eJournals Papers on French Seventeenth Century Literature 39/77

Papers on French Seventeenth Century Literature
0343-0758
2941-086X
Narr Verlag Tübingen
2012
3977

La mémoire du protestantisme dans les romans de littérature pour la jeunesse

2012
Yves Krumenacker
PFSCL XXXIX, 77 (2012) La mémoire du protestantisme dans les romans de littérature pour la jeunesse Y VES K RUMENACKER (U NIVERSITÉ DE L YON ) Le XVII e siècle est une période importante pour le protestantisme français. Celui-ci vit alors sous le régime de l’édit de Nantes, depuis 1598, ce qui lui permet de s’épanouir, l’exercice du culte et l’égalité civile des réformés étant garantis par la loi. Mais la volonté de Louis XIV de n’avoir qu’une religion en son royaume aboutit à une interprétation très rigoureuse de l’édit, avant les persécutions légales et, finalement, l’édit de Fontainebleau d’octobre 1685, qui révoque celui de Nantes, entraînant des abjurations, une résistance clandestine et la fuite hors de France de certains fidèles. Il peut donc sembler normal que les romans historiques pour la jeunesse abordent ces sujets, ne serait-ce que furtivement. Nous pouvons ainsi étudier l’image qui est donnée du protestantisme dans cette littérature destinée aux enfants et aux adolescents, à l’âge où ils apprennent ces événements au collège ou au lycée. Un corpus très limité Une première surprise, cependant, provient du faible nombre d’ouvrages traitant du protestantisme. Nous avons consulté le catalogue en ligne du Centre national de la littérature pour la jeunesse La Joie par les livres 1 , en prenant comme mot-clé « protestant* », ce qui nous a donné 139 résultats, mais seuls cinq titres se rapportent au XVII e siècle. Le catalogue des éditions protestantes « La Cause » 2 , celui de la librairie, également protestante, « Arrêt aux pages » 3 , la Boutique en ligne du Musée du Désert 4 , n’ont pas 1 http: / / lajoieparleslivres.bnf.fr/ masc/ Default.asp? INSTANCE=JOIE. 2 http: / / www.lacause.org/ pages/ editions/ enseigne_index.html. 3 http: / / www.arretauxpages.com/ univers_6_Jeunesse. 4 http: / / www.museedudesert.com/ boutique/ index.php? cPath=1_9&osCsid=ece Yves Krumenacker 47 permis d’en trouver davantage. D’autres sites d’éditeurs protestants (Empreinte, Olivétan) ont été consultés, mais ils ne publient pas de romans historiques pour la jeunesse. Finalement, seuls deux ouvrages, découverts en discutant avec de jeunes lecteurs, ont pu s’ajouter à cette maigre liste. Sept livres : ce nombre très faible est en soi significatif : le protestantisme est largement exclu de l’histoire de France telle qu’on l’enseigne aux enfants. Mais il faut aller plus loin, et découvrir ces titres. Deux font partie de la série Les Colombes du Roi-Soleil d’Anne-Marie Desplat-Duc: Charlotte, la Rebelle et La promesse d’Hortense 5 . Deux autres ont également pour cadre la Cour de Louis XIV : Carla aux mains d’or, d’Annie Pietri 6 , et À la Cour de Louis XIV. Journal d’Angélique de Barjac, de Dominique Joly 7 . Il faut encore citer La Nuit des dragons, de Fred et Sigrid Kupferman 8 , Aux Pattes de la louve : Académie protestante de Saumur, 1671, d’Éliane Itti 9 , et Sorcière blanche, encore d’Anne-Marie Desplat-Duc 10 . Il est difficile de connaître les motivations de ces auteurs pour de tels sujets. Annie Pietri, d’ascendance corse, bretonne et irlandaise, n’est sans doute pas protestante et s’intéresse surtout à Versailles, cadre de presque tous ses romans 11 . D’Anne-Marie Desplat-Duc, prolixe auteur de romans pour enfants, on ne sait guère qu’elle est née à Privas en Ardèche, ce qui a pu la sensibiliser à la question protestante, le Musée du Vivarais protestant étant situé non loin de Privas. Fred Kupferman, historien spécialiste des relations franco-allemandes au XX e siècle, décédé en 1988, était d’origine juive ; son épouse Sigrid, documentaliste, est d’origine allemande. La solidarité dans la persécution entre huguenots et juifs, le retentissement de l’exil huguenot en Allemagne après 1685 peuvent expliquer l’écriture de leur roman, autant que l’actualité, puisqu’il est paru au moment où l’on commémorait le 3 e centenaire de la révocation de l’édit de Nantes. Dominique Joly 0ed2060cad39b54ca1065e836e00b. 5 Anne-Marie Desplat-Duc, Les Colombes du Roi-Soleil. Charlotte, la Rebelle, Flammarion, 2006 ; id., Les Colombes du Roi-Soleil. La promesse d’Hortense, Flammarion, 2006. 6 Annie Pietri, Carla aux mains d’or, Hachette, 2005. 7 Dominique Joly, À la Cour de Louis XIV. Journal d’Angélique de Barjac, Gallimard Jeunesse, 2008. 8 Sigrid et Fred Kupferman, La Nuit des dragons, Paris, Livre de Poche Jeunesse, 1985. 9 Éliane Itti, Aux Pattes de la louve : Académie protestante de Saumur, 1671, Carrièressous-Poissy, La Cause, 2006. 10 Anne-Marie Desplat-Duc, Sorcière blanche, Paris, Rageot, 2006. 11 Les renseignements biographiques sur l’auteur proviennent de son site : http: / / www.anniepietri.com/ index.htm. La mémoire du protestantisme 47 ne semble pas non plus faire partie du milieu protestant ; auteur de nombreux ouvrages pour la jeunesse sur des sujets très variés, elle se présente néanmoins comme très marquée par son éducation religieuse et passionnée par la Bible 12 . Quant à Éliane Itti, professeur de français, auteur de nombreux manuels scolaires et d’une thèse portant sur l’image des civilisations francophones dans les manuels scolaires 13 , elle apparaît beaucoup plus engagée dans le protestantisme, ayant publié récemment des lettres d’un élève de l’Académie de Saumur dans le Bulletin de la Société de l’histoire du protestantisme français 14 ; son roman Aux Pattes de la louve a été publié par une maison d’édition très confessionnelle, La Cause, membre de la Fédération protestante de France et voulant explicitement « faire entendre la voix de l’Évangile, la Bonne Nouvelle du salut offert à tous et l’espérance qu’il fait naître » 15 . Dans notre corpus, La Cause est la seule maison d’édition confessionnelle. Les autres livres ont en effet été publiés chez Flammarion, Gallimard, Hachette et le Livre de Poche, dans leurs collections « Jeunesse ». En dehors donc d’Aux Pattes de la louve, sans doute lu plutôt par un public protestant, ce sont des livres non destinés à un public confessionnel, écrits par des auteurs ne se réclamant pas d’une religion particulière, qui font l’objet de notre étude ; des livres qui participent d’une vision « laïque » de l’histoire de France et dont il est intéressant de savoir si elle se démarque d’une vision plus protestante. Mais avant d’en venir là, il faut dire un mot de leur contenu, en les résumant très brièvement. La série Les Colombes du Roi-Soleil raconte les aventures de jeunes filles pensionnaires de la maison d’éducation de Saint- Cyr, dirigée par Mme de Maintenon. Parmi celles-ci se trouve Charlotte de Lestrange, fille d’un petit noble protestant du Vivarais qui a abjuré au moment des dragonnades. Elle est entrée à Saint-Cyr pour éviter le mariage avec l’intendant, le marquis de Réaumont, et, si elle pratique extérieurement le catholicisme, elle reste en esprit fidèle à sa religion - même si elle dit ne pas se sentir complètement huguenote et s’il lui arrive d’avouer que la religion l’ennuie. Mais elle est éprise de son cousin François. Quand elle 12 D’après le site : http: / / www.bibliopoche.com/ ecrivain/ Joly-Dominique/ 29884.html. 13 Éliane Itti, L’image des civilisations francophones dans les manuels scolaires, Paris, Publibook, 2003. 14 Éliane Itti, « Lettres d’Élie Bouhereau, élève de première à l’Académie de Saumur, à ses parents (mai 1684-août 1684) », Bulletin de la Société de l’histoire du protestantisme français, 2008, p. 609-630. 15 Extrait de la présentation de l’éditeur sur son site : http: / www.lacause.org/ pages/ editions/ enseigne_index.html. Yves Krumenacker 47 apprend que François est aux galères et que Réaumont veut toujours l’épouser, elle réussit à s’enfuir au Siam afin de trouver de l’argent pour libérer son fiancé. Elle rentre un an plus tard, et retrouve François, libéré entretemps par une de ses amies. L’histoire ne dit pas comment ils vont pouvoir vivre en protestants… on est en 1689-1690 16 . Parmi les compagnes de Charlotte se trouve Hortense de Kermenet, catholique bretonne, amoureuse de Simon, le frère de Charlotte ; celui-ci, comme son père et Charlotte, a abjuré sa foi afin d’avoir une charge auprès de M. de Pontchartrain. En septembre 1689, Simon enlève Hortense. Pourchassés par les mousquetaires du roi, les amoureux se rendent en Vivarais. Après maintes aventures, ils retrouvent M. de Lestrange, qui se laisse mourir car sa femme et une autre de ses filles, Héloïse, sont parties au « Refuge » pour vivre leur foi en liberté et qu’il n’a aucune nouvelle d’elles. Comme il repousse Hortense à cause de sa religion, celle-ci décide de partir avec Simon à la recherche de sa mère et sa sœur. Suit le récit mouvementé de la fuite hors de France, au cours de laquelle Simon se fait arrêter. Hortense poursuit seule sa route et arrive à Genève, où elle apprend qu’Héloïse et sa mère sont parties à Zurich. C’est là qu’elle les retrouve, à l’hospice, grâce à un notaire, Dunoyer. Elle réussit à les convaincre de rentrer en Vivarais. Dunoyer épouse Héloïse, lui donnant ainsi la nationalité suisse et donc le droit de rester protestante. À Lyon, Dunoyer leur permet de voir Simon, prisonnier dans la prison de l’archevêque. Hortense repart à la Cour et elle retrouve une de ses amies, Louise, qui obtient du roi la libération de Simon 17 . Il est moins question de protestants dans l’histoire de Carla, une petite couturière vénitienne venue à Versailles au service de la Grande Mademoiselle. Parmi les intrigues secondaires, néanmoins, on trouve l’amour du prince de Champagné pour une noble protestante, Adélaïde, qui refuse de renier sa foi, ce qui rend tout mariage impossible, le roi l’interdisant. Adélaïde finit par fuir en Angleterre, mais elle meurt en voyage, son bateau ayant fait naufrage. On est au printemps 1681 18 . On trouve également peu le protestantisme dans Sorcière blanche, l’histoire d’une jeune aristocrate, Agathe de Préault-Aubeterre, qui part aux Caraïbes en 1677 avec ses parents et rencontre au cours de la traversée deux jeunes huguenots, Marguerite et Samuel Guiraud, qui fuient la France avec leurs parents car leur père, pasteur, a célébré un mariage mixte, provoquant ainsi la fermeture du 16 Anne-Marie Desplat-Duc, Les Colombes du Roi-Soleil. Charlotte, la Rebelle, Flammarion, 2006. 17 Anne-Marie Desplat-Duc, Les Colombes du Roi-Soleil. La promesse d’Hortense, Flammarion, 2006. 18 Annie Pietri, Carla aux mains d’or, Hachette, 2005. La mémoire du protestantisme 47 temple. Arrivés dans les îles, les Guiraud entrent au service d’un planteur qui les exploite et Samuel se lie avec les esclaves noirs à qui il parle de liberté ; il finit par préparer une révolte. Mais Agathe rentrant en France, nous n’en saurons pas plus 19 . Les trois derniers livres portent en revanche entièrement sur le protestantisme. Le journal que tient une jeune noble du Languedoc, demoiselle d’honneur de la princesse palatine, Angélique de Barjac, nous plonge dans les années 1684-1685 à la Cour. Cette adolescente, orpheline, apprend que ses parents avaient été protestants avant d’abjurer, quand elle est née, pour la protéger et assurer son avenir, au moment où il est question des conversions forcées. Elle découvre alors cette religion, souffre pour tous ceux qui sont persécutés, s’ouvre à la Palatine, elle-même réformée, et finit par devenir réellement protestante. Au moment de la révocation de l’édit de Nantes, elle décide de suivre un apothicaire, Simon, également protestant, qui veut retrouver sa famille près de Montpellier. En Cévennes, elle assiste à des cultes clandestins et elle retrouve sa marraine, qui a aussi rejeté le catholicisme. Toutes deux quittent la France et se réfugient à Francfort 20 . Il est encore question des dragonnades dans La Nuit des dragons : ce récit débute avec l’arrivée des dragons dans la ferme de Jeanne Mazel, près d’Anduze, qui réussissent à faire abjurer la famille. Mais Jeanne, devenue en apparence catholique modèle, visite en réalité les malades pour leur faire dire des prières protestantes au moment de leur mort ; prise sur le fait, elle est envoyée à l’hôpital de Valence où on cherche en vain, par de terribles sévices, à la faire abjurer. Son fils Antoine s’est enfui et voyage, sous divers pseudonymes, avec un médecin ambulant, Cornelius. Puis, ému par le spectacle d’un culte clandestin surpris par les dragons, il décide d’aider un groupe de femmes et d’enfants à quitter la France et les mène jusqu’au pays de Gex, où il rencontre à Joux une fille catholique de son âge, Marie. Les deux jeunes gens tombent amoureux l’un de l’autre. Après d’autres péripéties, Antoine retrouve sa mère, à la maison de la Propagation de la Foi, où elle est heureuse au milieu de religieuses qui ne cherchent plus à la convertir. Il peut enfin rentrer chez Marie qui, entre-temps, a retrouvé sa petite sœur, Élisabeth, qui avait été enfermée au couvent des Nouvelles Converties de Dôle 21 . Notre dernier livre est l’histoire d’un étudiant de l’Académie protestante de Saumur, Élie de Swaen, originaire de Bergues, en Flandre. On découvre 19 Anne-Marie Desplat-Duc, Sorcière blanche, Paris, Rageot, 2006. 20 Dominique Joly, À la Cour de Louis XIV. Journal d’Angélique de Barjac, Gallimard Jeunesse, 2008. 21 Sigrid et Fred Kupferman, La Nuit des dragons, Paris, Livre de Poche Jeunesse, 1985. Yves Krumenacker 4 d’abord la vie des étudiants, passionnés par les études de théologie, mais aussi par la musique, l’équitation et l’escrime, en butte à une législation royale qui contraint les étudiants étrangers à quitter la France et aux pressions des dévots saumurois qui se lancent dans la controverse, organisent des missions, mènent une bataille juridique contre les réformés. Élie, brillant étudiant, puis enseignant, soutient sa thèse, et tombe amoureux d’une jeune catholique, Marie-Blanche, qu’il finit par épouser. Sa femme se convertit par la suite au protestantisme. Mais les persécutions obligent à des choix dramatiques ; alors que plusieurs de leurs amis choisissent l’exil, les deux jeunes gens optent pour une abjuration de façade, instruisant leurs enfants dans la religion réformée. Bien plus tard, leur petit-fils Pierre, qui s’est battu pour la libération des derniers galériens pour la foi, assiste à l’inauguration (en 1810) de la faculté de théologie de Montauban 22 . Une histoire partielle et partiale La première surprise, à la lecture de ces romans, vient de l’étroitesse du champ chronologique couvert. Le voyage d’Agathe aux Caraïbes a lieu en 1677, l’histoire de Carla se déroule en 1681, le journal d’Angélique de Barjac couvre les années 1684-1685, les tribulations de la famille Mazel ont lieu en 1685 et les années suivantes, les « Colombes » vivent leurs aventures en 1689-1690. Seule l’histoire de l’Académie de Saumur couvre une période plus longue, de 1671 à 1685 (avec un appendice entre 1746 et 1810), mais près de la moitié du livre est consacrée aux années 1680. C’est donc bien la révocation de l’édit de Nantes, avec les mesures qui l’annoncent, les persécutions, les dragonnades et l’exil vers les pays du Refuge qui est le thème principal de ces récits, ce qui ne recouvre évidemment pas toute l’histoire du protestantisme au XVII e siècle, loin s’en faut. Il n’y a rien sur la période plus tranquille de la fin du règne d’Henri IV, de celui de Louis XIII ou des débuts de celui de Louis XIV, en dehors de l’évocation de quelques années heureuses, là encore dans Aux Pattes de la louve. Il est vrai que les périodes de tranquillité sont moins propices aux romans d’aventure (mais on aurait pu évoquer la guerre de Rohan - 1621-1622 - ou le siège de La Rochelle) et que Louis XIV fascine les romanciers comme les historiens. L’inconvénient est que les protestants n’apparaissent que comme des victimes de l’intolérance politique et religieuse ; et ceci, qu’ils soient les protagonistes principaux des récits ou non, que les auteurs des romans soient eux-mêmes protestants ou non. 22 Éliane Itti, Aux Pattes de la louve : Académie protestante de Saumur, 1671, Carrièressous-Poissy, La Cause, 2006. La mémoire du protestantisme 4 Ces limites posées, on peut noter chez tous les auteurs un réel effort d’information historique. Manifestement, certains ont utilisé directement des sources historiques ; c’est notamment le cas d’Éliane Itti, dont le récit des dragonnades décalque d’assez près les témoignages de Jean Migault ou d’Abraham Papot 23 . Dans l’ensemble, l’évocation des événements est assez juste. Curieusement, c’est dans La Nuit des dragons, pourtant œuvre d’un historien et d’une documentaliste, que les invraisemblances sont les plus nombreuses. Le livre débute tout de même par une introduction historique de deux pages pour situer le sujet et, sur le rabat de la couverture, est présentée une chronologie rapide du protestantisme français. Mais ce souci pédagogique est gâché par le fait que l’introduction relève d’une historiographie déjà dépassée en 1985, à propos des motifs de la Révocation : l’orgueil de Louis XIV et les pressions de l’Église catholique. Le récit luimême prend beaucoup de libertés avec la chronologie : les dragons arrivent après la Révocation, pour la faire appliquer, alors qu’Anduze abjure le 7 octobre, avant même l’arrivée des soldats 24 ; les morts sont enterrés dans le jardin, avec un cyprès à côté de la tombe, alors que la pratique ne se développe qu’après la Révocation, quand il n’y a plus de cimetière protestant, et c’est plutôt au XIX e que l’habitude de planter un cyprès se généralise. Un culte dans un temple après la Révocation est hautement improbable, et aurait donné lieu à une répression autre que la simple arrestation du pasteur pour propos offensants envers le roi (et le temple d’Anduze est d’ailleurs, à cette date, démoli). Une assemblée clandestine est décrite, présidée par un personnage ayant réellement existé, Fulcran Rey, qualifié de pasteur alors qu’il ne l’a jamais été ; les auteurs le font mourir sur la roue à Tournon, probablement en septembre 1687 (la chronologie est difficile à reconstituer), alors qu’il est mort pendu à Beaucaire le 8 juillet 1686 25 . On voit apparaître un « prophète », Josué Theis, qui tue des curés et brûle des églises, ce qui n’apparaîtra que bien plus tard, avec les camisards. Enfin, des clichés depuis longtemps remis en cause comme celui de la dépopulation de la France à cause de la fuite au Refuge sont présents. Les autres livres ne posent pas autant de problèmes sur le plan historique, même si l’on peut se demander comment Simon de Lestrange, son amie Hortense et les deux protestantes qu’ils rencontrent en voyage espèrent faire croire longtemps qu’ils sont des pèlerins de Saint-Jacques de Compos- 23 Journal de Jean Migault, présenté par Yves Krumenacker, Paris, Éditions de Paris, 1995 ; Henri Clouzot, « Une dragonnade en Poitou en 1681 », Bulletin de la Société de l’histoire du protestantisme français, 1903, p. 256-268. 24 Charles Bost, Les Prédicants Protestants des Cévennes et du Bas-Languedoc, 1684- 1700, Paris, H. Champion, 1912, t. 1, p. 35. 25 Ibid., p. 148-150. Yves Krumenacker 4 telle, alors qu’un édit d’août 1671 réclame des pèlerins une permission écrite de l’évêque de leur diocèse et que la déclaration du 7 janvier 1686 a plus radicalement interdit tout pèlerinage à l’étranger, justement pour éviter la fuite des protestants. La révolte anti-esclavagiste de Samuel Guiraud n’est pas impossible, mais il faudra quand même attendre encore un bon siècle pour que les protestants se mettent vraiment à lutter contre l’esclavage. On peut aussi s’étonner qu’Angélique de Barjac obtienne une médaille protestante offerte à ses parents par un orfèvre de Nîmes, une « rose de Luther », symbole des églises luthériennes, alors que sa famille est calviniste. Et, menu détail, Angélique apprend le 20 septembre 1685 la conversion des protestants de la région de Bordeaux, de Castres, de Nîmes, d’Uzès, de Lyon, alors que ces derniers n’ont abjuré en corps que le 7 octobre 26 et ceux de Nîmes le 4, dans la cathédrale 27 . Enfin, les Kupferman expliquent que les protestants sont tous capables de lire la Bible, ce qui est faux, surtout pour les femmes, même si globalement l’alphabétisation est supérieure à celle des catholiques ; mais les auteurs des autres romans font également tous lire et écrire leurs héros huguenots. C’est d’ailleurs la lecture de la Bible par Marguerite et Samuel qui montre à Agathe de Préault- Aubeterre qu’ils sont huguenots - dans ce cas, leurs connaissances n’ont rien d’étonnant, puisqu’ils sont enfants de pasteur. Cependant, même si la vraisemblance historique est globalement respectée, certains faits sont systématiquement grossis et contribuent à donner une image particulière du protestantisme et de cette période. La violence est évidemment très présente, et apparaît comme un des ressorts dramatiques de ces romans. Le choix de raconter des événements des années 1680 ne peut que renforcer cet aspect qui, nous l’avons déjà souligné, présente les protestants avant tout comme des victimes de l’intolérance. Mais, s’il y a violence, elle n’est pas le fait de tous les catholiques. Tous les auteurs veillent à présenter un tableau très nuancé des relations entre catholiques et protestants, retrouvant la solidarité interconfessionnelle que l’historiographie contemporaine a récemment beaucoup développée. On trouve ainsi dans La Nuit des dragons des catholiques détestant les protestants, haineux, prêts à profiter de leurs malheurs en achetant leurs meubles à vil prix, les dénonçant ; mais aussi des religieuses humaines, et surtout la famille de Marie, les Lemonnier, qui ne comprennent pas pourquoi la différence de religion doit empêcher de vivre en paix. Les « Colombes », Charlotte et Hortense, n’ont guère de mal à trouver du soutien parmi leurs camarades. Pour se rendre en Suisse, Hortense doit compter sur des passeurs 26 Yves Krumenacker, Des Protestants au Siècle des Lumières. Le modèle lyonnais, Paris, H. Champion, 2002, p. 23-24. 27 Bost, Les Prédicants Protestants…, op. cit., p. 34-35. La mémoire du protestantisme 4 catholiques, certains compatissants, d’autres agissant surtout pour l’argent, d’autres enfin qui dénoncent les protestants en fuite ; elle et Simon, pourtant « nouveau converti » resté protestant de cœur, obtiennent même des sauf-conduits d’un curé vivarois précisant qu’ils sont catholiques. Angélique de Barjac, elle, ne voit guère que des courtisans satisfaits du retour des « brebis égarées » au « troupeau » ; mais sa marraine, pourtant bonne catholique, s’est convertie au vu des persécutions que l’on fait subir aux protestants. Quant aux étudiants de l’Académie de Saumur, ils sont « pleins de mépris pour les pompes des papistes » 28 et ils se moquent des diables de Loudun, mais ils admirent l’église Notre-Dame des Ardilliers et ce n’est qu’au bout de quelques années qu’ils ont des relations tendues avec les oratoriens du collège. En revanche, ils fréquentent des familles catholiques, au grand dam des dévots qui en viennent à les surveiller et à tenter de faire cesser ces liens amicaux. Éliane Itti dresse un portrait assez sombre de ces dévots saumurois (la Compagnie du Saint-Sacrement ? ), qui voudraient réduire les protestants à la misère et qui contestent les droits de l’Académie et du temple, mais elle ajoute que certains s’inquiètent de ces mesures, car ce sont les réformés qui apportent la richesse à la ville. Finalement, dans tous les romans, les seuls à être presque toujours stigmatisés sont les dragons, avec malgré tout des nuances dans le récit des Kupferman. Le roi, également, apparaît intolérant, mais il reste toujours à l’arrière-plan, et finalement très peu critiqué. La possibilité d’une bonne entente entre catholiques et protestants éclate avec la naissance des sentiments amoureux des héros ou héroïnes, passage presque obligé de tous les romans pour la jeunesse. Antoine Mazel, en effet, s’éprend d’une jeune catholique, Marie Lemonnier ; dans Carla aux mains d’or, une noble protestante, Adélaïde, est amoureuse du prince de Champagné - mais le roi interdit ce mariage « bigarré ». Hortense est une catholique bretonne qui veut se marier avec un protestant vivarois et Élie de Swaen épouse la fille d’un apothicaire catholique, Marie-Blanche, malgré les préventions de leurs parents, alors qu’Isaac van Ruytten, un ami d’Élie, n’est pas indifférent aux charmes de Madeleine, la sœur de Marie-Blanche. Agathe a de tendres sentiments pour Samuel Guiraud, avant de devoir le quitter. Finalement, seule Charlotte est amoureuse d’un protestant, son cousin François, et il n’est pas question d’amour dans le journal d’Angélique de Barjac. Bien entendu, de tels sentiments n’étaient pas impossibles à la fin du XVII e siècle, mais toutes les études montrent que les mariages mixtes étaient relativement rares. Or ils sont ici presque systématiques. C’est, pour les 28 Éliane Itti, Aux Pattes de la louve, op. cit., p. 18. Yves Krumenacker 4 8 auteurs, l’occasion de mettre en valeur les qualités de leurs héros qui n’hésitent pas à braver les préjugés et les difficultés pour faire triompher leur amour, telle Hortense à qui le père de Simon refuse sa bénédiction et qui part en terre protestante rechercher la mère et la sœur de son fiancé. Cela permet aussi de donner une leçon de tolérance. Ainsi, l’amour de Marie pour Antoine Mazel fait que, bientôt, tout le village aide les fugitifs protestants. Mais ce message se combine à un autre, qui relativise les différences entre catholiques et protestants pour ne retenir qu’un message chrétien. C’est, par exemple, la princesse palatine qui conseille à Angélique : « Priez notre Dieu. Priez-le autant que vous pouvez. Après tout, n’est-il pas le même que l’on soit protestant ou catholique ? C’est l’aveuglement, l’intolérance qui cherchent à en faire deux différents. » 29 De même, Claude-Marie de Boisjourdan, huguenote convertie de force, qui rencontre Hortense, avoue qu’elle n’a plus de religion : « En ce qui me concerne, mon choix est fait, ce n’est ni la religion catholique ni la religion huguenote, mais une petite religion à moi […] je prie Dieu, tout simplement, sans lui demander s’il veut que je sois catholique ou protestante… parce que Dieu n’a pas de religion. Il est Dieu, c’est tout. » 30 Inutile de dire que ces sentiments, fréquents chez les chrétiens de la génération des auteurs, n’étaient guère courants aux lendemains de la Révocation. Il va de soi que les protestants, héros de ces livres, sont présentés de manière sympathique, mais avec cependant beaucoup de nuances. La peinture la plus fine est présentée par Éliane Itti : ses étudiants sont pieux, pleins de zèle, assidus à l’étude, passionnés par la théologie ; mais ils aiment se promener, ils courtisent des jeunes filles, ils montent une pièce de théâtre. Isaac van Ruytten joue du luth, son frère Gédéon apprécie la salle d’armes, Élie fréquente l’Académie d’équitation et va au bal : des activités qui leur attirent des réprimandes du consistoire. Au moment de la Révocation, ils sont partagés sur l’attitude à avoir : fuite vers le Refuge, ou pratique clandestine au Désert ? Il est aussi question de protestants qui se sont convertis et font preuve de prosélytisme pour leur nouvelle religion. Ce livre, Aux Pattes de la louve, publié par une maison d’édition protestante, a un caractère confessionnel plus marqué qui lui permet d’aller plus loin dans l’évocation du vécu des réformés (il y est aussi question des prières, de la lecture de la Bible, de controverses théologiques, etc.). Les autres livres, destinés a priori à un lectorat plus varié, entrent moins dans les détails. La Nuit des dragons repose néanmoins en partie sur l’opposition entre Antoine Mazel et Élie Cazaubon, jeune huguenot converti, qui n’aide les candidats au Refuge que pour mieux connaître leurs complices et les 29 Dominique Joly, À la Cour de Louis XIV, op. cit., p. 118. 30 Anne-Marie Desplat-Duc, La promesse d’Hortense, op. cit., p. 84-85. La mémoire du protestantisme 4 dénoncer. Dans Sorcière blanche, le protestantisme des enfants Guiraud ne joue guère de rôle ; c’est plus pour l’auteur un moyen de rappeler la diversité des émigrants vers le Nouveau Monde. Marguerite et Samuel vont d’ailleurs à la messe, pour ne pas se faire remarquer, et prient les psaumes dans leur cœur, tandis que leur amie Agathe, catholique et bretonne, aime lire les récits de l’Ancien Testament. Mais c’est surtout dans La promesse d’Hortense qu’on voit deux manières d’être protestant. À Genève, Musard, qui a hébergé un temps Héloïse et sa mère, apparaît comme un calviniste rigide, qui ne pardonne pas aux Lestrange leur conversion et divise le monde en calvinistes parfaits et en affreux papistes. Quant à Zurich, c’est une ville caricaturalement protestante : les femmes « sont vêtues de gros drap noir plissé et ample comme les frocs des religieux bénédictins avec des manches pendantes sur les côtés. Elles portent sur la tête un bandeau qui descend jusqu’aux yeux et un grand linge épais par-dessus, et sous le menton un autre linge plissé qui leur couvre jusqu’à la lèvre si bien qu’on ne leur voit que le bout du nez » 31 . Au contraire, Hortense, habillée avec plus d’élégance, fait scandale. Héloïse se plaint de devoir porter des tissus lourds, de ne pas pouvoir sortir, de ne pas pouvoir danser, que les filles soient mariées à des hommes choisis par le pasteur, et qu’on fasse tout pour les inciter à partir en Allemagne, en Angleterre ou en Hollande. Constantin, chez qui Héloïse et sa mère s’étaient réfugiées, est habillé de noir, il est raide et considère la France comme un « pays de débauche et de luxure » 32 . Par contraste, le protestantisme français apparaît beaucoup plus aimable. Il est d’ailleurs peu décrit dans ces romans, sauf dans Aux Pattes de la louve. C’est surtout une religion de la Bible, « le livre de chevet des huguenots » 33 , avec des adeptes qui n’hésitent pas à risquer leur vie pour leur foi, en assistant à des cultes clandestins. Sans que ce soit vraiment dit, ils apparaissent de ce fait comme des défenseurs de la liberté de conscience. Quelle image du protestantisme se dégage de ces romans ? Il importe tout d’abord de rappeler leur très petit nombre qui fait que, pour beaucoup de jeunes, il n’y a pas d’image du tout, d’autant que l’apparition de la Réforme n’est vue qu’assez rapidement dans les programmes d’histoire du collège et que les protestants ne réapparaissent ensuite qu’à l’occasion des guerres de religion et de la révocation de l’édit de Nantes, événements traités généralement sous l’angle politique. La lecture de ces romans renforce encore l’impression qu’il s’agit avant tout de personnes persécutées, voire de héros de la liberté de conscience, ce qui est à la fois réducteur et anachronique (ce 31 Ibid., p. 209-210. 32 Ibid., p. 212. 33 Dominique Joly, À la Cour de Louis XIV, op. cit., p. 75. Yves Krumenacker 48 n’est guère qu’au XVIII e siècle que les protestants considèrent que la liberté de conscience fait partie de leurs principes fondamentaux). Mais ce sont des persécutés sans véritables persécuteurs, en dehors peut-être des dragons. On a vu l’image nuancée donnée du catholicisme, qui n’est d’ailleurs pas fausse, et l’absence de véritables critiques contre Louis XIV, roi presque intouchable dans la littérature pour la jeunesse. Dans Sorcière blanche, l’auteur va encore plus loin en reprenant le cliché du protestant persécuté défenseur des autres persécutés, avec Samuel Guiraud qui aide les esclaves à lutter contre les planteurs. L’austérité des mœurs comme de l’apparence, qui fait partie des lieux communs les plus courants sur le protestantisme, est bien présente, mais assez discrètement, et renvoyée à l’étranger (la Suisse) ou à des autorités (le consistoire) très peu présentes. Les protestants présentés dans ces récits sont finalement assez proches de nous, car il faut que les jeunes lecteurs puissent s’identifier à eux. Même l’étrangeté de lecteurs de la Bible, de personnes pieuses, apparaît assez peu (c’est, sans que cela surprenne, dans le roman d’Éliane Itti que c’est le plus présent) ; on a surtout affaire à des adolescents qui se battent pour leur liberté, pour leur amour ou, dans le cas d’Angélique de Barjac, par fidélité à ses parents et par solidarité envers les persécutés. Dans ces conditions, le religieux n’a pas l’importance qu’il pouvait avoir à l’époque. Il n’est bien entendu pas gommé. Mais il prend la forme de préjugés qui font obstacle à l’amour de jeunes gens, d’une volonté oppressive de la part du roi et de ses agents, les dragons, ou d’une manière de préserver sa liberté, de rester fidèle à sa conscience. Le contenu même de la foi n’est guère détaillé, ce qui, évidemment, peut s’expliquer par le genre littéraire et l’âge des lecteurs. On apprend simplement qu’elle se fonde sur la Bible et, dans Sorcière blanche, qu’elle refuse toute superstition, ce qui ne peut que nous la rendre sympathique : le père Guiraud « assure que seul Dieu sauve les hommes. Ceux qui prétendent le contraire sont des charlatans » 34 . Seul, bien entendu, le roman d’Éliane Itti donne davantage de renseignements. Mais il y a sans doute plus que cela. Les quelques remarques doctrinales contenues dans ces livres, l’amour fréquent entre catholiques et protestants suggèrent que les différences confessionnelles n’ont pas beaucoup d’importance. Il semble qu’il suffise de prier Dieu… De tels sentiments n’étaient pas inconnus à l’époque : le maître d’école Jean Migault, réfugié en Hollande après les dragonnades, a bien écrit : « Il ne nous sera pas demandé, au grand jour, si nous avons été protestants ou si nous avons été papistes, mais si Dieu a été l’unique objet de notre amour. » 35 Mais il s’agit surtout, pour les auteurs, de considérations très actuelles. Ce 34 Anne-Marie Desplat-Duc, Sorcière blanche, op. cit., p. 83. 35 Journal de Jean Migault, op. cit., p. 135. La mémoire du protestantisme 48 qui apparaît très nettement, à la faveur des anachronismes, des inexactitudes chronologiques, des exagérations, c’est une idéologie, celle de la tolérance, de l’acceptation des différences. On ne peut qu’y souscrire, tout en déplorant, en tant qu’historien, que cela masque l’attachement de beaucoup d’hommes et de femmes du XVII e siècle à des affirmations doctrinales précises. Des personnes persécutées parce qu’elles ne croient pas, ne pensent pas comme les autres, mais qui triomphent des obstacles : tels apparaissent les protestants français du XVII e siècle dans ces romans pour la jeunesse. Cela participe à une image plus globale du protestantisme en France, partagée apparemment aussi bien par les protestants que par ceux qui ne le sont pas, même si l’étroitesse de notre corpus ne permet pas d’être catégorique. Un retour rapide sur le catalogue de La Joie par les livres montre en effet que les livres consacrés à d’autres époques de l’histoire du protestantisme français sont très peu nombreux et qu’ils concernent presque tous des périodes où les réformés se battent pour pouvoir exercer leur foi : La Nuit des huguenots 36 raconte le début des Guerres de Religion, illustrées également par La Nuit de la Saint-Barthélemy 37 et La Prophétie de Nostradamus 38 , la fin de cette période étant illustrée par Une Croix dans le sable 39 . Le XVIII e siècle est, pour sa part, représenté par La Révolte des camisards 40 et par La Tour du silence 41 qui, tous deux, se rapportent à des conséquences proches de la révocation de l’édit de Nantes. C’est donc cette identité que les jeunes lecteurs découvriront dans les romans. Une identité qui n’est pas fausse, mais partielle, et qui caractérise bien plus le protestantisme proprement français que la Réforme en général. 36 Mary Casanova, La Nuit des huguenots, Toulouse, Milan, 2003. 37 Guy Jimenes, La Nuit de la Saint-Barthélemy, « Je lis des histoires vraies », Paris, Bayard, 2006. 38 Theresa Breslin, La Prophétie de Nostradamus, Toulouse, Milan, 2009. 39 Évelyne Brisou-Pellen, Une Croix dans le sable, Paris, « Le Livre de Poche », 2004. 40 Bertrand Solet, La Révolte des camisards, Paris, Flammarion, 2011. 41 Christine Féret-Fleury, La Tour du silence, Paris, Flammarion, « Castor Poche », 2011.