eJournals lendemains 43/170-171

lendemains
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2941-0843
Narr Verlag Tübingen
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2018
43170-171

Du corps social morcelé à l’image-écran

2018
Lisa Zeller
ldm43170-1710185
185 Dossier Lisa Zeller Du corps social morcelé à l’image-écran Formes actuelles de représentation sociale ‚en mosaïque‘ Les ouvrages collectifs comme Les Français peints par eux-mêmes (1840-42), bientôt imité en Espagne par Los Españoles pintados por sí mismos (1843-44), suggèrent l’existence d’un désir d’autoreprésentation à une époque où l’idée de souveraineté du peuple avait déjà plusieurs décennies sans avoir été démocratiquement réalisée. Les Français étaient toujours représentés par un roi. Tout se passe alors comme si les éléments de la mosaïque sociale qui figure sur le frontispice du Leviathan de Hobbes (1651, cf. fig. 3) sous la forme d’un corps géant aient été représentés dans ces ouvrages avant d’être représentés au niveau politique. Si aujourd’hui, nous assistons à un renouveau de semblables représentations collectives, les promoteurs de celles-ci se réclament d’un même désir: depuis des dizaines d’années, la crise de la représentation politique et notamment démocratique est proclamée (cf. par exemple Crouch 2004) et, selon Pierre Rosanvallon, qui mit sur pied le projet „Raconter la vie“, 1 „[l]e temps est venu de proposer une forme d’ensemble à toutes les attentes de reconnaissance qui se manifestent, pour les constituer en un mouvement explicite, leur donner un sens positif et une cohérence“ (Rosanvallon 2014: 23). Ce projet n’avait donc pas seulement comme objectif de donner aux individus la possibilité de s’exprimer - pour cela, il y a Facebook et les zones commentaires des médias en ligne. L’objectif était plutôt - à part une meilleure lisibilité du social - de trouver „une forme d’ensemble“ et une „cohérence“ tout en montrant que le peuple „n’existe qu’au pluriel, qu’il ne peut être saisi que dans sa diversité et sa complexité“ (ibid.: 12), enfin: de résoudre la difficulté de „représenter une société d’individus“ (ibid.: 15). Il s’agit alors de représenter les éléments d’un corps social ‚morcelé‘ tout en trouvant une forme nouvelle pour suppléer à l’image du roi géant du frontispice du Léviathan dont le corps avait visualisé la cohésion et pour lequel, comme l’a montré par exemple Philip Manow (2008), on cherche des substituts - ou des fétiches - depuis la Révolution française. Pour les témoignages issus du projet „Raconter la vie“, c’étaient l’assemblage visuel sur un site web ainsi qu’un design commun et la sérialisation qui ont prêté une cohérence représentative aux différentes expressions individuelles. Comme dans le Léviathan, c’est donc avant tout le visuel qui assure la cohérence de ces expressions. On ne s’étonne pas alors du fait qu’actuellement, nous voyons de nombreuses représentations audiovisuelles (cinématiques et télévisuelles) de la société ‚en mosaïque‘, c’est-à-dire des représentations dans lesquelles un nombre élevé de personn(ag)es deviennent protagonistes tout en étant représentés en tant qu’individus (et non pas en tant que protagoniste collectif). Cet article propose d’en présenter quelques-unes en s’interrogeant sur les différentes formes par lesquelles ces mosaïques représentent le lien social ou en postulent un, sur les images de la société qu’elles produisent, sur les références d’identification collective qu’elles proposent 186 Dossier et sur leurs enjeux politiques. Afin de décrire les différentes formes, je recourrai à la terminologie du „tissage narratif“ élaborée par Hélène Breda (cf. Breda 2015 et sa contribution dans ce dossier). Un épilogue sur le roman Vernon Subutex de Virginie Despentes conclura la réflexion sur les enjeux des tissages socio-narratifs dans la société actuelle. Une mosaïque sociologique de la société urbaine d’aujourd’hui: 24h Berlin 24h Berlin - Ein Tag im Leben (2009) est un documentaire télévisuel de 24 heures qui représente, en temps quasiment réel, une journée d’environ 80 habitants de Berlin. L’intention du directeur artistique Volker Heise et du producteur Thomas Kufus était de s’interroger, une vingtaine d’années après la chute du mur, sur l’identité de Berlin, dont ils voulaient donner une représentation socioculturelle (cf. ZeroOne 2009a: 11); il s’agissait de „capter le kaléidoscope qu’est Berlin“ (Le Monde TV & Radio, in ZeroOne 2008: 6). L’objectif était tout autant analytique que politique: „Jeder hat das Recht, seine Stimme zu erheben, das ist ein demokratischer Ansatz“, dit Heise (cité dans ibid.: 3). Le résultat de ce projet balzacien est un portrait de la ville ‚en mosaïque‘, une autoreprésentation collective, multi-médiale et hybride: pour chaque ‚protagoniste‘ berlinois, il y avait une équipe de tournage qui l’a accompagné dans sa journée; le matériau a été monté en film et l’intégralité de la matière première - 750 heures - est présentée dans une archive numérique (www.first-we-take-berlin. de) à partir de laquelle chacun est libre de faire de nouveaux montages. En plus du matériau filmé par les équipes de tournage, le documentaire intègre des vidéos enregistrées par des particuliers sur le site du projet ainsi que les enregistrements effectués à douze ‚talk-points‘ où les passants ont été interrogés sur le déroulement de leur journée ou sur le message qu’ils voulaient communiquer aux spectateurs. Finalement, le documentaire est accompagné d’un livre intégrant des photos prises par 36 photographes et les textes de 15 auteurs qui ont parcouru la ville ce jour-là. Le relevé des données s’est fait selon des procédés utilisés par les sciences sociales: une trame statistique des différents groupes sociaux a été établie par une équipe de recherche (cf. Klauss in Heise 2009: DVD 7) afin d’assurer une certaine représentativité des protagonistes, qui ont ensuite été sélectionnés. Parfois, le relevé des faits a le caractère d’un prélèvement, quand, par exemple, une équipe de tournage accompagne une patrouille de police et qu’on ne peut pas prévoir qui elle va rencontrer ni ce qui va se passer. La récolte des données qualitatives par l’observation des occupations personnelles ce jour-là comprend les perspectives individuelles des 80 équipes de tournage et saisit encore les multiples perspectives des acteurs représentés qui, parfois, donnent aux reporters des explications et commentent leurs actions et expériences. La qualité des données dépend ainsi du degré de coopération des acteurs tout comme des équipes de tournage, qui posent plus ou moins de questions et arrivent plus ou moins bien à gagner la confiance de leurs interlocuteurs berlinois. 187 Dossier Le matériau est présenté de manière chronologique à partir d’une sélection et d’une combinaison de fragments portant sur un même sujet, parmi lesquels figurent le réveil, l’alimentation, l’occupation professionnelle, les relations amoureuses, la croyance, la musique, la naissance et la mort. À travers cet assemblage thématique et des commentaires en voix off, les expériences quotidiennes des individus sont mises en relation les unes avec les autres. 2 Par exemple, nous voyons un correspondant de France 2 qui produit un reportage sur le bunker du gouvernement de la RDA ; ce fil du récit est interrompu par celui d’un Berlinois qui consulte ses dossiers de la Stasi, suivi par une discussion sur les différences est-ouest. Le montage alterné produit ainsi un „tressage“ narratif (cf. Breda 2015: 34) des lignes d’action des 80 protagonistes. Parfois, des perspectives antagonistes sont présentées, comme au sujet de l’aide sociale: on voit la rédaction du journal BILD , qui prépare un article sur la thèse d’un chercheur selon lequel, mis à part le loyer, le chauffage et l’électricité, 132 euros par mois suffiraient pour la vie quotidienne et ensuite, on voit une mère de famille au chômage ayant des difficultés financières discuter avec une employée du bureau d’aide sociale sur la réduction de ses prestations ( DVD 3: 13h45). L’association thématique focalise l’hétérogénéité dans la vie quotidienne, en faisant alterner les images du travail d’un chef de cuisine d’un restaurant étoilé avec la ligne d’action d’une retraitée en train de préparer son dîner et la représentation d’un bénéficiaire d’aide sociale qui goûte une boîte de pâté pour chats ( DVD 4: 15h13). Ce procédé accentue la diversité et suscite une réception analytique et comparative. Il évoque l’existence d’une multitude de vies parallèles, individuelles, qui se déroulent de manière apparemment indépendantes et ne se joignent que dans deux seuls cas. 3 En même temps, la cohérence thématique, le „tressage“ des fils et la structure temporelle de la représentation, qui saute d’un fragment à l’autre, parfois très rapidement, donnent l’impression d’une interdépendance fonctionnelle et d’une cohésion de l’ensemble, notamment par le biais de la caméra qui, toutes les trente minutes, quitte les éléments de la mosaïque pour donner une vision d’ensemble. Dans ces plans, les détails représentés sont mis en relation avec des informations quantitatives (des statistiques sur la consommation actuelle d’électricité ou d’eau dans la ville, sur la criminalité, le nombre d’habitants ou d’employés des bureaux de l’emploi, etc.). Ainsi, l’audiovisuel assure la cohésion des éléments hétérogènes à travers le montage alterné, la vision globale et les informations sur l’ensemble et donne ainsi l’impression au spectateur de percevoir les „liens invisibles“ qui, selon Elias, relient entre eux les individus. 4 24h Berlin s’inscrit dans une longue tradition littéraire et cinématographique. On a mentionné La Comédie humaine, Berlin Alexanderplatz ou Ulysses comme ses modèles ainsi que les compositions cinématiques quasi-documentaires de la République de Weimar et les télé-réalités (cf. ZeroOne 2009: 3-5). À cette liste, on peut ajouter Dubliners et, surtout, le premier volume du roman-fleuve ‚unanimiste‘ Les Hommes de bonne volonté de Jules Romains, intitulé Le 6 octobre (1932), qui raconte, comme une sorte de reportage, la vie parisienne pendant une journée. Pour rendre compte de l’unité de la société dans sa diversité, Jules Romains voulait 188 Dossier dépasser „la juxtaposition de […] peintures particulières“ et „l’unité […] précaire et flottante“ de la méthode épisodique de Balzac tout comme l’unité „artificielle“ de Zola basée sur les liens de l’hérédité (Romains 1932: VII sq.) sans pour autant s’attacher, comme l’avait fait Proust, à un „foyer“ 5 narratif. Jugeant qu’un tel procédé „se rattache à une vision de l’univers social où l’individu est le centre“ (ibid.: XIII ), son choix pour créer l’impression d’un ensemble social est, au contraire, un récit ‚tressé‘ en plusieurs fils, qui parfois se perdent comme dans 24h Berlin. Britta Hartmann (2012) classe 24h Berlin dans la catégorie des films ethnographiques, parce qu’il explore et enregistre la vie quotidienne en montrant beaucoup de personnages et d’aspects que, d’habitude, on ne voit pas (et qui ne se mettent pas en scène sur les médias sociaux ni dans des produits comme ceux de la série … in a Day, voir plus loin): il y a des toxicomanes, un prisonnier, les appels à S.O.S. Amitié, des patients des hospices, la vie privée de Roms, etc. Mais 24h Berlin n’enregistre pas seulement ‚la réalité‘: la représentation de tout un éventail d’exclus dans le cadre de cette mosaïque intègre ces derniers dans la société. Si le documentaire veut rendre compte d’une représentativité statistique, il vise aussi à montrer la diversité berlinoise - économique, ethnique, sexuelle et culturelle (les participants de la vie culturelle paraissent peut-être un peu surreprésentés par rapport à la moyenne de la population tandis qu’il n’y a ni étudiants d’université, ni chercheurs). Le portrait filmique de la capitale crée l’image d’un Berlin multicolore dans lequel les différents groupes sociaux vivent les uns à côté des autres sans conflits majeurs. Il y a certes les conflits entre les chômeurs et les employés des bureaux d’aide sociale ou entre une propriétaire et son locataire qui ne paye pas son loyer. En ce qui concerne la criminalité et la violence, la voix off présente des statistiques, mais ce qu’on voit est plutôt banal: une voiture cambriolée, des groupes d’adolescents, qui, la nuit, cherchent l’aventure dans des quartiers de banlieue mais qui restent paisibles, enfin le prisonnier condamné pour meurtre et qui, repenti, dit avoir tué une femme alors qu’il délirait. Finalement, tout n’est pas visible pour la caméra et rarement peut-on percevoir des conflits sociaux plus profonds, comme lorsque, vers trois heures du matin, une remarque d’une équipe de tournage sur la xénophobie déclenche un débat sur l’immigration parmi un groupe de jeunes. En comparaison avec La misère du monde de Bourdieu (1993) par exemple, 24h Berlin est beaucoup moins centré sur les conflits de gens se côtoyant dans la vie quotidienne. L’émission semble plutôt donner la preuve de l’existence de la communauté imaginée d’une société moderne, libérale et fondée sur la répartition des tâches. Le documentaire permet d’analyser les images que se font les Berlinois de leur société (cf. le commentaire en voix off: „Vielleicht ist Berlin einfach nur jedermanns Vorstellung davon“, DVD 2: 9h26). Il montre le retour sur soi d’une capitale, une sorte d’auto-analyse collective médiatisée par l’écran de la télévision. Le spectateur peut lui-même s’inclure, avec sa propre vie quotidienne, dans cette mosaïque et participer à cette société qui s’auto-reflète. De la sorte, l’écran propose la référence à une identité locale et bien délimitée à une époque où non seulement l’intégration européenne atteint un nouveau niveau - l’idée du projet naît en 2007 - mais encore où la globalisation entre en crise. Dans 189 Dossier cette Heimat ou dans ce „chez-soi“ (cf. l’interview avec le protagoniste Aziz Sinka, DVD 5) berlinois, il y a bien des conflits, mais les protagonistes ne s’expriment pas sur une crise vécue (sur la notion de ‚Heimat‘ en tant qu’espace marqué par des conflits tout au plus anodins, cf. Faulstich 1994: 51). Toutefois, la représentation n’est pas dépourvue de sujets politiques ni de la notion de ‚crise‘: premièrement, les producteurs ont choisi comme un des protagonistes l’investisseur Harm Müller-Spreer. Comme les investisseurs dans l’immobilier donnent à une ville un visage architectural (cf. Diening 2008), ce choix est compréhensible. Or, la présentation se focalise sur le projet de construction du Spreedreieck, un projet très critiqué à l’époque. On va parler du millionnaire Müller-Spreer comme d’un fameux maître d’ouvrage et d’un spéculateur (cf. Schönball 2012). Ses investissements font partie d’un processus de ‚gentrification‘ du centre berlinois auquel la voix off fait allusion ( DVD 2: 9h26) et que la journée vécue par l’investisseur laisse entrevoir. En plus, en 2008, la crise immobilière aux États-Unis vient de déclencher la crise financière dont les conséquences se sont manifestées de plus en plus au cours de l’année de postproduction. La question de la visibilité de l’expérience de cette crise s’avère très intéressante puisque la voix off y fait plusieurs fois allusion, par exemple avec ce commentaire: An den Aktienmärkten fallen die Werte weiter. Vor allem Banktitel sind betroffen. Niemand weiß, ob es nur ein kurzes Schlingern ist oder ob die Epoche des freien, schrankenlosen Marktes ihrem Ende zutaumelt. Eine Epoche, in der Investmentbanker Helden sind und der Konsum alle Wunden heilt (DVD 3: 13h45). Ainsi, le point de vue rétrospectif amène le spectateur à chercher des manifestations de la crise dans les images de la vie quotidienne du 5 septembre 2008. Un indice symptomatique de l’absence de perception d’une crise ou de conflits profonds se présente lorsque la caméra filme Kai Dieckmann, à l’époque rédacteur-en-chef du journal BILD , qui, pendant des heures, cherche un gros titre pour la une du numéro du lendemain ou lorsque la voix off remarque que 85 pour cent des Allemands croient que la situation continue de s’améliorer („85 Prozent aller Deutschen glauben es geht weiter aufwärts“, DVD 2: 11h04). De telles remarques, qui rétrospectivement apparaissent incongrues, suscitent le désir de discerner une crise qui ne se laisse pas percevoir dans les images de la vie quotidienne mais dont on aperçoit, par contre, des signifiants comme le mot „Krise“ tagué sur un palier, dans une vidéo enregistrée par une Berlinoise ( DVD 2: 11h). À la lumière de la crise économique à venir, les investissements dans l’immobilier rapportés ici pourraient indiquer une méconnaissance du danger. S’il ne représente pas de crise vécue sur laquelle les protagonistes s’exprimeraient, 24h Berlin montre toutefois les difficultés de la vie de tous les jours à côté d’un calcul scientifique abstrait sur le montant du minimum d’existence alors que le gouvernement décidait d’allouer de larges aides financières aux banques en crise. À un moment, juste après le commentaire en voix off sur les pertes en Bourse de la Hypo Real Estate, la caméra montre la femme au chômage qui se rend à l’agence 190 Dossier pour l’emploi ( DVD 2: 9h00). En représentant l’écart économique et en montrant ceux qui n’ont pas les moyens de supporter les conséquences du refinancement des banques, 24h Berlin rappelle ainsi les besoins de la société locale à un moment où commence à s’imposer l’impression que la politique se fait moins pour celle-ci que pour les banques et pour la survie d’institutions européennes lointaines. Dans cette perspective, même si les personnages individuels ne s’expriment guère sur la politique, 6 la représentation de la société dans le média télévisuel peut elle-même jouer un rôle politique, démocratique: elle peut servir d’intermédiaire entre la société et l’État. 7 Des „selfies collectifs“: la série des projets … in a Day De même qu’au XIX ème siècle Los Españoles pintados por sí mismos imitèrent le principe des Français peints par eux-mêmes, le projet de Volker Heise a servi de modèle. Heise lui-même l’a repris avec le documentaire 24h Jerusalem (2014) et en France, une production comparable serait Les Français, un documentaire en huit épisodes diffusés en 2016 sur France 2. Mais en 2011 déjà, 24h Berlin avait été suivi par un projet à grande échelle qui a lui-même fait école: Life in a Day (Macdonald/ Scott) est un film de compilation fait à partir de 80 000 vidéos enregistrées sur Youtube venant de 192 pays et témoignant de la vie des habitants du monde entier au cours d’une journée. Le projet a ensuite été repris à l’échelle nationale d’abord par Britain in a Day (Matthews/ Scott) et Japan in a Day (Martin / Adeyto et al.) en 2012, ensuite par Italy in a Day (Salvatores 2014), et, en 2016, par India in a Day (Mehta/ Scott), Deutschland. Dein Selbstporträt (Wortmann) et Spain in a Day (Coixet). Ce sont tous des patchworks au sens d’„assemblage[s] de morceaux hétérogènes, cousus ensemble a posteriori“ (Breda 2015: 35). D’une durée d’une heure et demie environ, ils représentent, en comparaison avec le plus ambitieux 24h Berlin, beaucoup plus de personnes en beaucoup moins de temps. Les courtes vidéos d’amateurs, très souvent centrées sur les impressions et les émotions, répondent aux questions guides posées, par exemple, aux contributeurs des versions allemande et espagnole: „Was macht dich glücklich? Wovor hast du Angst? Was bedeutet Deutschland für dich? “ (cf. www.limelight-pr.de/ de/ projekt/ deutschland-dein-selbstportr-t) „¿Qué amas? ¿Qué temes? ¿En qué crees? ¿Cuál es tu sueño? “ (Paniagua 2015). Dans ces „selfies collectifs“ (cf. Rank 2016), chacun peut être pour tous les autres, pour un instant, l’image de ce que représente le roi sur le frontispice du Léviathan et donner son visage à la mosaïque sociale: c’est la promesse de la démocratie. Selon Rosanvallon, à notre âge d’„individualisme de singularité“, l’idéal d’égalité est caractérisé par le désir non plus d’„être semblable aux autres“, mais d’„être important aux yeux d’autrui“, d’avoir le droit „à voir ses idées et ses jugements pris en compte, reconnus comme ayant une valeur“ (Rosanvallon 2014: 22). Les projets … in a Day répondent à ce désir et proposent une plate-forme qui substitue le lien de représentation politique - par un parti ou un parlement - par l’autoreprésentation. Dans la 191 Dossier version allemande, c’est notamment la rubrique „Qu’est-ce qui te fait peur? “ qui rassemble les expressions politiques, partagées selon une ligne de démarcation nette entre la nouvelle droite, qui critique la politique du gouvernement de l’époque, et une petite bourgeoisie libérale, qui l’approuve. Le journaliste Frédéric Jaeger a vu dans le montage final une condamnation implicite des expressions de la droite encadrées par des messages de tolérance et d’ouverture (cf. Jaeger 2016). En tout cas, la représentation intègre les expressions critiques dans une image générale positive de la société allemande actuelle comme elle intègre l’expression d’émotions négatives. Elle traite la critique politique comme une mauvaise humeur qu’il ne faut pas refouler mais par laquelle on ne doit pas se laisser dominer. L’impression générale produite par le film est celle d’une société qui s’auto-confirme (cf. ibid.) et qui s’accepte avec ses bons et ses mauvais côtés, comme le résume assez bien le point de vue d’une contributrice: „Deutschland gibt sich immer Mühe […] gerecht zu sein“ (Wortmann 2016: 1h27). Les producteurs ont d’ailleurs choisi la vidéo d’une enfant qui déclare aimer l’Allemagne et aimer aussi Angela Merkel („Ich mag Deutschland. Und ich mag auch Angela Merkel“ ibid.: 1h17). Cette déclaration dépourvue d’explication propage, en exprimant un lien émotionnel entre un enfant et la chef du gouvernement, la confiance en la représentation politique, à une époque où les critiques envers la chancelière prennent de l’ampleur et que cette représentation est remise en question. Tout en répondant au désir d’individualisme et tout en s’efforçant de représenter la société en tant qu’ensemble d’individus dont les intérêts diffèrent, les projets collectifs … in a Day mettent l’accent sur ce qui unit les individus dans leurs journées. Le montage professionnel de ces produits voile leur caractère de patchwork; en se focalisant sur l’émotion - et surtout sur les émotions partagées - et en agrémentant les vidéos d’une musique dynamique et gaie, la représentation de la société constituée d’individus „séparés en dépit de toute liaison“ (Tönnies 2010: 45) est ainsi transformée en représentations de communautés nationales. Ainsi, la productrice de la version espagnole, la Catalane Isabel Coixet, déclare explicitement son intention de montrer ce que les Espagnols ont en commun (cf. Ramón 2016). Son projet s’oppose donc bien visiblement à une crise de la représentation nationale, tout à fait actuelle dans une année de formation de gouvernement plus que difficile. En voulant révéler l’identité nationale à travers ce film collectif, Coixet conteste de plus les revendications des séparatistes catalans. Comme l’image du Léviathan, qui dut venir à bout de l’éclatement de la nation anglaise dans la guerre civile, ces films projettent et propagent alors une certaine image-écran de la communauté tout en postulant vouloir produire un savoir authentique sur la société en enregistrant chaque voix. Comme leurs producteurs ne peuvent tenir compte que de la partie de la société qu’atteint leur appel et qui y répond - contrairement à 24h Berlin par exemple -, ces produits ne sauraient proposer une analyse systématique des sociétés actuelles. 192 Dossier Une configuration dynamique: Paris La mini-série Paris de la scénariste Virginie Brac et du réalisateur Gilles Bannier, qui a en commun avec le documentaire Les Français de s’intéresser aux contacts et aux rencontres entre les individus, nous offre une forme différente du portrait actuel de la société. Diffusée en six épisodes en 2015, elle parcourt divers milieux sociaux de la capitale pour représenter, en 310 minutes environ, une journée d’une douzaine de protagonistes. Elle a été inspirée par 24h Berlin (cf. Ernst 2015), 8 mais tandis que ce documentaire s’était focalisé sur les individus en tant qu’éléments de la société, Paris s’intéresse aux relations et aux interdépendances entre les personnes, donc au ‚tissage social‘. Pour cela, Brac recourt à la fiction en tant que modèle de connaissance. En même temps, la réalisation se sert du moyen de l’image tremblante pour créer un effet de reportage. 9 Paris se sert d’images préconstruites de la capitale et de la société françaises - il y a des personnages typiques ou des clichés comme des employés de la RATP qui se syndicalisent, des ‚voyous‘ et des hommes politiques intrigants, ainsi que les représentants d’une société hétérogène: une femme politique noire, un couple arabe et, au centre de cette fresque sociale, une transgenre. À partir des vies personnelles, la série s’intéresse aux liens créés, rompus ou révélés au fur et à mesure de cette journée décisive pour la majorité des protagonistes: c’est une narration en „toile d’araignée“ (Breda 2015: 181). Le tissage dramatique relie ainsi entre eux les pièces de la mosaïque pour mettre en scène une „configuration“ sociale telle que l’a décrite Norbert Elias („Figuration“, „Interdependenzgeflecht“, Elias 1969: 70-71). Cette configuration représente les „liens invisibles“ d’une société et qui restent non-représentés dans des mosaïques panoramiques comme 24h Berlin. Comme ce documentaire sur Berlin, Paris relate 24 heures de la vie de chaque personnage, mais en faisant le choix de la fiction pour développer des conflits sociaux, politiques et personnels et pour montrer comment chaque décision et chaque acte personnel a des répercussions sur d’autres, plus ou moins étendues selon l’influence sociale de la personne. Alors que le pouvoir est distribué de manière inégale dans cette société, tous les personnages - le Premier ministre de la République comme la femme de ménage - sont mis sur un pied d’égalité par le fait que personne n’est maître de sa vie et que chacun dépend de nombreux autres acteurs, connus et inconnus de lui et dont les vies s’interpénètrent. Le spectateur voit chaque personnage dans son rôle public ainsi que dans sa vie privée et c’est souvent l’interférence inattendue de ces deux sphères, politique et privée, qui provoque les crises et tragédies personnelles. Paris met en scène une configuration dynamique en train de se faire à tout moment. On voit comment des acteurs distants ou indifférents les uns aux autres peuvent s’assembler à un moment, comme par exemple lorsque le procureur insupportable vis-à-vis de sa femme de ménage lui prête assistance au moment où elle va accoucher ou quand le mari (musulman) de cette dernière, en quête d’alibi, accepte soudain d’assister un ordonnateur des pompes funèbres, ce qu’il avait auparavant refusé à cause des interdictions de l’Islam. Constamment, les personnages ! kH$ Dossier ,./ 4*61$*1$0,5*61$3*'$ +&*6'$ >4,.0*''2'$(292*+$'*/ E+*$ =(&,*$(++2'&.6$ +*$6./ $32$E(,$ .M$1,(; (&++*$26*$3*'$4,.1(<.6&'1*'D$! 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Ce qui, dans les séries … in a Day, est accompli par le montage, est réalisé ici par la structure narrative. In Treatment: une mise en scène de l’auto-analyse collective? Au premier abord, mon dernier exemple, In Treatment, la série de Rodrigo García diffusée de 2008 à 2010, ne semble pas être une représentation de la société: la série représente un psychothérapeute dans ses séances hebdomadaires avec ses clients. Les épisodes ne montrent (presque) rien d’autre que le thérapeute dans son cabinet, en thérapie individuelle ou de couple. Chaque épisode est centré sur un individu et sur ses conflits, qui sont développés pendant sept à neuf séances, et l’histoire de chaque client est écrite par un autre scénariste (cf. Franklin 2008). Or d’abord, selon Elias, ce que nous appelons l’âme ou la psyché n’est rien d’autre qu’une unité relationnelle dans un rapport de fonctions que nous nommons la société (cf. Elias 1987: 58, 62) et puis, le spectateur de la série peut mentalement se représenter la société à partir de cet éventail de conflits personnels verbalisés. Au fur et à mesure des épisodes-séances, il en obtient une vue d’ensemble (cf. Bainbridge 2012: 160). D’un côté, il rejoint la perspective du thérapeute et de l’autre, il peut s’ajouter lui-même à cette mosaïque sociale, comme le thérapeute d’ailleurs qui se laisse superviser et puis devient lui-même patient une fois par semaine. À travers le dévoilement d’un savoir fictif sur la société, d’habitude caché par le secret médical, le spectateur peut croire avoir accès aux conflits ‚intimes‘ de la société (ou de la classe moyenne). C’est probablement cette promesse de réponse à la ‚volonté de savoir‘ qui fait que non seulement la série est si populaire, mais encore que spectateurs et critiques ne cessent de discuter sa vraisemblance. De cette manière, In Treatment s’oppose au roman en récits (novel-in-stories), qui, à ses débuts, s’était, par sa forme même, éloigné d’une recherche de la vérité (cf. Schmitt 2014: 458 10 ). La série rejoint les exemples décrits plus haut dans la mesure où tous font preuve d’une nouvelle recherche d’une ‚vérité‘ sociale ou en tout cas suscitent la question de savoir si l’image de la société qui y est produite est ‚vraie‘. In Treatment met en scène la „fièvre d’autoanalyse“ (Rosanvallon 2014: 38) collective en suggérant qu’à partir de l’analyse des psychés individuelles, on puisse accéder à une connaissance plus profonde de la société. Ainsi, la série a été interprétée comme symptôme d’un malaise culturel (cf. Bainbridge 2012: 162-164). Or, les deux premières saisons ont été adaptées ou plutôt traduites de l’original israélien BeTipul (cf. Oren 2008), qui n’a pas été doublé, mais rejoué avec de légères adaptations culturelles aux États- Unis et depuis dans de nombreux autres pays. Ces adaptations-traductions montrent qu’une telle représentation de la société à partir d’analyses individuelles semble facilement s’appliquer à de diverses sociétés nationales, ce qui pose la question de la valeur de cette analyse préfabriquée. 11 Dans son analyse de la série, Caroline Bainbridge note un „feeling-focused context for our engagement with others and with the world at large“ (2012: 164). Comme la série des … in a Day, In Treatment est une approche de la société à partir 195 Dossier des émotions des individus. Dans une société post-politique, chaque individu est tenu de résoudre ses conflits, psychologisés et individualisés, pour lesquels les États, selon Crouch et d’autres de plus en plus frappés d’incapacité face aux pouvoirs économiques globalisés, ne sont plus en mesure d’élaborer de solutions. Un exemple serait le personnage d’Amy, qui vient avec son mari consulter le thérapeute: après avoir, pendant plusieurs années, essayé en vain d’avoir un second enfant, Amy s’est concentrée sur sa carrière professionnelle. Dans cette situation, elle vient de tomber enceinte. Elle est terrifiée par l’idée d’avoir un nouvel enfant et envisage un avortement. Son mari lui reproche d’être égoïste, „anormale“ et „dérangée“ (García 2012: 1ère saison, épisode 4). La série n’approfondit ni les difficultés - sociopolitiques - pour une femme de concilier vie familiale et ambitions professionnelles dans tel ou tel pays, ni le conflit entre des discours actuels sur la maternité et le besoin d’indépendance économique. Elle laisse tout au plus entrevoir les fondements discursifs d’un complexe masculin d’infériorité par rapport à une femme qui réussit sa vie (ibid.: ép. 14). Au lieu de s’interroger sur ces questions à peine frôlées, la série analyse le conflit d’Amy comme un problème individuel et le ramène à la prise de conscience de ce que celle-ci n’a jamais pu se pardonner la mort de son père. Cette approche psychologisante et universaliste correspond à celle de l’influente Association Psychanalytique Internationale ( IPA ), critiquée par exemple par Élisabeth Roudinesco pour ne plus s’intéresser à la réalité sociale, à la misère, au chômage, etc. (Roudinesco 2002: 181). Selon Roudinesco, cette institution est complice de l’hégémonie capitaliste en ce qu’elle exporte ses modèles analytiques et thérapeutiques ‚clés en main‘ dans tous les pays, „à la manière dont les sociétés commerciales installent en terre étrangère leurs produits et leurs usines“ (ibid.: 180). De manière similaire, In Treatment est importé ‚clés en main‘ dans de diverses sociétés européennes, latino-américaines et asiatiques, dont les versions rejouées peuvent faire croire à leurs spectateurs que c’est une analyse de leur propre société nationale tout en proposant l’image d’une société plus ou moins indifférenciée et facilement intégrable dans une structure économique plus globale. 12 Contrairement aux autres exemples discutés ici, cette série a recours à un visage - celui du thérapeute - comme foyer narratif ou „point de recoupement“ 13 des éléments de la mosaïque sociale, un visage qui vient dès lors occuper la position du roi dans le frontispice du Léviathan (cf. fig. 2 et 3). Chaque version nationale pouvant pourvoir cette position avec sa propre star nationale, ce visage contribue à l’impression que c’est une société déterminée qui est représentée dans la série. Pourtant, le thérapeute mis en scène ne relie pas entre eux les individus: c’est la relation de chaque individu avec le thérapeute lui-même qui est au centre de l’intérêt (cf. Leguil 2013: 31). Cette relation prend souvent le caractère d’une lutte de pouvoir avec les patients qui essayent d’imposer leur égalité (cf. ibid.: 108) face à ce thérapeute-père-Léviathan. Ce dernier est constamment remis en question par les interactions avec ses patients et par ses propres conflits - Leguil le compare à un roi dont l’autorité est sans cesse contestée (ibid.: 46) - et est soumis au jugement d’une superviseuse - sa „contrôleuse“ (ibid.: 53). Ainsi, la série ! kS$ Dossier $ $ -&<O$BW$K($C&"',0"(,D$'(&'.6$B ! ? $-&<O$HW$%*$=,.61&'4&0*$32$! "8*',9'($>351(&+C$ $.==,*D$ 4+2'$ 92J26*$(6(+a'*$ 4'a0V.A'.0&.+.<&92*D$ 26*$ ,*4,5'*61(1&.6$'a/ E.+&92*$ 3*$ +($'.0&515$ 35/ .0,(1&92*$ 0./ 4.'5*$ 3J&63&; &32'$ 92&D$ 3(6'$ +*2,$'.+&123*$ *K&'1*61&*++*D$ 3(6'$ +*2,$/ (692*$3*$6.,/ *'$'1(E+*'$*1$(; *0$ +*2,$ &60(4(0&15$3*$4,*63,*$3*'$350&A '&.6'D$'*$1.2,6*61$; *,'$26*$=&<2,*$4(1*,6*++*$/ (&'$4.2,$0.6'1(/ / *61$+($,*/ *11,*$*6$ 92*'1&.6 ! # $(=&6$3J&/ 4.'*,$+*2,$5<(+&15$L$0*11*$=&<2,*O$$ -&6(+*/ *61D$ +*$ 1V5,(4*21*$92&11*$'.6$,F+*O$ %*$ =(&1$92*$ +($'5,&*$6J(&1$4('$515$0.61&A 625*$*6'2&1*$'2<<I,*$92J*==*01&; */ *61D$+($/ .'(892*$6*$1&*61$92*$4(,$+2&$`$*1$*++*$1&*61$ / (+D$*6$*==*1O ! 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Vernon Subutex (2015-2017), la trilogie romanesque de Virginie Despentes, est tissée d’après le modèle de la série télévisée (cf. Houot 2015a) dans la mesure où, à partir du foyer narratif qu’est Vernon Subutex, la narration construit un réseau social (cf. ibid.) qui s’apparente en même temps aux structures de Facebook. Dans le premier tome, la ligne d’action de Vernon se noue, au fur et à mesure, à celles des autres personnages, dont plusieurs membres d’un ancien groupe d’amis qui se sont perdus de vue quand leurs vies ont pris des chemins différents. L’action de Vernon renoue ainsi des liens sociaux entre des personnages déprimés, angoissés et plus ou moins isolés. Dans le second tome, des nœuds de plus en plus nombreux relient entre eux les autres personnages et tissent un réseau autour du personnage éponyme. Or, si le roman tisse ainsi une image-écran pour un corps social morcelé, comparable à celles que proposent les mosaïques audiovisuelles analysées ici, ce n’est que pour la déconstruire: Vernon, le foyer narratif sur qui toutes les lignes d’action ainsi que tous les liens sociaux finissent par converger, est un „vieux cas social“ (Despentes 2015: II , 193) dont la crise personnelle semble refléter la crise sociale de la France. Il apparaît que Vernon, qui, après avoir perdu son travail, l’aide sociale et son logement, se résigne lorsqu’il se retrouve finalement à la rue, incarne la France, qui - avant l’avènement de l’‚homme providentiel‘ Macron - semblait manquer de perspective: le premier tome représente une société haineuse, violente et fracturée, sans illusions sur un avenir meilleur. Dans cette perspective, la narration décentralisée reflète les structures de la société qu’elle décrit, à savoir la société post 68, qui s’est bâtie sur les valeurs - ou les illusions - de la liberté et des hiérarchies plates de l’égalité amicale. 17 Le roman se distingue ainsi des romans de Balzac, dans lesquels un ‚maitre‘ narrateur central et bien perceptible structure, classifie, juge et explique les divers voix et discours représentés. Si dans le premier tome, la narration de Despentes est aussi décentralisée que l’est la société qu’elle décrit, le second tome joue ouvertement sur le topos du locus amoenus idyllique lorsqu’il peint l’image d’un groupe social hétéroclite qui se retrouve tous les jours sous un arbre dans le parc des Buttes-Chaumont pour rejoindre son ‚gourou‘ SDF , Vernon, et pour former une communauté en harmonie dans la diversité. Dans cette „saison 2 ‚peace and love‘“ (Houot 2015b), les personnages semblent ainsi renouer avec les idéaux de 68. Or, le troisième tome représente une société atteinte par les attaques contre Charlie Hebdo et contre le Bataclan; il s’achève sur un massacre qui fait sauter ce tissage social et à l’issue duquel Vernon se retrouve de nouveau seul. Cette irruption de la violence s’était annoncée dans l’agressivité des personnages dans le premier tome et dans la scission politique représentée au début du second tome par la haine sourde de Patrice, partisan de Mélenchon, et de Xavier, qui incarne l’esprit de la nouvelle droite. Après une sortie datée, comme Soumission, du 7 janvier 2015, le jour de l’attentat contre Charlie Hebdo, la fin du dernier tome résonne du 13 novembre 2015 pour s’achever sur la représentation d’un corps social morcelé et en sang. L’image de la société réunifiée qui triomphe de la scission sociale s’est ainsi avérée romanesque et illusoire. Mais le roman ne s’arrête pas là. Après le massacre, un des personnages crée une série télévisée à partir de l’histoire du groupe Subutex: 198 Dossier Un producteur a eu l’idée de raconter votre histoire en série. […] Et c’est devenu un succès colossal. […] c’est totalement addictif… je la regarde, je te le dis pas mais je regarde - tout le monde la regarde. Je ne crois pas que ce soit réaliste, c’est très pompé sur l’histoire du Christ… alors ton personnage, je suis désolée de te dire ça comme ça, mais c’est Jésus […] pis t’as tous les disciples, quoi […] (Despentes 2017: III, 391, je souligne). Cette interprétation du héros comme un nouveau messie, qui rassemble autour de lui ses disciples, avait été suggérée dans le second et le troisième tome du roman lui-même. Or, avec cette référence autoréflexive et intermédiale - d’ailleurs, la sortie d’une série adaptée de la trilogie a été annoncée pour 2018 (cf. Hansen-Love 2017) -, la fin de cette „Comédie inhumaine“ (cf. la notice sur la quatrième de couverture du premier tome de l’édition Grasset) remet en question le soi-disant réalisme des tissages socio-narratifs à une époque à laquelle la violence a fait éclater, dans tous les sens du terme, la société. Résumé L’article présente et compare plusieurs exemples de représentations audiovisuelles de la société actuelle ‚en mosaïque‘, c’est-à-dire dans lesquelles un nombre élevé de personn(ag)es deviennent protagonistes tout en étant représentés en tant qu’individus (24h Berlin, 2009; la série …in a Day, 2011-16; Paris, 2015; In Treatment, 2008-10). En recourant à la terminologie du „tissage narratif“ élaborée par H. Breda, je compare les différentes formes par lesquelles ces mosaïques représentent le lien social ou en postulent un afin de proposer une image-écran pour un corps social morcelé. J’analyse les images de la société qu’elles produisent, les références d’identification collective qu’elles proposent et leurs enjeux politiques. Un épilogue sur le roman Vernon Subutex de Virginie Despentes et sur ses aspects intermédiaux conclut la réflexion sur les enjeux des tissages socio-narratifs dans la société actuelle. Bainbridge, Caroline, „Psychotherapy on the Couch: Exploring the Fantasies of In Treatment“, in: Psychoanalysis, Culture & Society, 17, 2012, 153-168. Bourdieu, Pierre, La misère du monde, Paris, Seuil, 1993. Brac, Virginie / Bannier, Gilles, Paris, 2 DVDs, Paris, Koba Films, 2015. Breda, Hélène, Le „Tissage narratif“ et ses enjeux socioculturels dans les séries télévisées américaines contemporaines, Thèse de doctorat, Université Paris 3 - Sorbonne Nouvelle, 2015, https: / / hal-univ-paris3.archives-ouvertes.fr/ tel-01492984/ document (dernière consultation: 20.10.2017). Crouch, Colin, Post-Democracy. Cambridge: Polity, 2004. 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Sie kommentieren sich gegenseitig, sie reiben sich aneinander, widersprechen sich oder harmonieren; sie erzeugen Echos und gemeinsam einen neuen Klang“ (ZeroOne 2009a: 12). 3 L’un est celui de Marina Schneider, la mère de famille au chômage, qui a un rendez-vous avec Jutta Urban, l’employée du bureau d’aide sociale; l’autre est Anne Wenzel, une aideménagère lesbienne qui assiste au concert donné par Gloria Viagra, un travesti. Cette rencontre renforce d’ailleurs l’idée d’une sous-culture autonome. 4 „Jeder der Menschen, die da auf den Straßen fremd und scheinbar beziehungslos aneinander vorübergehen, ist, mit einem Wort, durch eine Fülle von unsichtbaren Ketten an andere Menschen gebunden, sei es durch Arbeits- oder Besitzketten, sei es auch durch Trieb- oder Affektstrukturen“ (Elias 1987 [1939]: 31). 5 Sur ce terme, cf. Breda (2015: 36). 6 Deux manifestations (antinazie/ anti-NPD) ont été enregistrées (cf. DVD 3: Making of II), mais ces images n’ont pas été incluses dans le documentaire final. 7 Sur cette fonction symbolique de la démocratie formulée par Rosanvallon cf. Niederberger (2009: 108-110). 8 Pour la tradition cinématique française, il faudrait mentionner Paris, je t’aime (2006, 22 metteurs en scène) et Paris (Cédric Klapisch 2008). 9 Alors qu’on trouve sur internet des commentaires critiquant l’invraisemblance de la série, celle-ci semble avoir pu être perçue, au moins par certains, comme étant proche du documentaire. La description sur la page allemande de Wikipedia en témoigne: „Die Miniserie begleitet mehrere Einwohner von Paris aus allen sozialen Schichten, Generationen und Hautfarben innerhalb von 24 Stunden und zeigt ein vielseitiges und ungeschöntes 201 Dossier Porträt der Metropole und seiner Bevölkerung.“ (https: / / de.wikipedia.org/ wiki/ Paris_(Fern sehserie), dernière consultation: 23.10.2017) La fiction de Paris semble alors se prêter à une réception factuelle. 10 Par exemple Sherwood Anderson: Winesberg, Ohio (1919). Une série qui met en scène l’incohérence de plusieurs points de vue sur un événement est par exemple Thirtysomething (cf. Hartmann 2011). 11 Cf. par exemple la critique suivante: „,In Treatmentʻ seems to be happening in a bubble somewhere, not in the United States, or anywhere else in particular. The show feels translated from another language without having been tailored for a new audience, though that actually isn’t the case; some episodes closely follow the Israeli version, but a number are new. […] This really isn’t America“ (Franklin 2008). 12 En France, où beaucoup d’analystes, notamment lacaniens, sont organisés en-dehors de l’API, la série a été très critiquée (cf. p. ex. Leguil 2013). 13 Breda (2015: 36) adopte ce terme de Lise Dumasy-Queffélec. 14 Source: http: / / www.peabodyawards.com/ stories/ story/ hbo-in-treatment-groundbreaking (dernière consultation: 20.10.2017). 15 Sur les pères problématiques dans In Treatment, cf. Leguil (2013: 200). 16 Amy et Jake, le couple de la première saison, divorcent après la thérapie et ne semblent trouver du sens que dans une thérapie individuelle. L’épouse de Paul Weston, le thérapeute, se sépare aussi de lui. 17 Pour une interprétation des rapports entre les structures sociales et les structures narratives, cf. aussi la contribution d’Hélène Breda dans ce dossier.