramaturgie s’inscrit dans une logique de polygraphie qui, conjuguant distinction et pratiques des genres, fait de l’une la condition de l’autre. Mais les genres dramatiques, notamment, ont beau se constituer et se hiérarchiser au cours du siècle, ils n’en donnent pas moins lieu, à la faveur de l’introduction du sentiment amoureux, à des phénomènes d’hybridation, dont le drame bourgeois, qui s’affirme au XVIII e siècle, peut être considéré comme un point d’aboutissement. L’amour ne serait donc pas tant « la pierre de touche de la séparation entre les genres » 34 que ce qui, précisément, viendrait la mettre en crise. Mieux, le raffinement théorique nécessaire à cette séparation, et même la multiplication des catégories génériques - entre comédie, tragédie, tragicomédie et comédie héroïque - seraient l’indice d’une tendance à l’indistinction, autant qu’à la séparation. Au bout du 31 S. Doubrovsky, Corneille et la dialectique du héros, Paris : Gallimard, « coll. Tel », 1963, p. 292. 32 T. de Lauretis, Théorie queer et cultures populaires de Foucault à Cronenberg, Paris : La Dispute, « La technologie du genre », 2007, p. 37-94. 33 Voir notamment M. Foucault, Histoire de la sexualité, vol. I : La Volonté de savoir, Paris : Gallimard, 1976. 34 G. Forestier, op. cit., p. 93. Matthieu Dupas 158 compte, formuler l’hypothèse d’une dramaturgie polygraphique cornélienne, c’est la situer au croisement de ces deux logiques, entre séparation et indistinction des genres, ou dans ce tremblé entre pratique et hybridation des genres. De manière plus générale, c’est suggérer qu’on ne saurait parler de polygraphie au XVII e siècle, sans avoir à l’esprit ce que ceux-ci ont de mouvant et d’instable, mais aussi de culturellement ancré. C’est faire de la polygraphie une notion problématique et plurielle, relevant aussi bien de l’histoire culturelle que de la poétique.