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Narr Verlag Tübingen
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2012
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Chorégraphies des paysages coloniaux. Savoir transpacifique et savoir transatlantique dans l’œuvre de Victor Hugo et de Pierre Loti

2012
Gesine Müller
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88 Dossier Gesine Müller Chorégraphies des paysages coloniaux. Savoir transpacifique et savoir transatlantique dans l’œuvre de Victor Hugo et de Pierre Loti Introduction: l’Atlantique et le Pacifique comme paysages de la théorie culturelle There is a world of difference between viewing the Pacific as „islands in a far sea“ and as „a sea of islands“. The first emphasis dry surfaces in a vast ocean far from the centres of power. Focussing in this way stresses the smallness and remoteness of the islands. The second is a more holistic perspective in which things are seen in the totality of their relationships.1 Ecrit le théoricien de la culture fidjien Epeli Hau’Ofa. Ce que je vois aujourd’hui, c’est que les continents ‘s’archipélisent’, du moins du point de vue d’un regard extérieur. Les Amériques s’archipélisent, elles se constituent en régions par-dessus les frontières nationales. Et je crois que c’est un terme qu’il faut rétablir dans sa dignité, le terme de région. L’Europe s’archipélise. Les régions linguistiques, les régions culturelles, par-delà les barrières des nations, sont des îles, mais des îles ouvertes, c’est leur principale condition de survie.2 Affirme pour sa part Edouard Glissant, théoricien de la culture originaire de la Martinique. Au regard de la mondialisation de plus en plus pressante, les cultural studies se concentrent de manière accrue sur les observations trans-territoriales et en particulier, sur les océans. Deux exemples empruntés à des auteurs contemporains de renom illustrent ce phénomène: tandis que dans le roman Adèle et la pacotilleuse Raphaël Confiant fait de l’Atlantique un paradigme de la théorie culturelle, le prix Nobel d’origine mauricienne Jean Marie Gustave Le Clézio se consacre lui, dans Raga. Approche du continent invisible, au Pacifique. La mer est considérée comme un élément fédérateur, un vivier pour les modèles construits par la théorie culturelle. La mer en tant que paysage est un topos constitutif de paradigmes dans les sciences de la culture: appréhender un paysage signifie s’approprier une bribe de monde visible aux dimensions d’une image virtuelle et esthétique. 3 Voir un fragment du monde - dans notre cas, la mer - comme un paysage implique une distanciation et une attitude esthétique qu’il faut distinguer de l’utilisation pragmatique. 4 Le paysage marin en tant que phénomène historique ne peut ainsi devenir historique que si les préalables culturels en sont donnés. Une de ces conditions 89 Dossier primordiales est que le monde ne soit plus perçu comme quelque chose d’étranger et de mythique, mais comme un espace que l’homme peut façonner activement. 5 Les développements suivants se concentrent sur les océans et s’appuient sur une conception du paysage qui s’inscrit dans le champ sémantique de la dynamique spatiale, de l’espace comme produit culturel et social. 6 Etant donné que le rapport du sujet à l’espace est constitutif de toute définition du paysage, le terme générique d’espace est fondamentalement de nature dynamique. Tournons-nous vers les paysages marins des sciences de la culture: la mise en scène du paysage a toujours joué un rôle prédestiné dans la littérature transatlantique et plus précisément caraïbe. Edouard Glissant écrivait déjà dans son Discours antillais „Notre paysage est son propre monument: la trace qu’il signifie est repérable par-dessous. C’est tout histoire.“ 7 Les dimensions transatlantiques ont un statut de choix dans les débats de la théorie culturelle de ces dernières décennies - pensons au Black Atlantic, études transatlantiques enseignées comme une discipline à part entière aux Etats-Unis et dont les révisions les plus récentes sont désormais établies. Les dimensions transpacifiques en revanche sont à la traîne derrière cet acquis de l’histoire des sciences. Plusieurs explications à cela: une cartographie du monde eurocentrée, la proximité géographique du vieux continent, etc. Aujourd’hui cependant, dans le cadre de la recherche sur les Caraïbes, et plus encore des études transatlantiques, il est admis que les Caraïbes se sont hissées au rang de lieu privilégié de la production théorique. Il n’est pas insignifiant à cet égard que des voix s’y soient élevées pour remettre en question le cliché du paradigme de l’identité. Il faut sans aucun doute chercher une nouvelle réponse aux questions brûlantes de l’identité dans les formes de mise en scène spécifiquement littéraires de la convivence. Cette notion forgée par Ottmar Ette, qui s’inscrit dans la lignée du séminaire de Roland Barthes Comment vivre ensemble, est à comprendre comme une tentative de saisir la coexistence des hommes, d’apporter une réponse aux discussions sur l’identité, insolubles car intrinsèquement essentialistes et, enfin, de créer des notions hybrides. Quelques grands intellectuels - c’est révélateur, essentiellement d’origine transatlantique comme Edouard Glissant, Arjun Appadurai ou encore Paul Gilroy - s’y sont également essayé. Un autre pilier central des positions théoriques actuelles étroitement lié à la notion de convivence et, non sans raison, également diffusé par des intellectuels transatlantiques, est l’importance accordée à la pensée relationnelle et archipélique. Kamau Brathwaite n’a-t-il pas toujours vu dans les conditions sous-marines des Caraïbes le germe originel de la relationalité universelle? Avec sa pensée archipélique Edouard Glissant se réfère, comme on le sait, à Gilles Deleuze et Félix Guattari. La relationalité signifie un vaste réseau relationnel d’éléments isolés que les cultural studies ont déjà tenté de décrire au moyen des métaphores du rhizome, de la mangrove ou des coraux. Convivence et relationalité: ces deux paradigmes sont les fondations sur lesquelles reposent les formations paysagères en théorie culturelle. L’océan Atlanti- 90 Dossier que en constitue un terrain de réflexion privilégié. Une étude généalogique de cet instrument conceptuel nous mènerait rapidement au 19 e siècle. Le théoricien de la culture cubain Antonio Benítez Rojo explique dans son essai La isla que se repite, aujourd’hui un classique, que comprendre la notion de créolité passe nécessairement par une analyse du système social des plantations: „Bien, entonces, ¿qué relaciones veo entre plantación y criollización? Naturalmente, en primer término, una relación de causa y efecto; sin una no tendríamos la otra. Pero también veo otras relaciones.“ 8 Comment ces catégories typiquement transatlantiques sont-elles élaborées et analysées dans le paysage pacifique? Une histoire coloniale assez semblable ou encore les questions liées à la mondialisation nous incitent à porter notre regard sur une autre dimension océanique. Quelles relations existe-t-il entre les savoirs transatlantiques et transpacifiques? Où se trouvent les différences fondamentales et que révèlent-elles sur les dynamiques coloniales? Comme la présence coloniale de la France s’étendait aussi bien dans l’Atlantique que dans le Pacifique, il serait intéressant d’éclairer les dimensions géopolitiques à la lumière comparée des formes de représentations culturelles, précisément francophones, et éventuellement de les mettre en relation. Faire ici le choix de l’empire colonial français, à l’apogée de son extension mondiale au 19 e siècle, se justifie par la présence toujours actuelle de son héritage: Martinique, Guadeloupe et Guyane française sont depuis 1946 des départements d’outre-mer (DOM), la Polynésie française avec Tahiti des collectivités d’outre-mer (COM) et la Nouvelle-Calédonie est une collectivité sui generis. Deux universités, celle de la Polynésie française à Tahiti et l’UAG, l’Université des Antilles et de la Guyane, située à Schoelcher en Martinique avec des antennes en Guadeloupe et en Guyane ont notamment pour tâche d’institutionnaliser la force de rayonnement française. La cartographie coloniale française étant planétaire, je souhaite m’en tenir ici à l’analyse de deux exemples représentatifs, qui constituent chacun une analyse culturelle des formations paysagères - l’une transatlantique, l’autre transpacifique - considérées dans une approche littéraire: Victor Hugo et Pierre Loti. Tandis que dans son premier roman, Bug-Jargal (1818/ 26), Hugo met en scène les soulèvements en Haïti, Pierre Loti dépeint dans Le Mariage de Loti (1870) la rencontre entre son moi autobiographique et Tahiti, ce qui, de prime abord, peut sembler politiquement moins ambitieux. Nos auteurs se prêtent particulièrement à une comparaison littéraire entre paysages pacifiques et atlantiques car tous deux ont écrit, outre les romans cités qui constitueront le cœur de notre analyse, d’autres textes qui gravitent autour des deux océans: pour Pierre Loti, L’île de Pâques. Journal d’un aspirant de la Flore et pour Victor Hugo, Les Travailleurs de la mer. Comment se présente la mise en scène littéraire de la convivence et de la relationalité dans le contexte de l’Atlantique et du Pacifique, compris comme des espaces de mobilité ultra-complexes? 91 Dossier Dans quelle mesure ces océans, mis en littérature, interviennent-ils dans les questions de la coexistence? Puisque la pensée archipélique s’est établie comme topos de l’analyse contemporaine de la culture, la question est de savoir s’il existait dès le 19 e siècle bien plus de liens multiples entre les îles que cela a été supposé jusqu’à présent. Quel rôle joue la force d’attraction, si volontiers citée, du colonialisme français et de sa très personnelle mission civilisatrice? Ou, plus concrètement: de quelle manière la dimension du „trans“ est-elle mise en scène à l’époque de l’expansion coloniale? Victor Hugo: les paysages marins entre romantisme social et francophilie Les apparences matines sont fugaces à tel point que, pour qui l’observe longtemps, l’aspect de la mer devient purement métaphysique; cette brutalité dégénère en abstraction. C’est une quantité qui se décompose et se recompose. Cette quantité est dilatable: l’infini y tient. Le calcul est, comme la mer, un ondoiement sans arrêt possible. La vague est vaine comme le chiffre. Elle a besoin, elle aussi, d’un coefficient inerte. Elle vaut par l’écueil comme le chiffre par le zéro. Les flots ont comme les chiffres une transparence qui laisse apercevoir sous eux des profondeurs. Ils se dérobent, s’effacent, se reconstruisent, n’existent point par eux-mêmes, attendent qu’on se serve d’eux, se multiplient à perte de vue dans l’obscurité, sont toujours là. Rien, comme la vue de l’eau, ne donne la vision des nombres. Sur cette rêverie plane l’ouragan.9 Dans cet extrait de La Mer et le vent rédigé en 1881, la force que Victor Hugo confère à l’océan Atlantique est particulièrement éloquente. L’Atlantique revêt une dimension métaphysique exprimée dans l’aphorisme: „Il existe ainsi une sorte de ‘paradigme océanique’ hugolien“. 10 La collection de dessins réalisés par Victor Hugo en personne et intitulée Paysages de la mer en est l’illustration. Si dans ce récit les questions de la coexistence ne sont pas débattues sur un plan ethnique et colonial, elles occupent en revanche une position centrale dans un de ses textes paradigmatiques antérieurs, qui possède une dimension transatlantique de par sa localisation en Haïti: Bug-Jargal (1818/ 26). La mise en scène raciste de populations noires et de couleur de Saint-Domingue - selon les termes de l’époque - se heurte à la description positive de son protagoniste noir et à quelques remarques antiracistes du narrateur, qui nous plongent dans une ambivalence troublante dont on n’échappe que grâce au motif du bon sauvage. 11 Lorsque son héros déclare: „Il n’y a sur terre ni blancs ni noirs, il y a des esprits“, il est difficile de savoir à quoi s’en tenir. Bug-Jargal illustre en premier lieu l’auto-stéréotype des anciens planteurs, qui continuaient à réclamer des indemnisations ou la restitution de leurs biens perdus et qui alimentaient Victor Hugo en informations subjectives sur les événements historiques de Saint-Domingue. Cet aspect en a d’ailleurs fait par la suite un texte modèle pour les auteurs békés de Guadeloupe et de Martinique, qui, jusqu’en 1848, ont composé des textes antiabolitionnistes avant de s’orienter vers le thème 92 Dossier du travail de mémoire en faisant l’apologie de l’esclavage paternaliste. Parmi les stéréotypes présents dans Bug-Jargal ne figurent pas seulement la glorification des monarchistes et le désaveu des révolutionnaires, des philanthropes et des abolitionnistes de la métropole. Ils dressent aussi un portrait des révolutionnaires haïtiens sous les traits d’une horde de bouchers affabulés, stupides et barbares, suivant sans but leurs impulsions primitives et qui, pour assouvir leurs instincts sanguinaires, auraient assassiné innocents, vieillards, femmes et enfants, puis profané leurs dépouilles mortelles pour en faire des trophées. Certains d’entres eux auraient flairé l’opportunité du moment et tiré personnellement profit de la révolte des esclaves. Les gens de couleur en particulier sont dépeints comme des meneurs, avides de pouvoir et égocentriques, d’habiles démagogues manipulant la masse noire ignorante et interprétant la liberté comme le pouvoir d’imposer leur arbitraire. Pourtant, dans l’ensemble, leurs maîtres avaient été bons, des pères sévères mais aimants. Sous la plume de Victor Hugo, Haïti est une île en passe de perdre les valeurs de la mère patrie française. Il met en lumière la juxtaposition, la relationalité potentielle, de différents groupes ethniques qui s’étaient côtoyés par hasard puis avaient tourné le dos à la coexistence paisible du régime colonial prérévolutionnaire. Ce qui est essentiel ici: la puissance du rayonnement de la France et du lien établi avec elle s’expliquent par sa capacité à intégrer l’Autre colonial ou à se transformer dans le rapport à autrui, lui donnant ainsi l’impression d’une vie en société de qualité, c’est-à-dire en propageant l’idée de la convivence. La réorganisation et l’institutionnalisation du savoir au début du 19 e siècle en sont des symptômes, en particulier la naissance de l’ethnologie en tant que discipline scientifique, qui a permis de systématiser le discours sur l’altérité (concernant Haïti par exemple, avec l’introduction de la phrénologie) en faisant entrer l’Autre dans les premiers musées. L’idée française de la mission civilisatrice ne s’épanouit réellement qu’au 19 e siècle - malgré la perte douloureuse d’Haïti, dont la violente émancipation a été un signal d’alarme entendu bien au-delà de la sphère coloniale française. Les paradigmes des paysages culturels convivence/ relationalité sont d’une pertinence frappante au regard de la francophonie en particulier, car ils permettent de briser la bipolarisation usuelle des rapports coloniaux. Qui entre en contact avec qui et où? Dans quelle mesure une relationalité fortuite peut-elle constituer le fondement de la convivence? Je défends la thèse selon laquelle le concept de la francophonie puise son origine dans la mission civilisatrice de la première moitié du 19 e siècle, dont la force d’attraction culturelle continue d’avoir des répercutions significatives et lourdes de conséquences. Elle reposait sur une relationalité fortuite d’éléments isolés, mais sa finalité est la convivence. Dans les Caraïbes par exemple, on ne trouvait en effet pas seulement des colons français et des esclaves, mais aussi des Polonais, des Indiens, des Chinois et diverses ethnies africaines qui étaient séparées dès la traversée, etc. 93 Dossier Il semble ainsi évident que le concept de relationalité n’est, au mieux, opérant que pour la cohabitation d’acteurs isolés et non pour décrire les flux culturels entre les îles. La pensée atlantique est également sensible dans un autre texte de Victor Hugo, au titre évocateur: Les Travailleurs de la mer. Voir manœuvrer dans l’insondable et dans l’illimité la diffusion des forces, rien n’est plus troublant. On cherche des buts. L’espace toujours en mouvement, l’eau infatigable, les nuages qu’on dirait affairés, le vaste effort obscur, toute cette convulsion est un problème. Qu’est-ce que ce tremblement perpétuel fait? Que construisent ces rafales? Que bâtissent ces secousses? Ces chocs, ces sanglots, ces hurlements, qu’est-ce qu’ils créent? A quoi est occupé ce tumulte? Le flux et le reflux de ces questions est éternel comme la marée. Gilliatt, lui, savait ce qu’il faisait; mais l’agitation de l’étendue l’obsédait confusément de son énigme. A son insu, mécaniquement, impérieusement, par pression et pénétration, sans autre résultat qu’un éblouissement inconscient et presque farouche, Gilliatt rêveur amalgamait à son propre travail le prodigieux travail inutile de la mer.12 La dimension politique et les vagues de la mer sont mêlées dans une relation inextricable. Le théâtre des événements est l’île de Guernesey dans la Manche. Pendant son exil, Victor Hugo y vit à Hauteville House et où il s’adonne à l’étude intensive de la géographie, de la nature et de la population de l’île. Gilliatt monta sur la grande Douvre. De là, il voyait toute la mer. L’ouest était surprenant. Il en sortait une muraille. Une grande muraille de nuée, barrant de part en part l’étendue, montait lentement de l’horizon vers le zénith. Cette muraille, rectiligne, verticale, sans une crevasse dans sa hauteur, sans une déchirure à son arête, paraissait bâtie à l’équerre et tirée au cordeau.13 Strubel signale que Victor Hugo avait conçu Les Travailleurs de la mer comme la dernière partie d’une trilogie, dont l’objectif était d’illustrer les trois forces contre lesquelles l’homme est contraint de se battre. Dans Notre-Dame de Paris il se penche sur la question du pouvoir de la religion, dans Les Misérables c’est la société qui est au cœur de ses préoccupations. La troisième partie est principalement consacrée à la nature, qui, à la fin du roman, viendra chercher le personnage principal, Gilliatt, alors que celui-ci l’avait domptée. Le pêcheur renoncera à son amour pour Deruchette et la mer le fera disparaître, comme le soleil son nom sur la neige. 14 Il semble qu’une faculté d’expression restreinte soit la condition nécessaire au rapport entre l’homme et la nature, avec son mutisme inhérent. Strubel souligne que l’articulation laborieuse de Gilliatt contraste vivement avec le monologue des vagues, les descriptions des falaises escarpées de Douvres en combat éternel avec l’eau, ou encore avec les ambiances lyriques qui imprègnent la description hugolienne de la mer et des nuages. C’est comme si Gilliatt, qui prononce à peine un mot au cours du roman dont il est l’un des personnages principaux, se réfugiait dans un autre langage dénué de références, celui du devenir et du flétrissement des plantes, du rythme régulier des marées et des tempêtes. 15 Cela se révélera 94 Dossier avantageux lors de son combat héroïque contre la mer. La superstition avec laquelle la population associe Gilliatt aux conditions météorologiques montre à quel point il est lui-même perçu comme un phénomène naturel. Dans une vaste satire, Hugo se moque de telles mystifications qui s’accrochent à tout ce qui sort de l’ordinaire, alors que la soi-disant sorcellerie de Gilliatt se fonde visiblement sur des réactions adéquates à des observations précises. 16 Dans son essais L’Archipel de la Mer, conçu comme une sorte de chapitre préliminaire de Les Travailleurs de la Mer mais publié isolément en 1883, Hugo écrit: L’Atlantique ronge nos côtes. La pression du courant du pôle déforme notre falaise ouest. La muraille que nous avons sur la mer est minée de Saint-Valéry-sur-Somme à Ingouville, de vastes blocs s’écroulent, l’eau roule des nuages de galets, nos ports s’ensablent ou s’empierrent. Chaque jour un pan de la terre normande se détache et disparaît sous le flot. Ce prodigieux travail, aujourd’hui ralenti, a été terrible. Il a fallu pour le contenir cet éperon immense, le Finistère. Qu’on juge de la force du flux polaire et de la violence de cet affouillement par le creux qu’il a fait entre Cherbourg et Brest. Cette formation du golfe de la Manche aux dépens du sol français est antérieure aux temps historiques. La dernière voie de fait décisive de l’océan sur notre côte a pourtant date certaine. En 709, soixante ans avant l’avènement de Charlemagne, un coup de mer a détaché Jersey de la France. D’autres sommets des terres antérieurement submergées sont, comme Jersey, visibles. Ces pointes qui sortent de l’eau sont des îles. C’est ce qu’on nomme l’archipel normand.17 Cette citation illustre bien une amorce de pensée sous-marine et archipélique, mais celle-ci n’est pas exploitée. Si la convivence est un thème régulièrement développé par Hugo, l’idée de la relationalité n’est pas sciemment poursuivie. La représentation de l’Atlantique comme force de la nature établit un lien avec l’élément socio-révolutionnaire. Seule une observation parallèle des évènements révolutionnaires haïtiens de 1804 dans Bug-Jargal et de la puissance naturelle de l’océan Atlantique dans Les Travailleurs de la mer permet de révéler la fonction incommensurable d’un paysage culturel océanique qui ne compose pas avec les éléments culturels de chacune des îles, mais dont LE point de référence central est Paris, épicentre de l’empire colonial. Pierre Loti: les paysages exotiques comme isolement „[…] la race indigène s’est éteinte, l’île n’est plus qu’une grande solitude au milieu de l’Océan, habitée seulement par ses vieilles statues de pierre“, 18 écrit Pierre Loti, de son vrai nom Julien Viaud, dans son récit de voyage consacré à l’île de Pâques sur laquelle il fait escale en tant que lieutenant du vaisseau amiral français la Flore le 7 janvier 1872. Dans sa description de l’île de Pâques, la notion d’isolement domine, mais la signification accordée au caractère relationnel de l’île frappe toutefois d’emblée. La 95 Dossier multiplicité des relations n’y est pas positivement connotée mais évoquée sobrement, souvent au travers de comparaisons statiques: On chantait autour de moi une sorte de mélopée plaintive et lugubre, c’était sans cesse les mêmes notes indéfiniment répétées; l’harmonie, le rythme, les voix, n’avaient rien de comparable avec ce que nous entendions de plus bizarre en Europe et les passages les plus audacieux de l’Africaine sont bien loin encore de cet idéal de sauvagerie.19 Dans ce texte, le caractère exotique est présenté sous l’angle d’une atmosphère générale quasiment dépressive. C’est sans doute la raison pour laquelle les autres romans et récits de voyages - en partie plus connus - écrits par Julien Viaud (1850-1923), devenu célèbre sous le pseudonyme de Pierre Loti, n’ont pas fait l’unanimité au sein de la recherche littéraire. Je me réfère dans ce qui suit aux développements de Karl Hölz, qui souligne que le statut de Loti au sein de la littérature exotique, autant que sa contribution au colonialisme politique moderne, sont sujets à caution. 20 Il est évident que Loti s’inscrit dans la tradition de la littérature d’évasion, telle qu’elle a été créée par Bernardin de Saint-Pierre et prisée par Chateaubriand et Fromentin, jusqu’à Gautier ou Baudelaire. A l’image des auteurs cités, qui, tout en mettant l’accent sur différents aspects - rêve, nostalgie, ennui -, projettent leurs fantasmes dans un ailleurs, Loti capte l’exotique sous l’angle d’une sensibilité subjective. 21 Hölz met en exergue que Pierre Loti n’a pas accompli la mise au pas de l’exotisme et du colonialisme dans son œuvre. D’une part, ses héros ne s’adaptent pas à l’esprit de pionnier bâtisseur des colonisateurs conquérants, d’autre part, Loti ne partage pas l’enthousiasme de la politique d’expansion coloniale. Il contredit au contraire tous les arguments qu’utilisent les doctrinaires politiques pour justifier la domination étrangère de la France. 22 Il est dès lors moins étonnant que l’exotisme subjectif de Loti, malgré ses thèses anticolonialistes, comporte encore quelques séquelles de l’annexion coloniale. Prenons simplement le regard qu’il pose sur l’étranger et la manière dont il l’utilise pour justifier ses propres désirs et angoisses: réifié, l’étranger est alors inclus par un geste impérialiste dans l’horizon de sa propre conscience. 23 On continue ainsi à se demander s’il l’on peut affirmer ici que l’auteur met en scène la convivence/ coexistence. Le roman Le Mariage de Loti enchevêtre étroitement idylle exotique entre Harry, le je-narrateur, et Rarahu, une beauté indigène de Bora Bora dans les îles des mers du Sud d’une part, avec l’expérience passagère de la confrontation à l’étranger d’autre part. Aux yeux du héros, Rarahu remplit tous les critères des constantes anthropologiques indispensables au schéma de l’ordre colonial, aussi bien d’un point de vue physiologique que psychique. 24 Ses yeux noirs, son nez court et fin, ses longs cheveux noirs épais, couronnés par la „langueur exotique“ et la „douceur câline“ qu’il découvre dans son regard, font de Rarahu le „type accompli de cette race maorie“. 25 96 Dossier C’est précisément cette codification ethnique et raciale qui fonde une donnée préliminaire de la vision ultime de l’exotisme. Conformément aux prédictions des modèles d’évolution biologique, le narrateur considère que les races prétendument primitives sont condamnées à disparaître au contact de la civilisation. 26 Notre héros essaie, avec une patience patriarcale, d’inculquer à „l’intelligence infantile“ de Rarahu cette vérité philosophique et culturelle de l’évolutionnisme: „Je pense, ô ma petite amie, que sur ces terres lointaines sont disséminés des archipels perdus; que ces archipels sont habités par une race mystérieuse bientôt destinée à disparaître; que tu es une enfant de cette race primitive.“ 27 Rarahu, dépitée, confirme au narrateur que, pour des raisons de racisme, son destin est effectivement sans perspective et elle illustre ces propos par l’image désenchantée d’un amour qui n’existerait vraiment que dans l’instant de compassion apitoyée de l’homme blanc. 28 Torsten König propose une lecture de Loti qui ouvre la voie vers une différenciation des études sur le Pacifique au sein de l’empire colonial français. Le Mariage de Loti se saisit du mythe de l’île délicieuse créé par Bougainville et Diderot. Tahiti est la Nouvelle-Cythère, l’île d’amour où l’on propose des jeunes femmes aux voyageurs étrangers et où le bon sauvage survit au cœur d’une nature exubérante. 29 Loti approfondit ce mythe et évoque les phantasmes occidentaux liés à la vahiné. Ses rêveries se mêlent à des descriptions pittoresques d’une nature où tout foisonne: suaves Tropiques. Il y ajoute des éléments d’un exotisme tropical très à la mode à cette époque et qui sous-tend Les Fleurs du mal de Baudelaire (1857/ 1868) ou Noa Noa (1873/ 1897) de Paul Gauguin. 30 Pendant son voyage sur le Pacifique en 1871-1872, Loti a pu se faire une idée des conditions de vie difficiles régnant à Tahiti. C’est sans doute après cette expérience qu’il a rédigé son rapport sur les tristes conséquences de l’invasion européenne sur les populations locales. Au regard de la dégénérescence de la société tahitienne, il décrit la disparition du sauvage innocent et pur de l’ère précoloniale. Dans sa fiction pseudo-ethnographique, Loti critique ouvertement le colonialisme en se plaçant dans la perspective d’un exotisme qui ne manque pas d’accents racistes. Le Mariage de Loti est ainsi significatif d’une phase de la pensée occidentale où l’on voulait s’approprier les étrangers. 31 Les noms de Tahiti et de Polynésie offrent une vaste surface de projection à l’imaginaire européen. Le texte de Loti est truffé d’allusions à l’isolement des îles: Allez loin de Papeete, là où la civilisation n’est pas venue, là où se retrouvent sous les minces cocotiers, - au bord des plages de corail -, devant l’immense Océan désert, - les districts tahitiens, les villages aux toits de pandanus. - Voyez ces peuplades immobiles et rêveuses; - voyez au pied des grands arbres ces groupes silencieux, indolents et oisifs, qui semblent ne vivre que par le sentiment de la contemplation… Ecoutez le grand calme de cette nature, le bruissement monotone et éternel des brisants de corail; - regardez ces sites grandioses, ces mornes de basalte, ces forêts suspendues aux montagnes sombres, et tout cela, perdu au milieu de cette solitude majestueuse et sans bornes: le Pacifique.32 97 Dossier Que pouvons-nous en conclure pour notre questionnement sur la convivence et la relationalité? A considérer l’essence fondamentale de l’exotisme, la question est de savoir s’il y existe une mise en scène d’un projet de vie en commun. Si tant est qu’elle y est présente, il faut la chercher dans une dimension supérieure: dans l’affirmation qu’une coexistence des cultures est impossible dans la cadre d’un processus d’appropriation coloniale, comme le démontre Torsten König. La mise en scène constante de la relationalité en est d’autant plus marquante: les relations multidimensionnelles avec d’autres îles océaniennes y sont omniprésentes. La Polynésie de Loti incarne le phantasme des imaginaires européens, construits sur les fictions géographiques d’un territoire isolé et clos dont toute la légitimation émane de la France. Le système colonial, qui repose sur les relations entre puissance colonisatrice et île colonisée, crée un imaginaire géoculturel qui privilégie précisément ces relations. 33 König souligne encore que la perception de différentes aires dans l’océan Pacifique correspond bien à l’image d’îles isolées, mais que les îles voisines et l’existence d’un archipel jouent un rôle capital. Cependant, le regard du héros de Loti sur Tahiti se fait toujours à partir d’une perspective française. La Polynésie est ici considérée et envisagée dans le contexte d’un vaste Pacifique francophone dont Papeete est le centre administratif. Au début du 20 e siècle, il est difficile d’écrire sur le Pacifique sans faire référence à Pierre Loti. Ce n’est pourtant pas lui qui a inventé l’image des relations sensuelles entre l’Européen et la femme indigène. Dès 1860 paraissait Les Derniers Sauvages, la vie et les mœurs aux îles Marquises 1842-1859 de Maximilien Radiguet, secrétaire de l’amiral Dupetit Thouard. 34 La version littéraire de Tahiti transcrite par Loti est contemporaine de la percée de l’ethnographie. Avant la fin du 19 e siècle il n’existait que deux monographies ethnologiques, Voyage aux îles du Grand Océan de Jacques-Antoine Moerenhout (1837) et Etat de la société tahitienne d’Edmond Bovis (1851). 35 Quelques indices isolés permettent de conclure à l’existence d’un lien solidaire entre les îles: Toute petite, elle avait été embarquée par sa mère sur une longue pirogue voilée qui faisait route pour Tahiti. Elle n’avait conservé de son île perdue que le souvenir du grand morne effrayant qui la surplombe. La silhouette de ce géant de basalte, planté comme une borne monstrueuse au milieu du Pacifique, était restée dans sa tête, seule image de sa patrie.36 L’histoire de la situation culturelle et sociale polynésienne, l’échange entre les îles et les réseaux économiques et sociaux de l’époque précoloniale restent inconnus. Dans les rares publications existant sur cette région au 19 e siècle, c’est toujours l’image des îles perdues au milieu de l’océan qui est véhiculée. Le voyageur suisse Eugène Hänni décrit ainsi: En voyant s’ouvrir devant moi les vastes solitudes du Pacifique et en songeant aux minuscules dimensions de l’île que je venais de quitter, je me disais: tout de même, il est 98 Dossier drôle d’habiter dans des endroits pareils, simples mottes de gazon perdues dans les immensités de l’Océan! 37 Il existe dans le roman de Loti de nombreux exemples illustrant les relations entre les îles océaniennes, même si le lien dominant est établi avec la métropole. La mère de Rarahu l’avait amenée à Tahiti, la grande île, l’île de la reine, pour l’offrir à une très vieille femme du district d’Apiré qui était sa parente éloignée. Elle obéissait ainsi à un usage ancien de la race maorie, qui veut que les enfants restent rarement auprès de leur vraie mère.38 Concernant l’omniprésence de l’eau, le passage suivant montre que la symbiose élémentaire possède un caractère existentiel: „Rarahu et Tiahoui étaient deux insouciantes et rieuses petites créatures qui vivaient presque entièrement dans l’eau de leur ruisseau, où elles sautaient et s’ébattaient comme deux poissonsvolants.“ 39 Tandis que pour le théoricien de la culture Epeli Hau’Ofa, évoqué au début de notre contribution, l’élément de la relationalité représente un aspect essentiel de toute lecture de l’Océanie dans les débats contemporains, envisagé en termes de „sea of islands“, la vision de Loti correspond bien plus à celui d’„islands in a far sea“: [...] Continental men, namely Europeans, on entering the pacific after crossing huge expanses of ocean, introduced the view of „islands in a far sea“. From this perspective the islands are tiny, isolated doors in a vast ocean. Later on, continental men - Europeans and Americans - drew imaginary lines across the sea, making the colonial boundaries that confined ocean peoples to tiny spaces for the first time. These boundaries today define the island states and territories of the Pacific.40 Synthèse Les mises en scène de paysages marins servent d’indicateurs de la propension (ou non) des auteurs à se détacher des images de la nature coloniale/ exotique et à créer des textes qui livrent progressivement une nouvelle lecture du pays et de son paysage afin de se l’approprier par l’imaginaire et le langage. 41 La topique paysagère marine postcoloniale, fréquente dans la littérature exotique du 19 e siècle, est particulièrement probante pour notre questionnement, car la colonisation impliquait également une annexion et une codification linguistiques et littéraires. Des paysages étaient appréhendés au travers de grilles de représentations et de mires européennes pour les rendre accessibles à l’ancien monde. 42 Chez nos deux auteurs, les paysages marins sont les sources auxquelles s’abreuve l’écriture. La mer comme inspiration poétique, mais aussi comme enjeu social qui rend implicitement possible la traite des hommes. De prime abord il semble impossible d’identifier la présence d’un potentiel analytique culturel comparable à l’approche en termes de Black Atlantic ou de Black Pacific 43 dans les débats 99 Dossier contemporains sur le 19 e siècle. Toutefois, ces perspectives sont certes latentes mais bien plus présentes que supposé jusqu’ici. L’Océanie en tant que continent invisible s’exprime chez Loti par le fait que l’étalon est toujours la métropole. Au demeurant, une autre caractéristique de son écriture est la présence continue de la multiplicité des liens entres les îles. Il existe dans ses textes des indices subtils indiquant l’existence d’échanges actifs. Cet aspect est bien plus marqué que chez Hugo, qui avait grand intérêt à atteindre les lecteurs français et à donner une nouvelle lecture de la perte de l’ancienne perle de l’empire colonial français. Les deux auteurs ont en commun de marteler autant que faire se peut que la France est une puissance coloniale douée d’une grande force d’attraction culturelle. Dans la mesure où la convivence joue un rôle plus central chez Hugo que chez Loti, il préfigure les élaborations théoriques transatlantiques, qui trouveront deux siècles plus tard une place de choix dans les discours identitaires sur la créolité et d’autres courants. L’idée de la multiplicité des liens et de structures fondamentales archipéliques devra cependant patienter longtemps avant de s’imposer au sein de l’espace atlantique. Le paradigme de la convivence considéré dans sa dimension transatlantique a des racines socio-romantiques, mesurées à l’aune des valeurs héritées de la Révolution française, qui sabotent la polyrelationalité. Il masque la relationalité au plan théorique. La situation est inverse dans l’espace pacifique, surtout en ce qui concerne les positions théoriques des cultural studies: la domination de la lecture exotique rend obsolète toute mise en scène littéraire d’une notion programmatique de la convivence. En contrepartie, les éléments de relationalité se manifestent d’autant plus, bien qu’ils ne soient pas encore exploités durant le 19 e siècle: „Il est, au milieu du Grand Océan, dans une région où l’on ne passe jamais, une île mystérieuse et isolée; aucune terre ne gît en son voisinage et, à plus de huit cents lieues de toutes parts, des immensités vides et mouvantes l’environnent.“ 44 Traduit de l’allemand par Valentine Meunier et Martine Sgard 1 Epeli Hau’Ofa, We are the ocean. Selected Works, Honolulu, University of Hawai Press, 2008, 22. 2 Edouard Glissant, Introduction à une poétique du divers, Paris, Gallimard, 1996, 244. 3 Manfred Schmeling, Monika Schmitz-Emans, „Einleitung“, in Manfred Schmeling, Monika Schmitz-Emans (eds.), Das Paradigma der Landschaft in Moderne und Postmoderne. (Post-)Modernist Terrains: Landescapes - Settings - Spaces, Würzburg, Königshausen & Neumann, 2007, 21-36 et 22. 4 Ibid., 22. 5 Ibid., 22. 6 Selon Joachim Ritter, chaque élément de la nature ne devient paysage que lorsque l’homme se tourne vers eux sans autre fin pragmatique que d’être lui-même dans la na- 100 Dossier ture, libre et en contemplation délectable. Joachim Ritter, „Landschaft. Zur Funktion des Ästhetischen in der modernen Gesellschaft“, in Subjektivität. Sechs Aufsätze, Frankfurt am Main, Suhrkamp, 1974, 141-163, ici 150sq., cité d’après Manfred Schmeling, Monika Schmitz-Emans, op. cit., 22. 7 Edouard Glissant, Le discours antillais, Paris, Gallimard, 2002, 21. 8 Antonio Benítez Rojo, La isla que se repite, Barcelona, Casiopea, 1998, 396. 9 Victor Hugo, „La Mer et le vent. Proses philosophiques des années 1860-1865“, in Victor Hugo, Maison de Victor Hugo, Cet immense rêve de l’océan… Paysages de mer et autres sujets marins, Paris, Paris musées, 2005, 17. 10 Ibid., 13. 11 Gudrun Wogatzke, Identitätsentwürfe. Selbst- und Fremdbilder in der spanisch- und französischsprachigen Prosa der Antillen im 19. Jahrhundert, Frankkurt am Main, Vervuert, 2006, 122. 12 Victor Hugo, Les Travailleurs de la Mer, 3 tomes, Paris, Emile Testard, [1866] 1892, t. II, 62. 13 Ibid., 350. Cf. Marva A. Barnett, Victor Hugo. On things that matter, New Haven, London, 2010, 159. 14 Anje Ravic Strubel, Die Arbeiter des Meeres, 2003, in http: / / www.dradio.de/ dlf/ sendungen/ buechermarkt/ 165895/ [09.02.2012]. 15 Ibid. 16 Ibid. 17 Victor Hugo, „L’Archipel de la Manche“ [1883], in Œuvres complètes de Victor Hugo, t. III, éd. Yves Gohin, Paris, Robert Laffont, 2002, 3. 18 Pierre Loti, L’île de Pâques. Journal d’un aspirant de la Flore, Saint-Cyr-sur-Loire, C. Pirot, 2006, 32. 19 Ibid., 37. 20 Karl Hölz, Zigeuner, Wilde und Exoten. Fremdbilder in der französischen Literatur des 19. Jahrhunderts, Berlin, Erich Schmidt, 2002, 158. 21 Ibid., 158. 22 Ibid., 159. 23 Ibid., 161. 24 Ibid., 181. 25 Pierre Loti, Le mariage de Loti, Paris, Flammarion, [1880] 1991, 53, cité d’après Sonia Faessel, Visions des îles: Tahiti et l’imaginaire européen. Du mythe à son exploitation littéraire (XVIII e - XXI e siècles), Paris, L’Harmattan, 2006, 137. 26 Karl Hölz, op. cit., 181. 27 Pierre Loti, Le mariage de Loti, Paris, Flammarion, [1880] 1991, 138 et 134, cité par Karl Hölz, op. cit., 181. 28 Karl Hölz, op. cit., 182. 29 Torsten König, „L’imaginaire géopolitique de la Polynésie dans la littérature française: de Bougainville à Chantal T. Spitz“, in Ottmar Ette, Gesine Müller (eds.), Archipels de la mondialisation. Archipiélagos de la globalización, Madrid, Vervuert (sous presse, sortie prévue en 2012), 2 (je cite le manuscrit). 30 Ibid., 2. 31 Ibid., 7. 32 Pierre Loti, Le mariage de Loti, Paris, Flammarion, [1880] 1991, 68sq., cité par Torsten König, op. cit., 7. 33 Cf. Torsten König, op. cit., 7. 101 Dossier 34 Ibid., 7. 35 Ibid., 7. 36 Pierre Loti, Le mariage de Loti, Paris, Flammarion, [1880] 1991, 51. 37 Eugène Hänni, Trois ans chez les Canaques. Odyssée d'un Neuchâtelois autour du monde, Lausanne, Payot, 1908, 173, cité par Torsten König, op. cit., 9. 38 Pierre Loti, Le mariage de Loti, Paris, Flammarion, [1880] 1991, 51. 39 Ibid., 56. 40 Epeli Hau’Ofa, op. cit., 22. 41 Gabriele Blümig, Retour au paysage natal. Zur Natur im postkolonialen Roman der frankophonen Antillen, Würzburg, thèse de doctorat, 2004, 11, http: / / www.opusbayern.de/ uniwuerzburg/ volltexte/ 2006/ 1741/ pdf/ Dissertation_Bluemig_Gabriele.pdf [30 avril 2009]. 42 Ibid., 11. 43 Citons ici le phénomène des Blackbirds, particulièrement répandus en Océanie à partir de la seconde moitié du 19 e siècle. 44 Pierre Loti, L’île de Pâques. Journal d’un aspirant de la Flore, Saint-Cyr-sur-Loire, C. Pirot, 2006, xxx.