eJournals Papers on French Seventeenth Century Literature 41/81

Papers on French Seventeenth Century Literature
0343-0758
2941-086X
Narr Verlag Tübingen
2014
4181

In memoriam Marie-Odile Sweetser

2014
Rainer Zaiser
PFSCL XLI, 81 (2014) In memoriam Marie-Odile Sweetser Marie-Odile Sweetser, née Gauny, professeure émérite de l’Université de l’Illinois à Chicago, éminente spécialiste de la littérature française du XVII e siècle, membre de longue date de la North American Society for Seventeenth- Century French Literature et du conseil de rédaction des PFSCL, nous a quittés le 6 avril 2014. Tous ceux et celles qui l’ont connue se souviennent avec émotion de sa gentillesse, de sa générosité, de sa collégialité et de son amitié. Marie-Odile Sweester naquit le 28 décembre 1925 à Verdun en France. Elle fit des études à l’Université de Nancy et y obtint une licence ès lettres en 1945 avant de partir pour les États-Unis où elle continua ses études au Bryn Mawr College. C’est là qu’elle passa son master en 1950. Ensuite elle enseigna comme lecturer à la McGill University à Montréal et à partir de 1952 comme instructor à l’Université de Pennsylvanie où elle obtint le PhD en 1956. Puis elle occupa successivement des postes d’instructor au Cedar Crest College à Allentown en Pennsylvanie et au Mills College à Oakland en Californie. De 1960 à 1969, elle fut assistant professor au City College de New York avant d’accepter le poste de professeure de littérature française du dix-septième siècle à l’Université de l’Illinois à Chicago, poste auquel elle devait rester fidèle jusqu’à sa retraite en 1997. Les travaux de Marie-Odile Sweetser montrent une ampleur qui va de Corneille à Racine, de Molière à La Fontaine, de Tristan L’Hermite à Madame de La Fayette, de Madeleine de Scudéry à Madame de Sévigné. La liste de ses publications, parue dans les Mélanges publiés en son honneur en 1993, témoigne de la richesse de ses recherches. 1 Néanmoins, au cours de sa longue carrière universitaire, c’est vers deux auteurs déjà cités que ses intérêts ne cessèrent de la porter, Pierre Corneille et Jean de La Fontaine. Les œuvres du premier étaient déjà l’objet de sa thèse de doctorat qu’elle avait publiée, remaniée et développée, sous le titre Les conceptions dramatiques de Corneille d’après ses écrits théoriques en 1962 chez Droz. Y succéda un deuxième livre sur La dramaturgie de Corneille, paru en 1977 dans la 1 Voir Création et Recréation. Un dialogue entre Littérature et Histoire. Mélanges offerts à Marie-Odile Sweetser, éd. Claire Gaudiani, Tübingen, Narr, 1993, pp. 11-21. In memoriam Marie-Odile Sweetser 232 même maison d’édition. En 1987, elle publia une monographie sur La Fontaine dans le Twayne World Authors Series et en 2004 elle réunit ses nombreuses études sur La Fontaine dans un volume intitulé Parcours lafontainien et paru dans la collection Biblio 17 chez Gunter Narr à Tübingen. Les études cornéliennes de Marie-Odile Sweetser ont fait date. A une époque où l’approche biographique prédominait dans les études littéraires en France - c’est l’époque des travaux de Georges Couton (La vieillesse de Corneille, 1949), de Louis Herland (Corneille par lui-même, 1954) et de René Jasinski (Vers le vrai Racine, 1958) - elle examina, de l’autre côté de l’Atlantique, les paratextes des pièces de Corneille, ses préfaces, ses lettres dédicatoires, ses examens, ainsi que ses trois Discours et les écrits autour de la Querelle du Cid pour en dégager la poétique du théâtre de Corneille. Toujours soucieuse de tenir compte des différentes approches de la critique littéraire - sans omettre à partir des années soixante celles de la nouvelle critique -, Marie-Odile Sweetser reste, dans ses propres analyses littéraires, surtout fidèle au texte en soi sans pourtant oublier le contexte historique dans lequel l’œuvre littéraire a été créée. Ceci se manifeste de toute évidence dans ses études lafontainiennes qui, certes, examinent la période de Vaux et le mécénat de Fouquet, mais ne cessent de revenir sur des questions poétiques de la fable et sur les mécanismes de l’art fabuliste de l’auteur. 2 En outre, Marie-Odile Sweetser compte parmi celles qui ont stimulé les études féminines avant la lettre. En témoignent ses contributions sur la femme et le pouvoir, sur les voix féminines à l’âge classique et sur l’image de la femme chez Corneille, La Fontaine et Racine. 3 2 Voir surtout les rubriques de la table des matières de son Parcours lafontainien, Tübingen, Narr, 2004 (« Biblio 17, 150). 3 Voir « La Femme abandonnée : esquisse d’une typologie », PFSCL, No. 10, 1 (1978- 79), pp. 143-178 ; « Women and Power : Reflections on some Queens in French Classical Tragedy », in Proceedings of the Western Society for French History, ed. John F. Sweets, The University of Kansas, 1984, pp. 60-67 ; « Les femmes et le pouvoir dans le théâtre cornélien », in Pierre Corneille, éd. Alain Niderst, Paris, P.U.F., 1985, pp. 605-614 ; « Racine : pour une problématique de la ‘femme rompue’ », in Présences féminines. Littérature et société au XVII e siècle français. Actes de London, Canada, éds. Ian Richmond et Constant Venesoen, Paris, Seattle, Tübingen, 1987 (« Biblio 17 », 36), pp. 237-259 ; « La littérature et les femmes », in Le langage littéraire au XVII e siècle. De la rhétorique à la littérature, éd. Christian Wentzlaff-Eggebert, Tübingen, Narr, 1991 (« Études littéraires françaises », 50), pp. 51-65 ; « Images féminines chez La Fontaine : traditions et subversions », in Correspondances. Mélanges offerts à Roger Duchêne, éds. Wolfgang Leiner et Pierre Ronzeaud, Tübingen, Narr, Aix-en-Provence, Publications de l’Université de Provence, 1992 (« Études littéraires françaises », 51), pp. 201-213 ; « Voix féminines dans la littérature classique », in Les femmes au Grand Siècle. Le Baroque : musique In memoriam Marie-Odile Sweetser 233 À toutes ses activités de recherche s’ajoute son engagement dans des sociétés savantes et professionnelles, que ce soit en Amérique du Nord ou en France. Elle a présidé de nombreuses séances lors des colloques de la NASSCFL qui lui a dédié un des volumes de son congrès de 2001 à l’Arizona State University à Tempe pour ses mérites dans le domaine des études féminines. 4 Elle était membre fidèle de la Société d’Étude du XVII e Siècle, de la Société des Amis de Jean de La Fontaine, de l’Association Internationale des Études françaises, sociétés qui l’ont invitée à maintes reprises comme oratrice à leurs réunions. Nombreux et nombreuses sont aussi les collègues qui, au début de leur carrière, ont bénéficié des conseils, des encouragements et du soutien de Marie-Odile Sweetser. Après le décès de Wolfang Leiner en 2005 et de Roger Duchêne en 2006 une autre doyenne des études dix-septiémistes a disparu, la dernière de notre communauté qui avait cultivé l’art de la plume à l’âge électronique et avait continué à correspondre par voie postale avec ses collègues et amis parsemés en Amérique du Nord et en Europe, une véritable Madame de Sévigné de notre temps, oserais-je dire pour rendre hommage à cette grande dame dont la douce voix ne m’est parvenue, ces dernières années, qu’à travers l’écriture fine de ses lettres, envoyées de Lake Bluff, son domicile sur le lac Michigan. Rainer Zaiser et littérature. Musique et liturgie, éds. David Wetsel et Frédéric Canovas, Tübingen, Narr, 2003 (« Biblio 17 », 144), pp. 41-52. 4 Voir Les femmes au Grand Siècle, éd. David Wetsel et Frédéric Canovas, 2003.