eJournals Papers on French Seventeenth Century Literature 39/77

Papers on French Seventeenth Century Literature
0343-0758
2941-086X
Narr Verlag Tübingen
2012
3977

La Palatine, une princesse hors du commun dans la littérature pour la jeunesse

2012
Marie-Laurentine Caëtano
PFSCL XXXIX, 77 (2012) La Palatine, une princesse hors du commun dans la littérature pour la jeunesse M ARIE -L AURENTINE C AËTANO (U NIVERSITÉ DE L YON ) La lecture d’Une Princesse à Versailles, roman d’Anne-Sophie Silvestre consacré à la Palatine 1 (Flammarion, 2003), nous a conduite à nous interroger sur la place de cette princesse dans la littérature pour la jeunesse. Il se trouve en effet que cette figure atypique est présente dans d’autres fictions 2 : À la cour de Louis XIV, journal d’Angélique de Barjac, 1684-1685, de Dominique Joly (Gallimard jeunesse, 2008) ; la série Les folles Aventures d’Eulalie de Potimaron, d’Anne-Sophie Silvestre (deux tomes parus aux éditions Flammarion en 2010 et 2011) ; et le quatrième tome de la série Marie-Anne, fille du roi. Une mystérieuse reine de Pologne, d’Anne-Marie Desplat-Duc (Flammarion, 2011). Tandis qu’Une Princesse à Versailles se veut le récit autobiographique des premières années de la Palatine à Versailles, À la cour de Louis XIV se présente comme le journal d’Angélique de Barjac pour les années 1684 et 1685, alors que l’héroïne est demoiselle d’honneur de Madame. Dans la série d’Anne-Sophie Silvestre, la jeune Eulalie de Potimaron, pour sa part, est demoiselle d’honneur de Marie-Louise, fille de Monsieur, et donc belle-fille de la Palatine. Enfin, dans Une mystérieuse reine de Pologne, Marie-Anne, fille de Mademoiselle de la Vallière et de Louis XIV, rencontre la Palatine lors d’un après-midi chez la reine. À partir de ce corpus, nous avons souhaité étudier la façon dont la littérature pour la jeunesse met en scène la princesse Palatine. Notre but n’est pas tant de vérifier s’il y a respect ou non de la vérité historique quant à la reconstitution de sa vie, mais de montrer quel portrait se dessine d’un per- 1 Princesse allemande qui devint la seconde épouse de Monsieur, frère de Louis XIV. Voir la notice de William Brooks en ligne sur le site de la SIEFAR : http: / / www.siefar.org/ dictionnaire/ fr/ Élisabeth-Charlotte_de_Wittelsbach. 2 Notre étude ne se veut pas exhaustive : il va de soi que les occurrences témoignant de la présence de la Palatine dans ce type de fictions sont très nombreuses, notamment dans la série Les Colombes du Roi-Soleil. Marie-Laurentine Caëtano 4 4 sonnage dont on peut penser que les jeunes lecteurs n’ont jamais entendu parler, ni à l’école ni au collège, et, qu’a fortiori, ils n’ont pas eu l’occasion de rencontrer à travers leurs primes lectures. Quel est l’intérêt de leur raconter les faits et gestes de la Palatine, dont le nom même ne doit susciter en eux qu’étrangeté, voire moquerie ? En somme, pourquoi ce choix, et que dit-il de la représentation du XVII e siècle dans notre corpus ? Quoique Élisabeth-Charlotte de Bavière ne soit pas une princesse de conte de fées, nous allons voir que, d’une manière générale, les romans élaborent d’elle une image éminemment positive et sympathique, aucun d’entre eux ne lui prêtant un rôle ingrat. Sa mise en scène donne aussi l’occasion aux auteurs de développer des thèmes tantôt attendus, comme la vie à la cour de Louis XIV, tantôt délicats à traiter, comme les mœurs de Monsieur, frère du roi (l’époux de la Palatine), et la religion. Dans cette perspective, trois axes ont retenu notre attention : la Palatine comme figure singulière, la Palatine comme figure de tolérance et, en dernier lieu, la Palatine comme figure de femme de lettres, sa célèbre correspondance tenant lieu à la fois de matériau historique et de source d’inspiration romanesque. Une princesse si peu princesse À rebours des clichés littéraires La figure de la Palatine détone dans un corpus assez fleur bleue car elle ne répond ni aux canons de beauté traditionnellement associés à une princesse, ni aux attentes des lectrices : avec elle, point de potins et point de conversations sur les robes et autres fanfreluches. À lire les autoportraits que lui prête Anne-Sophie Silvestre, elle se présente plutôt comme une anti-princesse : De nos jours, pour être belle, il faut être blonde, avoir les yeux bleus, la bouche petite et la peau couleur de lys. La nature m’a faite grande, solide, mes traits n’ont aucune finesse et mon visage devient rouge brique dès que je cours ou que je ris ; et je ris et je cours souvent. Je le sais, je suis laide. Je m’en accommode. Et ce n’est pas de me priver de promenades ou de soleil qui y changera quelque chose. Mon seul vrai regret, c’est de ne pas être un garçon. 3 Dès lors, Anne-Sophie Silvestre se sent obligée de voler à son secours par une note de bas de page : 3 Anne-Sophie Silvestre, Une Princesse à Versailles, Flammarion, 2003, p. 8. Une princesse hors du commun 4 La Princesse Palatine exagère. Ses portraits montrent une jeune femme pas désagréable du tout. Seulement, en bon garçon manqué, elle ne se donnait aucune peine pour séduire ou charmer par sa féminité. 4 En entremêlant deux discours, le fictif et l’auctorial, Anne-Sophie Silvestre nous en apprend autant sur le personnage de la Palatine que sur la façon dont elle conçoit son travail romanesque, à la fois divertissement et entreprise de réhabilitation historique. En cela, elle se fait d’ailleurs l’écho de quelques jugements contemporains, comme celui de Thomas-François Chabot, marquis de Saint-Maurice, qui écrivait : « [Je] vis l’épousée de Monsieur pour la première fois. Je la trouvai jolie, l’air jeune et spirituel. On dirait qu’elle a été élevée en cette Cour ; il ne lui manque plus qu’un peu de langage. Elle n’est pas étonnée et a l’air de grandeur qu’apportent les princes du berceau » 5 . Mais la Palatine revient à nouveau sur son apparence physique disgracieuse lors de sa rencontre avec son mari, Philippe d’Orléans : […] je vis bien à la toute première impression qui passa rapidement sur son visage que je ne lui plaisais pas. Je ne puis pas dire que je n’en ai pas été attristée, mais, dans le secret de mon cœur, je m’y étais préparée. Je sais depuis des années que je suis trop grande, trop solide, trop garçonnière, que j’ai le nez de travers et que je ne suis pas jolie. Mais j’ai l’intention de faire si bien, d’entourer Monsieur de tant d’amitié qu’il s’habituera à mon apparence. 6 L’énumération des « trop » suggère à nouveau l’exagération, mais le constat est identique : « je ne suis pas jolie ». En évoquant sa vie de jeune mariée, la Palatine confesse encore : Quand l’emploi du temps de la cour me permettait d’échapper à la corvée du grand habit, je ne portais que des vêtements de chasse, pas toujours d’une grande élégance, c’est vrai, mais commodes et confortables. « ... Il était heureux que je fusse de cette humeur, car Monsieur qui aimait extrêmement la parure aurait eu mille querelles avec moi pour savoir qui porterait les diamants les plus beaux. » 7 Anne-Sophie Silvestre s’amuse visiblement à battre en brèche le cliché de la princesse tout droit sortie du conte de fées et à prendre néanmoins sa 4 Ibid. 5 Thomas-François Chabot, marquis de Saint-Maurice, Lettres sur la cour de Louis XIV, 1667-1673, éd. Jean Lemoine, Paris, Calmann-Lévy, 1910, II, « Lettre du 11 décembre 1671 », p. 205. 6 Une Princesse à Versailles, op. cit., p. 47. 7 Ibid., p. 60. Voir aussi Anne-Sophie Silvestre, Le Serment, tome 2 des Folles Aventures d’Eulalie de Potimaron, Flammarion, 2011, p. 31. Marie-Laurentine Caëtano 4 défense - quitte, peut-être, à l’idéaliser dans le rôle de l’anti-héroïne. Notons au passage l’affection prononcée de l’autrice pour son personnage, empathie qui l’a conduite à en faire l’héroïne de son roman, alors qu’il est assez rare qu’un personnage historique de haute naissance ait ce statut dans notre corpus, la prédilection allant plutôt aux héroïnes fictives. Le portrait de la Palatine proposé par Dominique Joly est bien différent en ce qu’il montre une princesse pour le moins ridicule. Lors de sa première rencontre avec Madame, Angélique de Barjac la décrit ainsi : Non loin de là, Madame, dont on apercevait seulement le visage, disparaissait derrière un fatras de tissus jetés sur elle [...] Mon étonnement fut plus grand encore quand elle commença à parler : - Au pied, les chhhiens ! - Ma ponne Amélie, approchez ! - Che zuis zûre que vous êtes accompagnée de fotre petite Anchelique. Approchez ! L’accent avait une nette consonance germanique. Il était encore très prononcé [...] Je me prosternai à ses pieds parmi les chiens échauffés et me relevai en me rapprochant de la princesse à la corpulence très imposante. Je ne me trompais pas : son embonpoint est considérable. Il lui donne des traits épais et la rend hommasse. 8 Dominique Joly est la seule à faire parler la princesse avec un fort accent, lequel frise la caricature, mais elle fournit un contrepoint positif en soulignant que celui-ci est justifié par la nostalgie qu’a le personnage pour son Palatinat natal, que « treize années à la cour de France n’avaient pu [...] effacer 9 ». Surenchère comique par rapport à Anne-Sophie Silvestre, la romancière choisit pour axe de description le caractère hommasse de la Palatine. Ainsi Angélique de Barjac rapporte-t-elle les commérages au sujet de son embonpoint 10 et évoque-t-elle sa « voix d’homme » 11 . À cela s’ajoute un accoutrement des plus bizarres : la princesse portait une tenue de chasse taillée apparemment à la va-vite : une longue veste de drap couleur marron foncé sur une jupe d’un rouge éclatant. Autour du cou, une cravate de soie prune, à laquelle elle avait donné deux tours, quitte à paraître étranglée. Mais, surtout, ce qui prêtait 8 Dominique Joly, À la cour de Louis XIV, journal d'Angélique de Barjac, 1684-1685, Gallimard jeunesse, 2008, p. 20-21. 9 Ibid., p. 20. 10 Ibid., p. 21. Cf. aussi Anne-Marie Desplat-Duc, Adélaïde et le Prince Noir, tome 10 des Colombes du Roi-Soleil, Flammarion, 2011, p. 393-394. 11 Ibid., p. 48. Une princesse hors du commun 43 le plus à rire était sur sa tête : un tricorne d’où sortait un semblant de perruque en faux cheveux filasses... Quelle allure ! 12 Ce portrait cocasse tranche avec celui des autres princesses du corpus, jeunes et belles, et tout occupées à leur toilette de premier bal 13 . Angélique de Barjac remarque : « Tout le monde souriait. Était-ce à cause [...] de son étrange accoutrement qui pouvait faire croire à un déguisement ? » 14 Le comique de situation ne peut pas non plus échapper au jeune lecteur. Aussi le bénéfice d’un tel portrait est-il évident : d’une part, en faisant rire, la Palatine humanise la cour de Versailles, souvent vue comme un univers lisse et rigide ; d’autre part, on peut supposer que ce personnage haut en couleurs frappe tant l’imagination que le lecteur n’est pas prêt de l’oublier, ce qui constitue un profit pédagogique non négligeable. Une forte personnalité Les romans du corpus sont unanimes : la Palatine est une princesse d’une intelligence et d’une gaieté hors du commun. Marie-Anne, l’héroïne d’Anne- Marie Desplat-Duc, avoue à son sujet : « Je l’aime bien. Elle est vive et joyeuse. Ses reparties, inattendues, amusent tout le monde. » 15 Angélique, sitôt qu’elle a été présentée à Madame, écrit dans son journal : Une chose est sûre : c’est que Madame et Monsieur, qu’ils s’entendent bien ou mal, sont des personnes, l’une et l’autre, bien insolites. Elles chassent l’ennui sur leur passage. Vivre à leurs côtés promet d’être diablement amusant ! Chaque jour m’apportera son lot d’anecdotes cocasses, de petites ou de grandes histoires que je me délecterai à rapporter ici dans ce cahier… 16 Une fois de plus, on mesure quel intérêt représente ce personnage pour un romancier : princesse originale évoluant dans le cadre très réglé de Versailles, la Palatine incarne manifestement l’esprit de liberté, de transgression et de drôlerie susceptible de plaire aux jeunes lecteurs. Au vrai, les romans qui se situent à la cour de Louis XIV ne manquent pas d’évoquer l’étiquette 12 À la cour de Louis XIV, op. cit., p. 27-28. 13 Cf. Anne-Marie Desplat-Duc, Premier bal à Versailles, tome 1 de Marie-Anne fille du roi, Flammarion, 2009. 14 À la cour de Louis XIV, op. cit., p. 27. 15 Anne-Marie Desplat-Duc, Une mystérieuse reine de Pologne, tome 4 de Marie-Anne fille du roi, Flammarion, 2011, p. 118-119. Même discours chez Eulalie (Le Serment, op. cit., p. 93). 16 À la cour de Louis XIV, op. cit., p. 25. Marie-Laurentine Caëtano 4 à respecter. Or la Palatine ne cesse de s’en affranchir 17 , ce qui réjouit tout particulièrement Eulalie, elle-même un brin rebelle : Le côté merveilleux du séjour à Saint-Cloud m’apparaissait dès ce premier soir : il n’y avait pas d’étiquette ! Pas de repas réglés, pas de ces programmes établis qui faisaient ressembler Versailles à la scène d’un immense ballet dont nous étions tous les figurants... Au demeurant, c’était assez logique, Madame et Mademoiselle fuyaient l’entourage du Roi précisément pour se reposer des contraintes de l’étiquette [...]. 18 À l’exemple du jeune lecteur, qui n’aspire qu’à échapper aux contraintes de son âge et à faire l’école buissonnière, la Palatine se dégage de ses devoirs dès qu’elle le peut et confesse aimer le grand air et la chasse 19 . Dans ses appartements, elle s’entoure de chiens 20 ; c’est d’ailleurs leur présence qui surprend - entre autres choses - Angélique lors de sa première rencontre avec elle 21 . En tout état de cause, le lecteur est confronté au trublion de Versailles, à la forte tête de la cour, la seule princesse qui préfère être à la chasse plutôt que dans un salon ! Dans le même temps, le portrait est contrebalancé par une image maternelle 22 , voire sentimentale, Dominique Joly reprenant à son compte la rumeur historique selon laquelle Madame était amoureuse de son beaufrère, le roi Louis XIV 23 . Du reste, c’est peut-être le seul endroit où la Palatine n’est pas à contre-emploi dans son rôle de princesse, mais n’est-il pas amusant de relever que c’est l’autrice du portrait physique le plus caricatural qui fait état de ce détail ? 17 Le Serment, op. cit., p. 11-12. 18 Ibid., p. 19. 19 Une Princesse à Versailles, op. cit., p. 54-55. 20 Le Serment, op. cit., p. 55-56. 21 À la cour de Louis XIV, op. cit., p. 20. Cf. aussi p. 27. Eulalie remarque que, d’une manière générale, la Palatine est « l’amie des bêtes », et pas seulement des chiens (Le Serment, op. cit., p. 95). 22 La Palatine est soucieuse du confort de son entourage, et tout particulièrement de celui d’Angélique de Barjac (À la cour de Louis XIV, op. cit., p. 29, 81 et 139). 23 Ibid., p. 62. « […] on pourrait dire que madame est amoureuse du roi (on en fera d’ailleurs un thème de plaisanteries, à la cour. Une lettre de Mme de Sévigné et une autre de Mme de Montespan en témoignent). », Lettres de la princesse Palatine, 1672-1722, édition établie et annotée par Olivier Amiel, Mercure de France, collection « Le Temps retrouvé », 2009, p. 16. Une princesse hors du commun 4 Une princesse tolérante et moderne Du sexe à Versailles On sait que les questions de sexualité sont particulièrement délicates à aborder dans le cadre du roman pour la jeunesse, bien qu’avec la mort, il s’agisse d’un des « deux piliers de l’initiation » 24 . Or Anne-Sophie Silvestre n’hésite pas à traiter des fameuses « mœurs italiennes » de Monsieur, c’est-àdire de son homosexualité. Il en va tout autrement chez Dominique Joly, qui passe sous silence les préférences sexuelles de Monsieur : seul un lecteur adulte quelque peu érudit peut comprendre ce que cache sa coquetterie 25 , même si l’autrice signale qu’il « fait jaser toute la cour » 26 . Anne-Sophie Silvestre préfère expliquer les choses clairement et simplement, par la voix de la duchesse de Hanovre, tante de la Palatine. C’est cette dernière qui informe la jeune fille sur les mœurs de son futur époux 27 . Par un discours sensible, elle apaise son inquiétude et lui permet d’appréhender la réalité de ce que sera son couple 28 . Ayant suivi les conseils de sa tante, la Palatine peut témoigner de l’harmonie qui règne entre elle et son époux : « mœurs italiennes ou pas, nous vivions en bons bourgeois, comme mari et femme » 29 , quand bien même sa bonne volonté ne suffit pas et que l’entente est de courte durée 30 , comme le rappelle Anne-Sophie Silvestre dans l’épilogue. Il convient de signaler que cette prise de position tolérante sur l’homosexualité, laquelle relaie les luttes contemporaines contre l’homophobie, a valu à son autrice un article élogieux sur le site altersexualité.com 31 - qui salue le traitement novateur d’un tel sujet dans la littérature pour la jeunesse, loin des censures habituelles - ainsi qu’un prix 32 . La duchesse de Hanovre présente aussi à sa nièce la situation du roi et de ses favorites. Si la Palatine est tout d’abord choquée et parle de « scandale », elle nuance rapidement son jugement 33 : 24 Marie-Hélène Routisseau, Des romans pour la jeunesse ? Décryptage, Belin, 2008, p. 149 et suiv. 25 Cf. À la cour de Louis XIV, op. cit., p. 22. 26 Ibid., p. 23. 27 Une Princesse à Versailles, op. cit., p. 28. 28 Cf. ibid., p. 28-29. 29 Ibid., p. 60. 30 Ibid., p. 108. 31 http: / / www.altersexualite.com/ spip.php? article135. 32 http: / / www.altersexualite.com/ spip.php? article136. 33 Une Princesse à Versailles, op. cit., p. 36. Marie-Laurentine Caëtano 44 J’estime que les rois et les princes doivent mener une existence digne et ont le devoir de donner le bon exemple à leur peuple. Mais je voyais que ce n’était pas souvent le cas. À commencer par mon père, le Prince-Électeur Palatin. Il avait une épouse - ma mère - qui habitait à Cassel. Et lui, à Heidelberg, vivait sans se cacher le moins du monde avec sa maîtresse, Louise, qui mettait au monde avec une admirable régularité un enfant chaque année. J’avais treize demi-frères et sœurs. [...] Je n’approuve pas cette situation, mais qu’y puis-je ? Est-ce que je fais mauvais visage à mon père, à Louise et à mes demi-frères et sœurs ? La situation est à peu près la même. 34 Ce type de réflexion pourrait encore faire écho à une réalité sociale contemporaine, à savoir celle des familles recomposées. Ainsi, comme c’est généralement le cas dans les romans pour la jeunesse, les auteurs procèdent à une « récupération » du personnage historique afin que les lecteurs puissent aisément s’identifier à lui. Paris vaut-il une messe ? La nationalité étrangère de la Palatine ne se prête pas seulement à un traitement cocasse. Les romancières y voient également l’occasion de développer des réflexions plus graves sur les croyances religieuses puisqu’en Allemagne, son pays d’origine, le personnage a été élevé dans la foi protestante. Les fictions dans lesquelles elle figure abordent donc naturellement la question du heurt religieux entre catholiques et protestants et, en particulier, la révocation de l’édit de Nantes. Dans Une Princesse à Versailles et dans le Journal d’Angélique de Barjac, où les dragonnades font rage, la Palatine adopte une posture de tolérance religieuse qu’on peut sans peine qualifier d’anachronique, tant elle ressemble plutôt à celle d’un esprit éclairé du XVIII e siècle 35 . Alors que sa tante la prévient qu’elle devra se convertir pour épouser Monsieur, Liselotte répond vivement : « - Oh, cela, ma tante, n’est pas une difficulté ! » 36 Ce n’est pas qu’elle prenne cette conversion à la légère, mais elle explique : J’ai dû me plier dès l’enfance aux différentes pratiques du protestantisme. Rite de Calvin chez mon père, rite de Luther chez ma tante. Calvinistes et luthériens prétendant chacun avec la même rigidité - pour cela, ils se ressemblent tout à fait - détenir le monopole de la vérité. Il y a déjà 34 Ibid., p. 36-37. 35 Cela dit, certaines de ses lettres laissent à penser que la Palatine avait une position éclairée en matière de religion. Voir, par exemple la lettre du 16 novembre 1704. 36 Une Princesse à Versailles, op. cit., p. 31. Une princesse hors du commun 44 quelques années que je me suis fait en secret une petite religion pour moi toute seule. Je pense qu’il est bien égal à Dieu qu’on le prie en latin ou en français du moment qu’on l’honore sincèrement dans son cœur et qu’on pratique la vertu. Mais il ne sert à rien non plus de choquer les gens. Le plus simple me paraît de suivre le rite pratiqué là où on habite. S’il faut être catholique à Paris, je serai catholique. De plus, il paraît qu’à la messe du roi la musique est admirable. 37 Lors de son départ pour la France, la Palatine raconte « la comédie de [sa] conversion » 38 , tout en rappelant que « cela ne [la] gênait pas beaucoup » 39 . Selon elle la religion appartient explicitement au domaine du privé, ce qui n’est pas non plus sans rappeler les débats sur la laïcité qui agitent depuis plusieurs années la société contemporaine française. Tout se passe comme si, en tant qu’étrangère, elle était un exemple idéal « d’intégration » avant la lettre. À la cour de Louis XIV développe le sujet sur fond de contexte religieux dramatique. Angélique est en effet issue d’une famille protestante qui s’est convertie sous la contrainte, d’où sa quête identitaire. Demoiselle d’honneur de la Palatine, elle a la chance d’être initiée par elle à la faveur de la découverte d’une Bible, un jour, sous un meuble. Le récit de la conversion de Madame diffère radicalement de celui que propose Anne-Sophie Silvestre : Oh ! za n’a pas été facile... ze qui était noir la feille était devenu planc... Il me fut défendu de ziter Luther et Calvin, les grands penseurs du protestantisme, reconnaître le pape et croire tout ce que dizaient les prêtres, zuivre la messe en latin... 40 Sans entrer dans les détails, Dominique Joly sous-entend que les différences entre le protestantisme et le catholicisme sont plus importantes qu’une simple question de rite et l’on peut se demander si elle n’a pas souhaité faire un parallèle entre les conversions forcées au temps des dragonnades et la conversion de la Palatine. Quand le personnage avoue : « Ch’ai gardé mon petit relichion à moi, Anchélique » 41 , on pense à la phrase d’Anne-Sophie Silvestre : « il y a déjà quelques années que je me suis fait en secret une petite religion pour moi toute seule » 42 . C’est pourquoi il est naturel que la Palatine conseille à Angélique : 37 Ibid., p. 31-32. 38 Ibid., p. 43. 39 Ibid. 40 À la cour de Louis XIV, op. cit., p. 94. 41 Ibid. 42 Une Princesse à Versailles, op. cit., p. 32. Marie-Laurentine Caëtano 44 Priez notre Dieu. Priez-le autant que vous pouvez. Après tout, n’est-il pas le même que l’on soit protestant ou catholique ? C’est l’aveuglement, l’intolérance qui cherchent à en faire deux différents ! 43 Les deux autrices se rejoignent dans l’idée que la religion ne doit être source ni d’intolérance ni de violence, mais, dans le roman d’Anne-Sophie Silvestre, la Palatine semble se convertir facilement au nom de la raison d’État, tandis que dans le roman de Dominique Joly, elle apparaît comme une victime écartelée entre son devoir et ses convictions intimes 44 . Autre différence : dans le roman de Dominique Joly, la princesse Palatine reste protestante 45 - en privé toutefois - puisqu’elle transmet la religion de ses parents à Angélique, lui explique la signification de la rose de Luther 46 , lui apprend une prière - en fait, quatre versets de Psaumes - et répond à toutes les questions que la jeune fille se pose sur le protestantisme 47 . La Palatine qui, dans le roman d’Anne-Sophie Silvestre, est catéchisée pour devenir catholique 48 , devient ici catéchiste d’une jeune protestante élevée dans la foi catholique 49 . Les deux romans s’accordent néanmoins sur deux points : la Palatine est tolérante et se recrée sa religion personnelle, tout en pratiquant en public la religion catholique. Cette laïcité affichée est sans nul doute bénéfique pour le jeune lecteur dans la mesure où elle l’initie à l’ouverture d’esprit ainsi qu’au respect des cultures religieuses, mais elle l’est beaucoup moins si l’on considère qu’elle ne donne pas à penser ce qu’étaient les conflits religieux au XVII e siècle 50 . La Palatine : une femme de lettres Du décor à l’intrigue Dans l’histoire, la Palatine est renommée pour les nombreuses lettres qu’elle a écrites à ses proches, et qui fourmillent d’anecdotes sur la cour et ses illustres habitants. Il se trouve que cette correspondance est au cœur de l’écriture romanesque, d’abord comme motif : Dominique Joly choisit d’évoquer l’activité favorite de la Palatine et la décrit « la plume à la 43 À la cour de Louis XIV, op. cit., p. 118. 44 Ibid., p. 117-118. 45 Ibid., p. 94. 46 Cf. ibid., p. 119. 47 Cf. ibid., p. 126-127. 48 Cf. Une Princesse à Versailles, op. cit., p. 44. 49 À la cour de Louis XIV, op. cit., p. 127. 50 Nous renvoyons à l’article d’Yves Krumenacker dans le présent volume. Une princesse hors du commun 44 main » 51 avec « une écritoire jonchée de feuilles de papier » 52 . La romancière aime à camper Madame dans cette position d’épistolière 53 , mais c’est Anne- Sophie Silvestre qui explique très clairement que la Palatine écrivait assidûment. Lorsque la jeune princesse quitte sa tante, celle-ci lui dit, pour la consoler, qu’il leur restera le commerce épistolaire : - Nous nous écrirons..., dit-elle encore. - Ça, oui, ma tante, dis-je en essuyant mes larmes. Ça, je vous le promets, je vous écrirai. 54 Plus loin, la Palatine assure qu’elle tient sa promesse, et écrit à sa tante « chaque fois qu’[elle a] un instant à [elle] » 55 . Ou encore : J’écrivis : « Ma très chère tante, le roi est grand et d’un brun clair. Il a l’air mâle et extraordinairement bonne mine... » 56 Une note explique au jeune lecteur : Madame Palatine, fidèle à sa promesse, écrivit très régulièrement à sa tante. Une grande partie de sa correspondance a été conservée. Toutes les lettres citées dans cet ouvrage sont écrites par la Palatine elle-même. 57 Au vrai, le roman est émaillé de citations directement tirées de la correspondance de Madame, ce que souligne l’usage de l’italique. Grâce à elles, et de manière assez touchante, le lecteur pénètre dans l’intimité de la Princesse. Pourtant, lors de la naissance de son fils, Anne-Sophie Silvestre cite une lettre avant de la contredire par un commentaire du personnage : « Saint-Cloud, le 5 août 1673. Ma chère tante, ... Enfin ce drôle est sorti. Mon petit est si énormément gros et fort, qu’avec votre permission, il ressemble plutôt à un Allemand qu’à un Français, comme vous pourrez en juger par son portrait... Tout le monde ici dit qu’il me ressemble ; vous pouvez bien penser dès lors que ce n’est pas précisément un très beau garçon... » Bien entendu, je ne pensais pas un mot de ce que j’avais écrit dans cette lettre. Tout le monde aura compris qu’il ne s’agissait que de fausse 51 À la cour de Louis XIV, op. cit., p. 20. 52 Ibid. 53 Ibid., p. 48. 54 Une Princesse à Versailles, op. cit., p. 40. 55 Ibid., p. 49. 56 Ibid., p. 53. 57 Ibid. Marie-Laurentine Caëtano 4 modestie. Mon petit duc de Valois est le plus bel enfant du monde, et jamais, jamais, personne n’a rien vu d’aussi parfait ! 58 Cet exemple contraste avec les autres citations qui sont en principe justifiées et étayées par le récit fictif de la Palatine. Dès lors se pose la question du genre : avons-nous encore affaire à un roman, d’autant que le final laisse le lecteur sur sa faim ? Le récit s’achève en effet à la naissance du premier fils de Monsieur et Madame, sans qu’il y ait véritablement de dénouement. Un épilogue écrit à la troisième personne vient alors le compléter et le clore. Ce dispositif narratif témoigne, une fois de plus, du caractère singulier d’Une Princesse à Versailles, entre autobiographie romancée, réécriture historique et plaidoyer pour la tolérance. Dans le second tome des Folles Aventures d’Eulalie de Potimaron, les lettres de la Palatine sont librement détournées au profit de l’intrigue romanesque. Pour que le Dauphin puisse rencontrer Marie-Louise, dont il est épris, Eulalie a une idée qu’elle lui soumet : Un grand bonheur de Madame, c’est d’échanger des lettres avec sa famille en Allemagne, et particulièrement avec sa tante, la duchesse de Hanovre, pour qui elle a la plus grande amitié... [...] Quand Madame reçoit une lettre de Mme de Hanovre, elle s’installe aussitôt à son bureau pour lui donner réponse et rien ne peut plus la détourner de son encrier ni de sa plume. Si Monseigneur rendait visite à l’improviste pendant que Madame a une lettre en route, malgré tout le plaisir qu’elle éprouve dans la compagnie de Monseigneur, je crois qu’elle ne s’interromprait pas pour autant, et Mademoiselle n’aurait qu’à se proposer pour faire la maîtresse de maison à sa place. 59 Lorsque le Dauphin se présente un après-midi, « Madame sortit précipitamment sur son perron ; pour un peu, elle aurait eu sa plume à la main » 60 . Au salon : Madame, de toute évidence, avait l’esprit ailleurs. Elle était heureuse de la présence de Louis, mais on l’avait arrêtée dans ses écritures. On avait coupé son inspiration. Sa plume l’appelait, c’était facile à deviner. 61 Le Dauphin présente ses excuses pour le dérangement, mais la Palatine répond : Louis, y songez-vous, comment pourriez-vous jamais me déranger ? J’ai une lettre à terminer, mais quelle importance ? elle attendra. 58 Ibid., p. 101. 59 Le Serment, op. cit., p. 53. 60 Ibid., p. 94. 61 Ibid., p. 100. Une princesse hors du commun 4 - Madame, intervint Marie-Louise, le courrier part ce soir et je sais à quel point vous regretteriez de le manquer. Allez finir votre lettre, je vais faire de mon mieux pour vous remplacer. [...] - Si vous ne retournez pas à votre lettre, ma tante, je serai obligé de partir, dit Louis, et j’en serai triste car on est bien chez vous. 62 Convaincue, « Madame se retira dans son cabinet pour achever son courrier ; à mon avis, elle y exposait à son amie la duchesse de Hanovre, sans mâcher ses mots, ce qu’elle pensait de la naissance d’une nouvelle bâtarde légitimée à Versailles » 63 . Au passage, on aura remarqué que le contenu supposé de la lettre se veut une confirmation du caractère piquant et acerbe du personnage. Quoi qu’il en soit, grâce à la correspondance de la Palatine, le Dauphin et Marie-Louise peuvent trouver la solitude propice à l’échange amoureux. Anne-Sophie Silvestre entremêle donc habilement vérité historique et fiction. De la lettre au roman Les lettres de la Palatine sont également profitables dans la mesure où elles fournissent de nombreuses anecdotes aux romans qui se situent à la cour de Versailles. Anne-Sophie Silvestre utilise à plusieurs reprises, dans deux textes, la lettre du 14 décembre 1676. Adressée à la duchesse de Hanovre, celle-ci est riche en événements : la Palatine y raconte sa chute de cheval, confie que, désormais, elle est « à la mode » parce qu’elle est invitée au médianoche de Madame de Montespan, et encore que sa vieille zibeline fait fureur. La romancière reprend ces trois éléments dans Une Princesse à Versailles, mais dans un ordre différent 64 et, surtout, les situe au cours des années 1672- 1673. Pour les besoins de la narration, elle anticipe les événements, mais ce qui est intéressant, c’est qu’elle utilise à nouveau la chute de cheval de la Palatine dans Les folles Aventures d’Eulalie de Potimaron, lesquelles se déroulent en 1677. Cette fois, toujours pour les besoins de la fiction, les événements historiques sont retardés. De longues citations de la lettre sont données, preuve qu’elle a frappé l’imagination d’Anne-Sophie Silvestre qui a su y voir tout le potentiel romanesque à en tirer : comique de situation pour la chute de cheval, digression historique pour le médianoche de la Montespan et réflexion sur la versatilité de la cour pour la zibeline. 62 Ibid. 63 Ibid., p. 101-102. 64 Une Princesse à Versailles, op. cit., p. 71-81. Marie-Laurentine Caëtano 4 Dans Les folles Aventures d’Eulalie de Potimaron, immobilisée à cause de sa chute, Madame ne peut suivre la cour et reste en compagnie de Marie- Louise. Le Dauphin peut ainsi leur rendre visite et c’est l’occasion pour Anne-Sophie Silvestre de faire relater à la Palatine sa mésaventure 65 . À la fin du tome 1, la Palatine annonce au Dauphin son départ pour Saint-Cloud, lequel lui promet encore des visites 66 . Le tome 2 reprend là où les choses en étaient restées et les allusions à la convalescence de Madame ne manquent pas. La continuité narrative entre les deux tomes aura donc été assurée grâce à la chute de cheval. Un autre cas de réécriture est à signaler dans Les Colombes du Roi-Soleil. Dans une de ses lettres, la Palatine raconte qu’une maîtresse de Saint-Cyr que Madame ne nomme pas - a été empoisonnée 67 . C’est le point de départ qu’a choisi Anne-Marie Desplat-Duc pour créer le personnage de Gertrude, la jeune empoisonneuse. La romancière exploite trois fois l’événement dans deux romans : dans le tome 5 des Colombes du Roi-Soleil, nous apprenons qu’une des jeunes filles empoisonne sa maîtresse. De là une première version, celle d’Isabeau 68 , camarade de Gertrude injustement accusée du forfait. Le tome 8 est un roman à deux voix, celles de deux amies : Gertrude 69 et Anne 70 , qui donnent deux autres points de vue sur l’épisode. Le travail de la romancière apparaît assez nettement : là où la Palatine ne parlait que très peu des motivations de la demoiselle (« l’une des bleues se brouilla avec sa maîtresse et résolut de l’empoisonner » 71 ), Anne-Marie Desplat-Duc développe les raisons de la brouille - l’amitié -, mais aussi ce qui arrive après le châtiment de la coupable : c’est l’objet du tome 5 pour Isabeau, et du tome 8 pour Gertrude et Anne. Anne-Marie Desplat-Duc a repris toutes les informations de la lettre, à l’exception des larmes de Madame de Maintenon, même si elle conserve l’idée de la honte. À l’inverse, elle ne reprend pas la punition collective pour la classe bleue car, en réalité, seule Isabeau avait démasqué la coupable. Si dans la version d’Isabeau, Gertrude est envoyée au Refuge, comme le dit la Palatine, dans le tome 8, il s’agit des Madelonettes. Comme Anne-Sophie Silvestre, Anne-Marie Desplat-Duc joue avec les dates. L’action se situe en 65 À nous deux Versailles, op. cit., p. 102-103. 66 Ibid., p. 149. 67 Lettres de la princesse Palatine, 1672-1722, op. cit., p. 222-223. 68 Anne-Marie Desplat-Duc, Le Rêve d’Isabeau, tome 5 des Colombes du Roi-Soleil, Flammarion, 2007, p. 148 ; 157-158 et 160-162. 69 Anne-Marie Desplat-Duc, Gertrude et le Nouveau Monde, tome 8 des Colombes du Roi-Soleil, Flammarion, 2007, p. 67-72. 70 Ibid., p. 75-76. 71 Lettres de la princesse Palatine, 1672-1722, op. cit., p. 222. Une princesse hors du commun 4 1691 alors que la lettre est datée de 1698, mais comme la série débute avec la tragédie d’Esther en 1689, Anne-Marie Desplat-Duc a été contrainte par la chronologie. Simple élément de mise en scène dans Le Journal d’Angélique de Barjac, élément biographique de premier ordre dans Une Princesse à Versailles, ou encore élément dramatique dans Les folles Aventures d’Eulalie de Potimaron : la correspondance de la Palatine est assurément présente à l’esprit de certaines autrices, marque indéniable de leur goût pour la littérature du XVII e siècle, mais aussi de leur culture et de leur méthode de travail érudite. Il est toutefois curieux que leur prédilection ne soit pas allée à Madame de Sévigné, l’autre grande femme de lettres célèbre pour sa correspondance. Celle-ci ne fait que de rares apparitions dans les fictions qui nous intéressent 72 , ce qui nous ramène à la question initiale : pourquoi la Palatine ? Sans doute parce qu’elle est méconnue du grand public, ce qui permet une exploration plus libre de sa vie, et qu’elle est une étrangère à Versailles, porteuse d’un regard excentrique, et parfois comique, sur la société dans laquelle elle évolue. Pour toutes ces raisons, la Palatine n’est pas un personnage conçu pour faire rêver le jeune lecteur, mais plutôt pour qu’il s’y attache. Anne-Sophie Silvestre confie d’ailleurs : Madame Palatine est quelqu’un de très sympathique, ce n’est pas moi qui l’imagine comme cela, ses écrits le révèlent à chaque ligne, alors forcément c’est un personnage qui suscite plutôt l’affection. 73 Belle invitation à l’adresse des jeunes lecteurs, en dernier ressort, à retourner aux sources elles-mêmes et à aller lire la correspondance de la Palatine, si féconde en événements romanesques. 72 Une Princesse à Versailles, op. cit., p. 49. 73 Interview d’Anne-Sophie Silvestre, propos recueillis par Lionel Labosse, pour altersexualite.com : http: / / www.altersexualite.com/ spip.php? article136.