eJournals Papers on French Seventeenth Century Literature 39/77

Papers on French Seventeenth Century Literature
0343-0758
2941-086X
Narr Verlag Tübingen
2012
3977

D’or et de dentelles: les représentations du XVIIe siècle sur les couvertures de romans

2012
Jocelyn Royé
PFSCL XXXIX, 77 (2012) D’or et de dentelles : les représentations du XVII e siècle sur les couvertures de romans J OCELYN R OYÉ (U NIVERSITÉ DE V ERSAILLES -S AINT -Q UENTIN ) Est-il nécessaire, en guise d’introduction, de rappeler les deux fonctions essentielles d’une couverture de livre ? Premier lien qui se crée avec un ouvrage, son rôle est, la plupart du temps, primordial et essentiel pour amener le lecteur potentiel à choisir le livre et à en commencer la lecture. Ainsi, la couverture possède, d’une part, une fonction évidemment et immédiatement informative sur le récit à découvrir mais elle doit aussi inciter, séduire le lecteur, suggérant en préambule le plaisir et l’intérêt qu’il trouvera dans la lecture du texte. À partir d’un corpus d’une soixantaine de livres de jeunesse 1 , il est possible de dessiner une image ou plutôt des images assez précises du XVII e siècle tel qu’il apparaît représenté ou suggéré sur les couvertures. Il ne s’agit donc pas de traiter, ici, des informations éditoriales attendues et qui peuvent évidemment être déterminantes dans le choix du lecteur - notamment le nom de l’auteur, de l’illustrateur ou de la collection - mais de s’attarder davantage sur le titre et l’illustration proposés en première de couverture des romans ainsi que sur ce qui figure sur certaines quatrièmes de couverture. Paradoxalement, les différents ouvrages consultés montrent que cette représentation du Grand Siècle apparaît aussi homogène que diverse, aussi attendue que surprenante. Les dimensions historiques, sociales, culturelles et esthétiques mises en avant se conjuguent et parfois se confondent avec une information plus spécifiquement narrative. Il convient ainsi dans un premier temps d’émanciper ces différents aspects, notamment en séparant le titre de l’illustration qui lui est associé, afin de mieux souligner leur complémentarité, ce qui permettra ensuite de dégager les principaux éléments de cette représentation du XVII e siècle. 1 Je dois l’essentiel de ce corpus à Edwige Keller-Rahbé, qu’elle en soit ici une nouvelle fois remerciée. Jocelyn Royé 3 Les titres sont éloquents : le XVII e siècle est avant tout le siècle de Louis XIV. Près d’une trentaine de romans fait explicitement référence à la figure royale et à son époque. Cependant, le monarque est majoritairement désigné par la métaphore du Roi-Soleil ou par son seul titre de roi. On trouve également sa présence en filigrane de nombreux titres qui mentionnent le lieu de pouvoir qu’il s’est créé, Versailles. Ainsi, les récits tendent à privilégier la seconde moitié du siècle, celle de l’apogée politique de la monarchie absolue, dans la caractérisation la plus esthétique et la plus symbolique de ce pouvoir. Évidemment, cet aspect récurrent des titres est accentué dans le cas de séries telles que Marie-Anne, fille du roi ou Les Colombes du Roi- Soleil d’Anne-Marie Desplat-Duc 2 . On peut cependant citer, en guise d’exemples, d’autres romans comme Course contre le Roi-Soleil d’Anne- Sophie Silvestre ou encore L’Espionne du Roi-Soleil d’Annie Pietri. Dans le même champ sémantique, le roi est également associé à la cour qui gravite autour de lui : c’est le cas pour À la cour de Louis XIV, Journal d’Angélique de Barjac de Dominique Joly, À la cour du Roi-Soleil d’Annie Jay, Jeux de surprises à la cour du Roi-Soleil d’Arthur Ténor. Pourtant, il peut paraître surprenant que finalement peu de romans insistent sur les différents titres de noblesse qui composent le monde des courtisans et des courtisanes, alors que celui-ci est le sujet d’un assez grand nombre de récits et qu’il est propre à peupler l’imaginaire ainsi qu’à éveiller l’intérêt du jeune lecteur ou de la jeune lectrice. L’espace versaillais 3 permet donc d’associer la dimension historique à une représentation hautement symbolique de l’époque qui, de surcroît, est facilement identifiable aux yeux du lecteur. Deux titres d’Annie Pietri indiquent des lieux plus précis mais tout aussi emblématiques de Versailles : Les Orangers de Versailles et L’Allée de Lumière. Ainsi, on peut constater que, pour la moitié des œuvres du corpus, cette dimension historique se focalise principalement et explicitement sur le microcosme versaillais. L’étude des titres indique également que, sur le plan romanesque, le monde de la cour est associé à deux univers différents. Il est occasionnellement présenté comme un espace de plaisir et de divertissement, notamment par la référence au bal, mais il se pose surtout comme le lieu du secret, du mystère, de l’intrigue où la vengeance et le piège règnent en maîtres. Récit historique et roman d’aventure peuvent alors idéalement se conjuguer dans des ouvrages tels que Guerre secrète à Versailles, Les Énigmes de Versailles 2 Les références complètes des ouvrages cités figurent dans la bibliographie donnée en annexe. 3 Complot à Versailles et Adélaïde princesse espiègle. Une Petite fiancée à Versailles d’Annie Jay, ou bien Premier bal à Versailles d’Anne-Marie Desplat-Duc ou encore Une robe pour Versailles de Jeanne Albrent. Les représentations du XVII e siècle sur les couvertures de romans 3 d’Arthur Ténor, Un traître à Versailles dans la série des Marie-Anne, fille du roi ou bien Le secret de Louise dans celle des Colombes du Roi-Soleil ; ces titres viennent ainsi s’ajouter à ceux évoqués précédemment. Un certain nombre de titres propose également cette thématique du mystère et du danger sans toutefois plonger le lecteur dans l’univers de la cour. On peut citer À la poursuite d’Olympe et La Vengeance de Marie d’Annie Jay, Parfum de meurtre d’Annie Pietri ou Mesdemoiselles de la Vengeance de Florence Thinard. Le XVII e siècle apparaît bien comme une période propice à la narration de récits d’aventures et de suspense. Ce thème narratif est d’autant plus affirmé que certains titres évoquent des personnages doués de pouvoirs magiques. Le Grand Siècle se pose ainsi comme une époque favorable aux apparitions surnaturelles et aux sciences occultes : Carla aux mains d’or d’Annie Pietri, Éléonore et l’alchimiste ou Sorcière blanche d’Anne-Marie Desplat-Duc, Journal d’une sorcière de Celia Rees, La Fille au pinceau d’or de Marie Bertherat mêlent clairement la dimension fantastique à leur intrigue romanesque. Dans le même esprit, un certain nombre de titres engage le lecteur vers le thème du voyage, plaçant le roman à la charnière du récit d’aventures et de l’intrigue policière. Ainsi, une série, Le Secret des cartographes de Sophie Marvaud, se consacre exclusivement à ce motif romanesque. D’autres encore évoquent plus simplement l’idée de la découverte et de l’exploration de contrées lointaines : Gertrude et le nouveau monde, En route vers le nouveau monde ou encore Le Soleil d’Orient. Enfin, un ensemble de titres fait davantage référence à la vie culturelle du siècle, le théâtre bien sûr et dans une moindre mesure l’écriture épistolaire et la peinture. Pour ce qui est du théâtre, c’est évidemment Molière qui est l’objet de toutes les attentions avec des titres suggérant des récits à dominante biographique comme La Jeunesse de Molière de Pierre Lepère, Du Petit Poquelin au grand Molière de Kerbraz, Molière, gentilhomme imaginaire de Michel Laporte ou encore le célèbre Louison et Monsieur Molière de Marie- Christine Helgerson, titre qui fait référence au Malade imaginaire. Sur un autre plan d’étude, la graphie même des titres figurant sur les couvertures est très évocatrice. Ces derniers s’inscrivent explicitement dans la représentation d’un passé placé sous le signe de l’authenticité et celui du réalisme en imitant une écriture manuscrite, tracée à la plume, ou bien des caractères d’imprimerie rappelant les éditions anciennes. L’Enfance du Soleil est particulièrement remarquable par l’association du titre avec la figuration stylisée d’un soleil en arrière-plan. Cette volonté de réalisme prend une dimension supplémentaire quand, comme c’est le cas avec le roman de Pamela Oldfield, L’Année de la grande peste, paru en 2005, le sous-titre indique qu’il s’agit d’un journal intime. Jocelyn Royé 3 La plupart des titres donnent une image immédiate mais assez redondante et finalement uniforme du XVII e siècle. C’est le siècle de Louis XIV, de l’aristocratie, des sorcières, des grands voyageurs et de Molière. Cependant, le siècle semble inspirer une plus grande richesse sur un plan spécifiquement littéraire. Les titres montrent en effet que le corpus est très varié sur le plan générique, puisque l’on reconnaît des romans sentimentaux, des romans policiers, des romans d’aventure, des romans documentaires ou biographiques ; en outre, il s’avère que ces genres peuvent se mêler dans un même récit. Il convient à présent d’observer si les illustrations, surtout celles des premières de couverture, dans leur relation particulière avec le titre, confirment ou, au contraire, modifient quelque peu cette image. Comme nous avons pu le constater avec les titres, et d’une façon analogue, la représentation de Louis XIV, de Versailles et de l’aristocratie apparaît comme l’illustration de couverture la plus commune. L’image de la noblesse, et plus précisément celle de la cour de Louis XIV, apparaît majoritairement en couverture (pour quarante-cinq romans sur soixante), de façon assez répétitive là encore, puisque reviennent en général les signes les plus visibles et les plus attendus de l’ambiance aristocratique : le costume, la coiffure, l’accessoire ou bien encore le décor, notamment celui du château de Versailles. L’habillement est un élément pictural des plus utilisés pour permettre l’identification rapide de l’espace social où évoluent les personnages du roman. Placés en général au premier plan, les costumes en sont les éléments les plus repérables. Il en est ainsi avec les robes de courtisanes dans Charlotte, la rebelle ou Complot à Versailles. La robe devient même l’objet principal de l’intrigue dans Une robe pour Versailles. Rubans, dentelles, et larges décolletés sont généralement dessinés avec une extrême précision. Les coiffures étudiées des héroïnes ou les chapeaux portés par les personnages masculins sont des atouts importants pour parfaire le portrait proposé. Des objets ou des accessoires, aujourd’hui rares, permettent de compléter l’image volontairement désuète donnée par les personnages. Ainsi, certains illustrateurs ajoutent des colliers anciens, des éventails ou un chandelier. L’éclairage à la bougie permet de jouer graphiquement sur le rapport entre ombre et lumière, tout en désignant la nuit comme un élément important du récit. Si l’arrière-plan de certaines couvertures, parfois suggéré par un simple rideau, ne plante pas de décor précis, d’autres couvertures multiplient ostensiblement les signes d’identification à la cour de Louis XIV en se référant toujours à l’emblématique Versailles. Celle d’À la cour du Roi-Soleil représente, au premier plan, une haie près d’une sorte de piédestal de statue puis le grand bassin, et enfin le château. Jeux de surprises à la cour du Roi-Soleil Les représentations du XVII e siècle sur les couvertures de romans 3 montre les personnages dialoguant dans la cour du château telle qu’on peut la voir encore aujourd’hui. Deux couvertures différentes de Course contre le Roi-Soleil proposent finalement la même perspective au regard du lecteur, celle d’un jeune cavalier avec, au loin, la silhouette du château. Enfin, d’une façon moins figurative, L’Allée de Lumière semble représenter la galerie des glaces. Les illustrations peuvent également multiplier les références à l’aristocratie en les disposant séparément comme pour un collage. Une collection - « Mon Histoire » (Gallimard Jeunesse) - en fait son modèle éditorial, proposant un véritable parcours de lecture de sa couverture. Ainsi, par exemple, À la cour du Roi-Soleil met en avant un titre dont la typographie rappelle des caractères d’imprimerie anciens auquel est associé un médaillon au portrait féminin évocateur mais aussi la gravure d’un labyrinthe paysager intitulé « Plan du LABIRINTHE de Versailles ». L’ensemble de la couverture suggère, par ses couleurs et par sa forme, une édition ancienne. Il a déjà été observé, dans les titres, que le monde de Versailles est à la fois celui du jeu, du plaisir et celui de l’intrigue, de la jalousie et du mystère : image instantanée d’un moment particulier où ces tensions sont figurées pour un personnage ou pour un groupe. Ainsi, l’illustration de Guerre secrète à Versailles présente une véritable scène de la vie courtisane. Un serviteur, venu porter un rafraîchissement à une femme de la noblesse qui joue aux cartes, semble faire l’objet d’un tour de la part d’un personnage placé derrière lui. L’illustration est détaillée avec des cartes de jeux éparpillées ou montrées ostensiblement à une tierce personne, l’évidence de la tricherie, la mise d’une somme importante d’argent sur la table et l’attitude très expressive des personnages. L’image propose ainsi un important contenu narratif. On ne peut s’empêcher d’y voir également une allusion quelque peu parodique au célèbre Tricheur à l’as de carreau (1645) de Georges de La Tour. Les couvertures proposent ainsi une représentation de la vie de cour qui se veut réaliste mais qui répond à une imagerie traditionnelle et consensuelle. Si le monde de la noblesse fait l’objet d’une attention particulière, soulignant la relation de complémentarité et parfois de redondance entre les titres et les illustrations, il en est de même pour les couvertures de romans prenant pour sujet le monde culturel du XVII e siècle. Ainsi la plume se pose comme l’objet de référence pour l’écriture épistolaire 4 , tandis que des pinceaux et des toiles figurent évidemment l’univers de la peinture 5 . Mais celui-ci s’illustre aussi explicitement par des références précises à un peintre 4 Voir La Jeune fille à la plume et Pour le cœur du Roi. 5 La Fille au pinceau d’or et La Fiancée à la robe verte. Jocelyn Royé 3 8 de l’époque classique, Velázquez, qui figure sur deux des couvertures consultées. D’abord par l’illustration de L’Infante de Vélasquez qui représente une étonnante variation des Ménines (1656) et ensuite par une autre couverture qui reproduit cette fois, à l’identique, le portrait de Juan de Pareja (1656) peint par le peintre espagnol lui-même 6 . Seules les indications fournies dans la quatrième de couverture permettent de comprendre que le héros du roman était le serviteur du peintre. Cependant, c’est bien sûr le monde du théâtre, et donc celui de Molière, qui fait l’objet de toutes les attentions. Que ce soit par des portraits inventés, comme celui qui figure dans Molière, gentilhomme imaginaire de Michel Laporte, ou inspirés de ceux de son époque 7 , par l’image du comédien saluant le public sur scène mais aussi jouant Arlequin ou Le Malade imaginaire, la représentation du personnage occupe une place dominante et centrale 8 . Plus étonnante est la couverture de Molière de Sylvie Dodeller où le personnage prend l’allure discrète d’un clown. Au contraire, d’autres couvertures présentent le monde du théâtre d’une façon moins didactique, c’est le cas pour le roman Illyria de Celia Rees qui représente en gros plan le visage et le haut du corps d’un personnage féminin richement vêtu et portant un masque de théâtre. Celle de Mademoiselle Scaramouche de Jean-Michel Payet semble tout aussi énigmatique car un visage féminin est représenté à l’envers, chevelure rousse et flamboyante, dressant une épée devant lui. Pour ces deux romans, seul le résumé proposé en quatrième de couverture permet de lever la signification assez mystérieuse de l’illustration. Pour Illyria : « Le public prenant son temps pour s’installer. Un remous parcourut les galeries supérieures. On se retourna pour dévisager deux jeunes gens somptueusement vêtus à la mode italienne qui, arrivés en retard, se frayaient un passage jusqu’à leurs sièges… Londres, avril 1601, le dramaturge W. Shakespeare etc. » Et pour Mademoiselle Scaramouche : « À la mort de son père en duel, le monde de Zinia s’effondre : elle serait une enfant adoptée, la fille d’un chevalier condamné pour régicide ! Elle décide de mener l’enquête, soutenue par une troupe de théâtre dans laquelle elle s’enrôle. » Les illustrations des romans d’aventures trouvent dans le XVII e siècle une période riche en images suggestives. Le thème de la vengeance ou du meurtre s’affiche ouvertement avec des personnages portant masque et armes 9 . Les jeunes hommes sont rarement présents alors que de jeunes 6 Dans Je suis Juan de Pareja. 7 C’est le cas dans Du petit Poquelin au grand Molière de Kerbraz. 8 Dans l’ordre : L’Homme qui a séduit le Soleil ; La Jeunesse de Molière et Louison et Monsieur Molière. 9 Voir Mesdemoiselles de la Vengeance ou Parfum de Meurtre. Les représentations du XVII e siècle sur les couvertures de romans 3 femmes habillées de façon masculine et adoptant une posture virile sont plus fréquemment convoquées. Elles sont postées sur leur navire, parfois en pirates ou en corsaires, donnant une image qui déroge au lieu commun de la robe et du corset 10 . Le bateau se pose aussi comme la métaphore du voyage lointain permettant la découverte de pays nouveaux et la possibilité de changer de vie. À l’élégante robe de la courtisane ou au travestissement de la pirate s’oppose alors la simplicité, voire l’austérité de la tenue des premières femmes venues vivre en Amérique et que l’on retrouve dans des romans tels qu’En route vers le nouveau monde de Kathryn Lasky ou Gertrude et le Nouveau Monde de la série Les Colombes du Roi-Soleil. Le monde de la magie, de la sorcellerie ou du surnaturel se caractérise aussi comme un univers principalement féminin. La singularité du personnage est immédiatement évoquée par un visage dont la chevelure se veut atypique par sa couleur rousse ou brune et des cheveux défaits. Le portrait est souvent complété par un objet faisant référence à ce pouvoir extraordinaire : un livre, un bocal ou un alambic. De même, l’arrière-plan présente généralement une palette de couleurs beaucoup plus sombres ou plus ternes que celles des autres couvertures 11 . Enfin, un dernier élément pictural semble participer de cette représentation du XVII e siècle dans la littérature pour la jeunesse. Un très grand nombre de couvertures place le héros en présence de l’autre. Un personnage apparaît ou dessine sa silhouette au second plan : présence cachée, mystérieuse, inquiétante ou au contraire nécessaire et rassurante, le rapport à autrui se place ainsi comme un des traits importants du récit et de la trame narrative du roman 12 . Cette présence se vérifie également à partir d’un regard en coin, se dirigeant parfois hors du champ de l’image, laissant le lecteur perplexe. Les yeux expriment, traduisent, voire trahissent alors bien plus que ce que disent les titres. Ils peuvent suggérer le mystère, la peur ou au contraire le plaisir et la joie, sentiments qu’il faut contraindre ou cacher. Pour compléter cette étude, il est nécessaire de mentionner que certains romans ne précisent absolument pas leur lien avec le XVII e siècle. Ils s’émancipent ainsi d’un quelconque réalisme historique. Seules les quatrièmes de couverture permettent, le plus souvent, au lecteur de comprendre cette relation. C’est le cas de l’illustration de La Désobéissance de Pyrame 10 Voir Pirate rouge, Un corsaire nommé Henriette dans Les Colombes du Roi-Soleil ou la série Le Secret des Cartographes. 11 C’est le cas dans L’Ange de mai, Sorcière blanche, Journal d’une sorcière, Éléonore et l’alchimiste et La Messagère de l’au-delà. 12 Pour ne citer que quelques exemples : L’Espionne du Roi-Soleil, À la Poursuite d’Olympe. Jocelyn Royé 38 d’Hélène Merlin-Kajman qui montre une silhouette postée au sommet d’un toit d’immeuble, près d’une antenne de télévision. La mention du nom du jeune héros, Savinien Bergerac, au dos du livre, permet de replacer le XVII e siècle dans la perspective du roman. Dans Qu’est-ce qui passe ici si tard ? d’Anne-Sophie Silvestre, on peut lire : « Votre ami est en danger ! Des gens épient sa maison ! Courez, mon enfant, trouvez François, et dites-lui de ne pas mettre le pied dans la ruelle Saint-Sulpice où une souricière lui est tendue. En refusant d’écrire des poèmes à la prétendue gloire du duc d’Époisses, François se met dans une situation très délicate. À Paris, en 1602, un petit poète ne doit pas contrarier la noblesse. Heureusement, François peut compter sur ses amis... » Pour Les Énigmes de Versailles, il est écrit : « Lisette et Yann, deux collégiens du 22 ème siècle, ont été sélectionnés pour un jeu : un voyage temporel va leur faire vivre une journée à Versailles à l’époque de Louis XIV. Ils devront mettre à profit leurs connaissances historiques sur les lieux, les personnages, les événements, les règles de l’étiquette, etc... Plongés dans un décor réel mélangé d’éléments virtuels, les deux jeunes se livrent à une course contre la montre pour résoudre, en temps, les énigmes et devancer les cinq autres équipes participantes. » Cette étude sur les couvertures de romans ne peut s’achever sans que l’on remarque combien leur choix dépend d’une triangulation plus ou moins harmonieuse entre l’auteur, l’illustrateur et la maison d’édition. Le choix de l’illustration n’est pas toujours le fruit d’une collaboration, encore moins d’une co-élaboration entre l’auteur et l’illustrateur. La couverture peut alors être imposée par la maison d’édition ou la collection et sembler en décalage avec les intentions de l’auteur, voire avec le récit. Cependant, cette représentation est cruciale puisqu’elle permet de fixer le plus souvent le visage des personnages importants du roman tout en participant à la construction d’un paysage historique, celui du XVII e siècle. Le XVII e siècle paraît être une époque particulièrement féconde pour les auteurs contemporains de littérature jeunesse. Les couvertures en dressent un portrait précis mais relativement partiel, voire caricatural. En effet, on peut observer qu’elles concourent à la reproduction d’une image topique qui s’est mise en place dès le XVIII e siècle avec Le Siècle de Louis XIV de Voltaire mais surtout dans la littérature du siècle suivant avec les romans d’Alexandre Dumas ou ceux de Théophile Gautier. La couverture du programme de notre colloque en est aussi un autre exemple remarquable. L’imaginaire de notre jeune lectrice se nourrit de Louis XIV, de Molière, de Versailles, de capes et d’épées. Cette représentation qui se veut le plus souvent réaliste, multipliant les signes et les détails historiques, tend, malgré tout, à s’éloigner de la réalité du siècle. Mais cet aspect n’est peutêtre pas essentiel puisqu’il s’agit, pour les romanciers, d’entraîner le lecteur Les représentations du XVII e siècle sur les couvertures de romans 38 dans un récit qui trouve dans son expression même les qualités littéraires propres au plaisir de la lecture. Les couvertures nous offrent donc, en préliminaire, ce plaisir esthétique, que ce soit par leur titre évocateur ou bien par une illustration suggestive. C’est finalement cela le plus important : donner l’avant-goût qui attise l’envie de dévorer une histoire. Tant mieux pour le Grand Siècle. Bibliographie ALBRENT, Jeanne. Une robe pour Versailles, Hachette, Le Livre de Poche Jeunesse, 2010. BERTHERAT, Marie. La Fille au pinceau d’or, Bayard, « Estampille », 2005. BORTON DE TREVIÑO, Elisabeth. Je suis Juan de Pareja, né esclave à Séville, élève en secret de Velàzquez, peintre malgré tout, L’Ecole des loisirs, « Médium », 2001 (1 re éd. 1965). BRANTÔME, Marie. L’Infante de Vélasquez, Seuil jeunesse, 2003. 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