eJournals Papers on French Seventeenth Century Literature 40/79

Papers on French Seventeenth Century Literature
0343-0758
2941-086X
Narr Verlag Tübingen
2013
4079

Une référence dissymétrique: Chapelain, Desmarets, Le Moyne, Scudéry, face à l’Arioste et au Tasse

2013
Francine Wild
PFSCL XL, 79 (2013) Une référence dissymétrique : Chapelain, Desmarets, Le Moyne, Scudéry, face à l’Arioste et au Tasse F RANCINE W ILD (U NIVERSITE DE C AEN ) Les poètes qui composent les grandes épopées des années 1650 connaissent tous fort bien le Roland Furieux et la Jérusalem délivrée. Souvent même ils connaissent les œuvres de Boiardo, Trissino, Bernardo Tasso. Mais leur référence à ces modèles est paradoxale, comme le notait fort bien Alexandre Cioranescu 1 : on leur emprunte un certain nombre de procédés ou de thèmes, en particulier les sorciers, les anges et les démons, et les personnages de guerrières ; dans le même temps, on leur reproche leur irrégularité. Derrière ce paradoxe, il faut admettre que le Tasse est moins maltraité des poéticiens : il « avait donné à la littérature italienne le poème épique qui manquait encore à la France » 2 . Le jugement est plus sévère pour l’Arioste, dont la diversité de ton et le foisonnement de personnages et d’actions sont unanimement condamnés, étant donné la domination de la doctrine aristotélicienne. René Bray abonde dans ce sens : Bien que l’Arioste ait conservé ses partisans, on peut considérer que l’épopée triompha du romanzo. La Jérusalem délivrée du Tasse, bien qu’elle ait été conçue comme une transaction, assura son succès : l’épopée moderne avait son chef d’œuvre 3 . Les conclusions de Cioranescu, étayées sur de nombreuses citations des poéticiens, ne sauraient donc être sérieusement discutées. Elles ont pourtant à être reprises et reformulées : l’étendue de son sujet l’a contraint à mener 1 Alexandre Cioranescu, L’Arioste en France, des origines à la fin du XVIII e siècle, Paris, Les presses modernes, 2 vol., 1938 ; « la théorie et la pratique de l’épopée », 2 e partie, chap. 2, vol. 2, pp. 22-51. 2 Ibid., p. 41. 3 René Bray, La formation de la doctrine classique en France, Paris, Nizet, 1966, p. 336. Francine Wild 278 plus que rapidement l’analyse du corpus des épopées françaises ; en outre, la vision alors régnante d’un classicisme froid et rigide succédant à la frivolité précieuse ne peut plus être maintenue. Il faut donc retourner au texte des épopées, pour vérifier jusqu’à quel point on peut les considérer comme imitant les deux grands modèles italiens. Il faut ensuite relire les avis au lecteur ou préfaces, pour voir comment les poètes se réclament de ces modèles ou non : la doctrine proclamée ne coïncide pas toujours exactement avec la pratique, et il convient de se demander pourquoi. Bien évidemment, le cadre de cet article ne permet pas une enquête générale chez tous les poètes et poéticiens. J’ai donc limité ma recherche à quatre poètes dont les épopées ont été marquantes dans les années 1650 : Scudéry, avec Alaric ou Rome vaincue 4 en 1654, suivi de Chapelain avec la première partie de la Pucelle ou la France délivrée 5 en 1656, et de Desmarets de Saint-Sorlin avec Clovis ou la France Chrétienne 6 , en 1657. Le Père Le Moyne encadre en quelque sorte le groupe, puisqu’une première version incomplète de son Saint Louis, en sept livres, est parue en 1653 7 , suivie d’une version complétée en dix-huit livres - que préface son Traité du poème héroïque - en 1658 8 . Ce corpus néglige les épopées religieuses, comme le Moïse sauvé de Saint- Amant et le Saint Paul de Godeau, publiés dans les mêmes années. La réflexion métapoétique sera en principe limitée à ce que nos quatre poètes ont écrit dans leurs épîtres, avis et préfaces. Pour le choix du sujet et l’organisation générale de son intrigue, aucun des poètes étudiés ici ne suit l’Arioste. L’unité d’action préside au choix du sujet : il est frappant que tous quatre accolent au nom du héros, dont nous devons comprendre qu’il est principal et unique, un deuxième titre qui indique le sens de l’action qu’entreprend ce héros. Le modèle moderne est le Tasse, avec une action principale bien définie à laquelle se rattachent les divers épisodes. Sur un point, le choix entre la linéarité et le début in medias 4 Georges de Scudéry, Alaric ou Rome vaincue, Rosa Galli Pellegrini et Cristina Bernazzoli (éd.), Fasano, Schena-Didier érudition, « Biblioteca della Ricerca », 1998 [1654], 560 p. Désormais abrégé en Alaric. 5 Jean Chapelain, La Pucelle ou la France délivrée, Paris, Augustin Courbé, 1656. Désormais abrégé en Pucelle. 6 Jean Desmarets de Saint-Sorlin, Clovis ou la France chrétienne, Paris, Augustin Courbé, Henri Le Gras et Jacques Roger, 1657. Désormais abrégé en Clovis. L’édition par Felix R. Freudmann et H. Gaston Hall (texte en fac-similé, introduction et notes), Paris-Louvain, 1972, est épuisée. Une nouvelle édition que je prépare doit être publiée par la STFM en 2014. 7 Pierre Le Moyne, Saint Louis ou le héros chrétien, Paris, Charles Du Mesnil, 1653. 8 J’utilise l’édition de 1666, disponible sur Gallica : Pierre Le Moyne, Saint Louis ou la Sainte Couronne reconquise, Paris, Louis Bilaine, 1666 [1658]. Désormais abrégé en Saint-Louis. Chapelain, Desmarets, Le Moyne, Scudéry, face à l’Arioste et au Tasse 279 res, nos poètes divergent : Scudéry et Chapelain, à l’instar du Tasse, commencent le récit au moment où, chez le premier, Dieu décide de châtier Rome et envoie à Alaric l’ordre de la conquérir ; et chez le second, où Orléans est sur le point de succomber et où l’ardente prière du roi Charles décide Dieu, siégeant dans la cour céleste, à délivrer la France. Dans les deux cas la mission est claire, confiée officiellement au héros par un ange, et le récit nous apprend comment le héros la remplit en luttant contre les obstacles successifs que les démons ne manquent pas d’accumuler. Desmarets et le P. Le Moyne ont pour leur part une structure in medias res. Chez Desmarets, le poème débute avec une situation énigmatique, Clovis et Clotilde fuyant vers la Lorraine en compagnie du seul Aurèle. Péripéties et enchantements se succèdent sans répondre aux questions que le lecteur se pose. C’est bien plus loin dans le récit, aux livres X et XI, qu’Aurèle est amené à raconter sa vie et ses aventures à un ermite, et qu’on comprend comment a pu avoir lieu cet enlèvement. Dans Saint Louis ou la Sainte Couronne reconquise, le décalage est moindre. Le récit commence alors que saint Louis vient de conquérir Damiette. Deux analepses rapportent bientôt, l’une les aventures d’Alphonse, comte de Poitiers, qui rejoint l’expédition après en avoir été séparé par la tempête, l’autre ce qui est arrivé au gros de la troupe regroupé autour de saint Louis, jusqu’à l’entrée dans Damiette 9 . Pour les deux poètes, le but est de commencer par une action vive et dont on ne sait pas tout. Il est aussi de débuter suffisamment près de la fin, et l’unité d’action est soigneusement affirmée chez l’un et chez l’autre. Ce que nos poètes empruntent le plus clairement aux deux Italiens, ce sont les épisodes, c’est-à-dire un certain nombre de situations et de personnages qui ont durablement marqué l’imagination. C’est le cas du merveilleux chrétien, abondamment représenté, et du merveilleux qu’on peut appeler « magique », celui qui met en scène des sorciers, des démons, des sortilèges. C’est aussi le cas des personnages de guerrières, présents dans nos quatre poèmes. Il est difficile de dire si c’est à l’Arioste ou au Tasse qu’ont pensé les poètes : sur ces divers points le Tasse hérite de l’Arioste, et celui-ci reprend des matériaux présents dans les romans de chevalerie. Tous les deux puisent en outre dans le fonds commun de la fable, notamment dans les légendes rapportées dans les Métamorphoses. Ainsi les visions vainement poursuivies, les apparitions et illusions de toutes sortes qui disparaissent dès que le sortilège est déjoué, nombreuses dans Alaric et dans Clovis, font penser à l’Arioste mais tout autant à Amadis ; 9 Le premier récit est fait par Béthunes, envoyé en messager par Alphonse qui vient de débarquer (livre II). Le second est un chant improvisé par Coucy avec accompagnement du luth, lors du banquet qui réunit tous les principaux de l’expédition lorsqu’ils se sont retrouvés, au camp devant Damiette (livres II et III). Francine Wild 280 l’île décrite avec un luxe de détails dans laquelle est transporté Alaric et où il rencontre une séductrice qui sous l’apparence d’Amalasonthe essaie de le retenir 10 , peut rappeler tout aussi bien l’île d’Alcine que le palais d’Armide ; mais déjà la fée Morgane avait enlevé ainsi Ogier le Danois 11 . L’histoire de la belle Laponne qui doit être sacrifiée pour expier une faute de sa nation 12 dans Alaric est-elle inspirée par les sacrifices de l’île d’Ebude dans le Roland Furieux 13 , ou par le mythe d’Andromède - qui par ailleurs a manifestement inspiré l’Arioste 14 ? Quant aux guerrières 15 , doivent-elles plus à Marphise et Bradamante, ou à Clorinde ? Il est bien difficile d’en décider. L’un des poètes semble en retrait sur ces différents points, c’est Chapelain. La seule guerrière qu’il met en scène est Jeanne d’Arc, attestée par l’histoire. Aucun sorcier ne représente les intérêts de l’Enfer et on n’assiste à aucun cérémonial magique ; les seuls « charmes » sont les appas de la belle Agnès ; les démons et les anges agissent surtout par des conseils et suggestions, ce qui fait d’eux une sorte d’allégorie des tendances concupiscentes et irascibles ; les hommes sont ainsi menés par leurs passions, et c’est par ambition, jalousie, désir de vengeance, donc pour des raisons tout humaines, que les personnages se mettent au service du mal. Cette tendance allégorique, très présente dans les poèmes de l’Arioste et du Tasse, devient dominante ici. Philippe de Bourgogne, par exemple, est poussé par un ange qui lui parle dans son sommeil, à la haine contre Betford qui l’a outragé : Il [l’ange] voit que de Betford l’insolente fortune Est ce qui l’inquiète, et ce qui l’importune, 10 Alaric, livre III, vv. 2481-3116. L’épisode connaît quelques rebondissements et ne se clôt qu’au v. 4072. 11 Dans la plupart des versions de l’histoire d’Ogier le Danois, la fée Morgane enlève le héros et le transporte en Avalon. 12 Alaric, livre II, v. 1525 sqq. Les femmes de cette nation ayant violé l’hospitalité et tué un étranger, la nation a été punie par une terrible peste, et l’oracle a exigé le sacrifice d’une jeune fille chaque année. 13 Arioste, Roland Furieux, livre VIII et livre XI. Au livre VIII, Angélique est faite prisonnière par les insulaires, qui cherchent de belles femmes à sacrifier à une orque. Elle est exposée nue sur un rocher. C’est Roger, monté sur l’hippogriffe, qui la sauve et la ramène en Bretagne. Mais les mêmes insulaires s’emparent de la malheureuse Olympie abandonnée par Birène et l’exposent à son tour. Elle est sauvée par Roland. 14 La création de l’Andromède de Corneille en 1650 peut avoir attiré l’attention sur le mythe, à un moment où Scudéry travaillait à son poème. 15 La belle Laponne et Amalasonthe dans Alaric ; Albione et Yoland dans Clovis, ainsi qu’Argine et Alphéide qui appartiennent à la troupe de cinquante couples de chastes amants ; Zahide et Almasonte, princesses sarrasines, Bélinde et Lisamante, guerrières chrétiennes, dans Saint Louis. Chapelain, Desmarets, Le Moyne, Scudéry, face à l’Arioste et au Tasse 281 Se coule dans son âme, en accroît la langueur, Et fait sonner ces mots au profond de son cœur : « Ainsi par l’étranger ta grandeur méprisée, À tes propres sujets servira de risée […]. » L’ange du tout-puissant, d’une ardeur véhémente, Par de semblables mots l’agite et le tourmente 16 . Ainsi influencé, Philippe trahit Betford et permet la délivrance d’Orléans. Mais plus tard Agnès, délaissée par Charles VII, vient lui offrir son amour, et séduit par elle il renonce à s’allier à Charles. Les démons complètent leur œuvre en suscitant une vision saisissante, lorsqu’il rend visite au tombeau de son père. Celui-ci semble reprendre vie, et tout sanglant et cadavérique, lui ordonne de combattre Charles son meurtrier et de s’allier avec Betford : Venge donques, par lui, notre injure commune ; Ranime par ses faits ta mourante fortune ; […] Reçois-le et condescends à son humble requête 17 ; Sinon, le juste ciel cent supplices t’apprête, Et mon ombre irritée, avec plus d’un flambeau, Sans cesse, te suivra, jusque dans le tombeau 18 . Terrifié, il obéit. Le cas de l’indécis Philippe de Bourgogne, balloté entre les influences qu’il subit, montre bien qu’anges et démons ne font que représenter le jeu des passions. On le constate avec la scène du cadavre réanimé, Chapelain ne s’interdit pas les effets fantastiques ou hallucinatoires. Mais il n’y recourt qu’assez exceptionnellement. Plusieurs fois en revanche des anges interviennent, pour protéger Jeanne 19 . Chapelain ne craint pas non plus de représenter la cour céleste, comme les trois autres poètes 20 . Au total, 16 Pucelle, livre I, pp. 23-24. 17 Dans le, la voyelle doit s’élider. 18 Pucelle, livre VII, p. 283. 19 Par exemple, lors de l’attaque des Tournelles, Jeanne est blessée ; un ange verse un baume précieux sur sa plaie et elle peut retourner au combat (livre III, p. 113). Lorsqu’elle combat devant Gergeau, les ennemis, aidés des démons, font tomber sur elle un pan de la muraille, un ange venu soutenir ce pan de muraille empêche qu’elle soit écrasée (livre IV, pp. 168-169). 20 Comme Desmarets, il représente Dieu sur le trône céleste, environné des chœurs des anges, et fait intervenir Marie en faveur du héros, ce qui détermine la décision divine. L’épisode céleste, à peine esquissé chez Scudéry, est surtout développé chez Le Moyne, où il remplace la descente aux Enfers des épopées anciennes (livre VIII, p. 212 sqq). Francine Wild 282 il ne s’écarte pas radicalement d’eux, il se borne à éviter la sorcellerie 21 et à limiter l’usage de certains procédés. Si on cherche le souvenir de l’Arioste et du Tasse dans des épisodes précis, c’est le Tasse dont les poètes reprennent les motifs, tandis que l’Arioste est très peu présent 22 . Ainsi, le rassemblement des démons décrit par Desmarets au début du livre VI de Clovis démarque de près, mais plus brièvement, un passage correspondant de la Jérusalem délivrée : Mais dans les creux Enfers tout bouillonne de rage, Voyant sur leur pouvoir fondre un fatal orage. De blasphèmes, de cris, d’horribles hurlements, Du ténébreux palais tremblent les fondements. Un bruit règne confus aux cachots de l’Averne. Tous sortent en fureur de leur sombre caverne, Comme d’un toit brûlant on voit sortir des feux, Rouges, environnés d’un tourbillon fumeux. Tous près du trône affreux s’assemblent en tumulte, Et le grand Lucifer en trouble les consulte 23 ; […]. C’est surtout le P. Le Moyne, dans Saint Louis, qui imite Le Tasse : le parallélisme de leurs sujets l’y invite. On ne peut s’étonner de retrouver dans son poème la forêt dans laquelle il faut couper du bois et que des maléfices rendent dangereuse 24 , puis les machines construites en vue du siège et qui sont brisées ou brûlées par l’action des démons 25 . Prolixe et imaginatif, Le Moyne reprend un certain nombre d’épisodes du Tasse en les dédoublant. L’épisode d’Olinde et Sophronie 26 donne lieu à la triste histoire d’Alcinde et 21 Scudéry, qui croit à la rationalité, n’est pas très éloigné de cette position bien que les sorciers interviennent sans cesse dans Alaric : « Les diables […] semblent être […] la projection des phantasmes individuels ou collectifs, plutôt que des entités métaphysiques » (Alaric, éd. cit., R. Galli Pellegrini, introduction, p. 27). 22 Lorsque le Sarrasin Drogasse, dans Saint Louis, porte une cuirasse faite de la peau d’un serpent (livre VII, p. 194), c’est peut-être un souvenir de la cuirasse à écailles de Rodomont, faite d’une peau de dragon (Roland Furieux, chant XVIII). 23 Clovis, livre VI, p. 96. Dans la Jérusalem délivrée, le passage, bien plus long et détaillé, se situe au chant IV. 24 C’est au chant XIII de la Jérusalem délivrée que l’enchanteur rend maléfique la forêt où les chrétiens sont obligés de chercher le bois nécessaire aux machines : elle apparaît comme en feu, et fait fuir les chevaliers. Tancrède y pénètre mais croit entendre la voix de Clorinde lorsqu’il frappe un tronc. Dans Saint Louis ou la Sainte Couronne reconquise, le bois est l’habitation d’un dragon meurtrier (livre X, p. 280 sqq), que Bourbon devra combattre (livre XII, p. 355 sqq). 25 Saint-Louis, livre XIII, pp. 412-413. Dans la Jérusalem délivrée, chants XI et XII. 26 Au chant II de la Jérusalem délivrée Sophronie s’est accusée d’avoir subtilisé et brûlé l’image de la Vierge dont les païens voulaient s’emparer. Olinde qui l’aime Chapelain, Desmarets, Le Moyne, Scudéry, face à l’Arioste et au Tasse 283 Léonin 27 au début de son poème, mais lorsque le sorcier Mirème fait lier à des poteaux au bord du Nil, en vue des croisés, une centaine de couples chrétiens qu’il transforme ensuite en torches vivantes, le dialogue de l’un de ces couples reprend de très près celui d’Olinde et Sophronie : c’est la jeune fille qui encourage son fiancé et lui parle de la couronne du martyre qui les attend, après que lui s’est plaint de ces noces de sang si différentes de celles dont il rêvait 28 . Le couple guerrier de Gildippe et Odoard 29 génère deux couples dans Saint Louis. Celui de Raymond et Bélinde, qu’on rencontre au début du poème lorsque Alphonse les sauve de justesse, exprime surtout l’union et la solidarité du couple combattant. Leur fin est différente : Bélinde a l’idée de se glisser sous un éléphant pour le tuer, ils réussissent mais elle meurt écrasée par la chute de l’animal 30 . Raymond meurt de douleur sur son corps lorsqu’on va l’enterrer. Un autre couple reproduit la mort au combat de Gildippe et Odoard, c’est celui que forment Lisamante et Béthunes : amoureux de la belle guerrière, Béthunes ne lui a jamais déclaré sa flamme, mais il se comporte comme Odoard, cherche plus à la défendre qu’à se défendre lui-même, et comme le couple de la Jérusalem délivrée, ils tombent ensemble dans le combat, unis dans la mort 31 . De même, le combat de Tancrède et Clorinde 32 peut être considéré comme la source de deux aventures successives d’Almasonte, dont la dernière est commune avec Zahide. Dans un combat naval, Almasonte est opposée sans le reconnaître à Archambault de Bourbon qu’elle aime et à qui elle a sauvé la vie. Archambault lui porte un coup violent à la tête, qui la fait s’évanouir. Lorsqu’on ôte le casque et qu’il la reconnaît, il est désespéré 33 . Elle revient à elle, et la violence de l’émotion rend Bourbon passionné- s’accuse aussi, pour la sauver ou mourir avec elle. Clorinde pitoyable obtient leur grâce, et ils se marient. 27 Au livre III, entrant dans Damiette, les croisés découvrent le couple de fiancés dans l’église, à l’autel. Alcinde est morte, Léonin mourant raconte : elle a tué d’une flèche le crocodile monstrueux auquel on sacrifiait des enfants chrétiens. Arrêtée par la foule païenne furieuse, le chef sarrasin Olgan, amoureux d’elle, lui a offert son secours, elle l’a refusé, il les a poignardés tous deux. Léonin meurt après avoir témoigné (pp. 84-89). 28 Saint-Louis, livre XIII, pp. 407-409 : ils s’appellent Mérinde et Orasin. 29 Au chant XX de la Jérusalem délivrée (32-37, 41-43 et 94-100). 30 Saint-Louis, livres XV et XVI, pp. 467-470. 31 Saint-Louis, livre XVIII, pp. 564-568. 32 Ce passage très connu se situe au chant XII (51-69). Après la mort de Clorinde, la douleur et le deuil de Tancrède sont longuement développés. 33 Les lamentations d’Archambault de Bourbon sont très proches de celles de Tancrède : Saint Louis, livre IX, p. 271. Francine Wild 284 ment amoureux : « L’Amour emprunta l’arc et le trait de la Mort » 34 . C’est en quelque sorte un combat de Tancrède et Clorinde à fin heureuse. Peu après Bourbon, pour accomplir l’exploit auquel il est appelé, doit renoncer à cet amour. Lorsqu’Almasonte, en compagnie de Zahide, rencontre deux guerriers dont l’un porte les armes de Bourbon, elle l’attaque pour se venger. Elle est tuée dans le combat. Mais celui qui l’a tuée n’est pas Bourbon, c’est Alzir, guerrier sarrasin amoureux d’elle, qui a revêtu les armes de Bourbon pour sortir du camp chrétien où il s’était glissé. Lorsqu’il identifie sa victime, il se suicide sur son corps. Pendant ce temps, Zahide a mortellement blessé son adversaire, et découvre que c’était son prétendant Mélédor. Elle a le temps de lui dire adieu 35 . Le thème de la guerrière qui meurt en combattant celui qu’elle aime se dédouble ainsi en deux couples et se complique de la substitution d’identité d’une part, de l’inversion du sexe victorieux de l’autre. Le P. Le Moyne a exploré toutes les virtualités du thème. Même si on ne focalise pas l’attention sur Saint Louis, ce sont surtout les thèmes et motifs du Tasse qu’on retrouve chez nos poètes, parfois dans d’infimes détails pathétiques ou symboliques. Le souvenir de l’Arioste est plus diffus, et peut souvent se confondre avec la tradition des romans chevaleresques ou même la fable dans sa globalité. Dans leurs préfaces, les poètes justifient leurs choix et polémiquent contre leurs adversaires ou rivaux. Ils nomment leurs modèles et formulent les principes qu’ils ont suivis. Si on cherche les références à l’Arioste et au Tasse, on retrouve la même alternative qu’à propos de la réalité de leur poème : tantôt l’Arioste et le Tasse sont nommés ensemble, le plus souvent parmi bien d’autres, tantôt l’un est préféré à l’autre, et dans ce cas c’est toujours le Tasse, l’Arioste étant alors passé sous silence. Ainsi, dans l’Avis qui sert de préface, Desmarets nomme une fois les deux ensemble : L’Envie ne voudra pas que l’on considère combien j’ai été heureux de trouver dans l’histoire même ce que l’Arioste, le Tasse et quelques autres poètes héroïques ont été contraints de feindre, pour faire agir les enchanteurs dans les poèmes chrétiens 36 […]. Mais lorsqu’il veut justifier ses choix, c’est au Tasse seul qu’il se réfère : 34 Saint-Louis, livre IX, pp. 267-274. Le vers cité conclut le passage. 35 Saint-Louis, livre XI, pp. 342-348. Comme Clorinde mourante donne sa main en signe d’adieu à Tancrède, Mélédor tend la sienne à Zahide. 36 Clovis, Avis, n.p. Chapelain, Desmarets, Le Moyne, Scudéry, face à l’Arioste et au Tasse 285 J’avoue qu’il ne faut pas s’en servir trop souvent [des « miracles des saints » ou « prodiges des enchanteurs »] ; et l’on trouvera que le Tasse en a employé beaucoup plus qu’il n’y en a dans cet ouvrage 37 . Il ne s’interdit pas de le critiquer, sur la question du début in medias res : Aussi n’ai-je pas dû prendre pour exemple le commencement du Tasse, qui n’a pas même observé le bel art de commencer le poème héroïque par le milieu du sujet et par un événement surprenant et extraordinaire, comme cela se doit, pour ravir d’abord le lecteur et lui faire attendre de grandes choses, en réservant à faire conter par narration ce qui précède 38 . Dans sa Préface, Chapelain ne fait qu’une référence brève au Tasse, pour marquer sa différence sans paraître le critiquer : Il semblerait […] que je dusse dire […] sur quoi je me suis fondé, pour n’y employer pas la machine de la magie, à la manière des vieux romans ; […] Je dois […] trop de respect au Tasse, et aux autres grands hommes qui l’ont suivi dans cette périlleuse route, pour en approfondir ici la question 39 . Quelques lignes plus haut, il a proposé une lecture allégorique de son poème, entièrement construite sur le modèle de celle que le Tasse a donnée de sa Jérusalem délivrée. Il n’a pas pour autant signalé sa dette, qui est évidente. Scudéry, lui, donne la liste de ses lectures tant théoriques que poétiques : J’ai donc consulté les maîtres là-dessus, c’est-à-dire Aristote et Horace : et après eux Macrobe, Scaliger, le Tasse, Castelvetro, Piccolomini, Vida, Vossius, Pacius, Ricobon, Robortel, Paul Benni, Mambrun, et plusieurs autres. Et passant de la théorie à la pratique, j’ai relu fort exactement l’Iliade et l’Odyssée d’Homère, l’Enéide de Virgile ; la Guerre civile de Lucain, la Thébaïde de Stace ; les Rolands amoureux et furieux du Boyardo et de l’Arioste, l’incomparable Hierusalem délivrée du fameux Torquato ; et grand nombre d’autres poètes épiques en diverses langues ; tels que sont les premiers livres de la Franciade de Ronsard, et du Saint Louis du Père Le Moyne ; et ce beau poème de la conquête de Grenade, le plus bel ouvrage que l’Italie nous ait donné depuis le Tasse 40 . Les deux poètes apparaissent parmi les modèles, avec une visible inégalité : l’Arioste n’est pas vraiment distingué du Boyardo, alors que le Tasse et son poème semblent considérés comme une référence majeure. En outre, le 37 Ibid. 38 Ibid. 39 Pucelle, Préface, n.p. 40 Alaric, p. 97. Le poème de la conquête de Grenade est Il conquisto di Granada, de Graziani, paru en 1650. Francine Wild 286 Tasse apparaît dans la liste des théoriciens. Scudéry le démarque d’ailleurs continuellement et parfois le traduit mot à mot dans cette préface. Pas plus que Chapelain il ne le signale. Le P. Le Moyne, qui dans son Discours de la Poésie de 1641, donnait des exemples tirés des deux poèmes indifféremment 41 , semblait les prendre tous deux en considération, avec une préférence pour le Tasse. Dans le Traité du poème héroïque qui sert de préface à Saint Louis ou la sainte couronne reconquise, en 1658, il évoque plusieurs fois l’Arioste, toujours pour le critiquer vertement. D’abord à propos de l’historicité du sujet : « Que le poète donc se garde de bâtir en l’air, comme le Pulci, le Boiardo, l’Arioste, et quelques autres de nos voisins 42 […] », puis sur l’unité d’action : « qu’on se garde du mauvais exemple de l’Arioste, qui nous a donné un monstre, composé de divers corps attachés les uns aux autres » 43 , sur la fable : La fable […] veut être une, vraisemblable, et merveilleuse […] et le poète qui ne s’en acquitte pas, soit par libertinage comme l’Arioste, soit par stérilité d’esprit […], manque à son devoir et à sa promesse 44 . et enfin sur la vraisemblance : cette vaillance [de Samson] ne trouvera guère plus d’imitateurs que celle du Roland de l’Arioste, qui donne des batailles, et défait des armées dans le ventre d’une baleine 45 . On doit s’interroger sur les raisons d’une sévérité aussi marquée. Ce que rejette Le Moyne, c’est surtout l’inflexion donnée au genre héroïque, qu’il fait remonter aux Amadis : « le poème roman est une fabrique moderne, mais informe et capricieuse » 46 . Même le Tasse n’est pas indemne de reproche : il n’aurait pas dû multiplier les personnages secondaires autour du héros. « De recourir à l’allégorie, pour justifier cette faute, comme a fait le Tasse, c’est faire venir de bien loin et à grands frais, une chimère, pour défendre une autre chimère » 47 . De même, c’est aux deux poètes qu’il reproche les amours « de coquets et de coquettes » qu’ils introduisent, « les cajoleries, les mignardises et les mollesses, que le Tasse donne à son Renaud 41 Pierre Le Moyne, Les Hymnes de la sagesse divine et de l’amour divin, Le Discours de la poésie, A. Mantero éd., Paris, Le miroir volant, 1986 [1641], pp. 22 et 26. 42 P. Le Moyne, Traité du poème héroïque, in Saint Louis, p. 14. 43 Ibid., p. 19. 44 Ibid., p. 33. 45 Ibid., p. 42. 46 Ibid., pp. 34-35. 47 Ibid., p. 36. On peut remarquer le jugement sur l’allégorie. Chapelain, Desmarets, Le Moyne, Scudéry, face à l’Arioste et au Tasse 287 et à son Armide » 48 . L’action trop diverse, la mauvaise adaptation des mœurs, éclatantes chez l’Arioste, sont ainsi reprochées également au Tasse. S’il est de loin le plus critique des quatre poètes, c’est qu’il fait de sa préface un véritable traité, alors que Chapelain, Desmarets, et même Scudéry 49 , qui ont rédigé d’autres ouvrages théoriques, limitent leur préface à la défense de quelques idées-forces. Au total, le P. Le Moyne se fait le chantre d’un aristotélisme emprunté aux théoriciens italiens mais adapté au goût français. Sa critique du Tasse ne doit pas nous tromper, il est bien dans la ligne du poète de la Jérusalem délivrée. Sur le choix du sujet, qui doit être historique, sur l’unité d’action qui n’exclut pas les épisodes mais doit les englober, sur la dignité des héros, sur l’exemplarité des hauts faits dont on fait le récit, sur l’élévation du style, l’accord est fondamental entre nos quatre poètes, et tous se rattachent, avec quelques nuances, aux idées développées par le Tasse dont ils lisent assidument les écrits. Comme lui ils voient des enjeux religieux fondamentaux dans le combat que mènent leurs héros. À sa suite, ils écrivent à la gloire d’un prince, d’une dynastie, d’un régime. Ces deux derniers points ont pour première conséquence que la liberté de ton de l’Arioste, sa touche humoristique, sont exclues pour eux. Même quelqu’un qui lit l’Arioste avec plaisir, au milieu du XVII e siècle, ne peut imaginer de mettre dans un poème héroïque un ermite tentant de violer une jeune fille, une jeune reine éprise d’un guerrier au point de lui déclarer la première sa flamme, l’archange saint Michel cherchant vainement le Silence chez les moines et y trouvant en revanche la Discorde 50 . Les hommes de Dieu, nombreux dans nos épopées, sont tous sages et vénérables, et les princesses sont pudiques. La seule transgression notoire est celle d’Albione, qui dans Clovis prend, grâce à des charmes, l’apparence de Clotilde et épouse Clovis, qu’elle quitte après quelques semaines parce qu’elle ne supporte plus d’être aimée sous l’identité d’une autre ; elle est enceinte et son fils naît, alors qu’elle-même meurt, sur le champ de bataille à la fin du poème. Chapelain, dans les notes manuscrites qu’il a prises sur Clovis, critique violemment l’inconvenance de cet épisode : « L’artifice d’Albione, qui paraît sous la figure de Clotilde, aboutit salement 48 Ibid., p. 51. 49 Dans la préface d’Alaric, Scudéry renvoie à sa préface pour Ibrahim (1641), où il fait la théorie du roman comme épopée moderne en prose (Alaric, ed. citée, p. 95). 50 Il s’agit de l’ermite qui poursuit Angélique au chant VIII de Roland Furieux, des amours d’Angélique et de Médor au chant XIX, de l’archange Michel qui au chant XIV cherche le Silence pour qu’il aide les renforts venus d’Angleterre à arriver sans être repérés par les Sarrasins, et la Discorde pour qu’elle agisse au sein du camp ennemi. Francine Wild 288 […]. Outre cela il n’y a aucune façon à leurs noces » 51 . Il juge surtout cette aventure invraisemblable, non sans quelque raison. Desmarets n’a mis en place cet épisode que pour rendre compte au mieux de l’existence d’un fils de Clovis né avant son union avec Clotilde, sans ternir son héros. Le public ne pouvant accepter la réalité des mœurs conjugales des Mérovingiens, il a fait de cette princesse la victime consentante des manipulations du sorcier Auberon et lui a donné une destinée exemplaire par le malheur mérité et le rachat ultime. Si les principes sont clairs et assez communément reconnus, les poètes naviguent, on le voit, entre des exigences difficiles à concilier dans le détail. Leurs choix peuvent toujours être critiqués. Leur personnalité intervient aussi pour leur faire préférer tel ou tel aspect de la tâche poétique, et ils tentent de rationaliser leurs choix : Desmarets, passionné par la versification, explique longuement, tirant ses exemples de Virgile et de son propre poème, ses préférences en matière de coupes, d’inversion, d’effets sonores. Chapelain, qui n’est pas bon versificateur, ne dit rien là-dessus dans sa préface. Il y revient une dizaine d’années plus tard, dans la préface de la deuxième partie de la Pucelle : […] quant aux vers et au langage, ce sont des instruments de si petite considération dans l’épopée qu’ils ne méritent pas que de si graves juges s’y arrêtent. […] le poème ne serait pas moins poème quand il ne serait pas écrit en vers […] 52 . Scudéry, rationnel et adonné aux sciences, plaide pour une épopée qui serait, comme on l’a souvent dit à propos d’Homère, nourrie de toutes les connaissances humaines. Il ne faut pas se dissimuler que les poètes sont quelquefois en contradiction avec les principes qu’ils défendent. Ainsi le P. Le Moyne, qui reproche au Tasse le trop grand nombre de personnages qu’il introduit, compose une épopée littéralement foisonnante de personnages dont les histoires, si elles sont toutes rattachées à l’action principale, sont quelquefois développées très au-delà du nécessaire 53 . 51 Jean Chapelain, « Observations sur le Clovis de Saint-Sorlin », in Opuscules critiques, éd. A. C. Hunter, rév. A. Duprat, Genève, Droz, TLF, 2007, p. 394. 52 Jean Chapelain, « La Pucelle, livres XIII à XXIV, préface », in Opuscules critiques, éd. A. C. Hunter, rév. A. Duprat, Genève, Droz, TLF, 2007, pp. 458-459. Cette préface resta inédite jusqu’au XIX e siècle. 53 Par exemple, Lisamante, sauvée par Alphonse d’une panthère qui a tué son mari Dorisel, lui raconte son histoire en commençant par les amours de ses parents, leurs aventures, leur mort ; puis comment à peine née elle a échappé à une razzia ennemie, à un torrent débordé, à une aigle, à un loup-cervier, à une lionne, sans la Chapelain, Desmarets, Le Moyne, Scudéry, face à l’Arioste et au Tasse 289 Surtout, l’esprit du genre évolue inéluctablement. On peut ainsi noter une tendance à moderniser les passions, particulièrement sensible chez Scudéry et chez Desmarets, peut-être parce qu’ils sont aussi des auteurs de théâtre et de roman. Scudéry représente l’amour d’Alaric et d’Almasonthe comme celui de héros galants : se rencontrant sur le champ de bataille, ils commencent à régler leur différend amoureux, elle lui reproche son infidélité, il proteste de son innocence, et pour finir elle se rend spontanément à lui 54 . Quant à Desmarets, il fait fortement évoluer la plupart de ses héros, et notamment Clovis, qui d’un roi païen honorant ses dieux devient par degrés un roi chrétien engagé au service de la vraie foi. Pour l’épopée ainsi transformée de l’intérieur, la poétique du Tasse ou de Virgile devient vite une référence vide, purement formelle. L’étude de la relation de nos quatre poètes avec le modèle du Tasse et celui de l’Arioste montre donc une dissymétrie absolue : l’Arioste est souvent cité en compagnie d’autres poètes, il est connu et apprécié, mais jamais il n’est cité comme un modèle. Sa diversité de ton et de composition le rend quasiment monstrueux aux yeux des poètes du XVII e siècle. C’est la Jérusalem délivrée qui est le grand modèle, souvent nommé aux côtés des œuvres d’Homère et Virgile, et qui inspire de nombreux épisodes des poèmes héroïques. Les écrits théoriques du Tasse aussi sont scrutés parmi ceux des principaux théoriciens italiens du XVI e siècle. L’imaginaire médiéval qui transparaît encore dans les deux textes est présent çà et là, notamment chez Scudéry et chez Desmarets, mais il se manifeste de moins en moins. En réalité, tout en suivant le modèle du Tasse, les poètes font discrètement évoluer leurs œuvres vers un réalisme plus grand, qu’il s’agisse de l’étude psychologique des héros, du contenu scientifique et technique, de la fidélité historique. Au-delà d’une référence dissymétrique, il y a le paradoxe d’un modèle dont on a la nostalgie, dont on garde quelques éléments et quelques valeurs, mais dont on se détache peu à peu. moindre conséquence sur la suite de sa vie puisqu’ensuite elle grandit paisiblement chez les parents de Dorisel qui l’ont adoptée (Saint Louis, livre II, pp. 39-47). 54 Alaric, livre IX, vv. 8849-8916 et 9165-9180, pp. 434-436 et 443.