eJournals lendemains 37/146-147

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Narr Verlag Tübingen
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2012
37146-147

Benjamin Fondane: un judaïsme singulier

2012
Monique Jutrin
ldm37146-1470131
131 Dossier Monique Jutrin Benjamin Fondane: un judaïsme singulier […] tout être de raison - patrie, institution - est toujours pour le Juif une réalité de second ordre, soumise à l’idée individuelle qu’il se fait du destin de l’homme.1 „Heureusement, je suis né à Jassy; si j’étais né à Bethléem, du temps d’Hérode, j’aurais été du nombre des enfants massacrés“, 2 écrivait Fondane en 1914. En effet, le périple de Benjamin Fondane commence en Moldavie, à Jassy, à l’époque où cette ville comportait une importante communauté juive, se poursuit en France à partir de 1924, pour se terminer à Auschwitz, où il partagea le sort tragique de ses frères. Complexes et conflictuels sont les rapports de l’écrivain juif avec le monde occidental. Pour Benjamin Wechsler, devenu l’écrivain roumain B. Fundoianu avant de se transformer en Benjamin Fondane, poète et philosophe français, la conquête de l’identité fut ardue. Et la quête du judaïsme fut l’entreprise de toute une vie. Car, comme pour Paul Celan, son judaïsme n’est pas „thématique“, mais „pneumatique“: c’est le souffle qui l’anime. Son judaïsme n’est ni une pratique ni une observance, mais une exigence spirituelle. Cette identité est souvent affirmée sous une forme paradoxale. Ainsi, à propos de son ami A.L. Zissu, il écrit: „Zissu n’est pas un écrivain juif, puisqu’il ne peint pas des Juifs, mais des hommes, et dans les hommes leur passion de recherche, et dans leurs recherches la dédicace obscure qu’ils portent en eux, qui les oblige à devenir des dieux. Si l’homme qui le plus souvent s’efforce d’atteindre cela est un Juif, cela est un considérant quelconque.“ 3 Toutefois, en tentant de cerner les liens du poète avec son peuple, l’on achoppe à cette tension vécue entre deux conceptions de l’existence: celle d’un destin individuel et celle d’un destin collectif. Quand Fondane analyse rationnellement la condition juive dans sa dimension historique, il montre à quel point le Juif a développé une conception individuelle du destin humain. A partir du moment où le Juif a cessé de faire partie d’un groupe, de participer à une discipline rigoureuse, „il a cessé d’être juif, soit un élément fermé, déterminé de l’histoire“. 4 Depuis lors, affirme Fondane, „son rôle est devenu historique, il est devenu un agent dont les réactions chimiques qu’il provoque, intéressent au plus haut degré la vie des civilisations“. 5 C’est ainsi qu’on lui reproche „de produire par son contact, par sa simple présence, un déclassement des valeurs, une décristallisation, proprement une réaction morale“. 6 Comme Celan, comme Kafka, comme Chestov et tant d’autres, Fondane est un de ces Juifs du XX e siècle aux prises avec la tradition juive, en quête d’une issue pour l’individu, alors que le judaïsme ne conçoit l’individu qu’à 132 Dossier travers la collectivité. En même temps, il cherche dans la Bible une alternative à la pensée rationnelle de l’Occident. C’est ainsi qu’il parvient à transmettre un message universel qui touche le lecteur d’aujourd’hui. * Par sa mère, Adela Schwarzfeld, Fondane appartient à une famille d’intellectuels juifs qui jouèrent un rôle décisif dans la modernisation de la vie communautaire et dans la diffusion du mouvement juif des Lumières (Haskala). Son grand-père, Benjamin Schwarzfeld, dont il porte le prénom, était un poète de langue hébraïque, fondateur des premières écoles juives de Moldavie. Ses oncles, Elias, Moses et Wilhelm Schwarzfeld, étaient des érudits notoires, auteurs de travaux sur les Juifs de Roumanie. Ecrivain précoce, Benjamin Wechsler prend le pseudonyme de B. Fundoianu pour faire son entrée en littérature. Dès l’âge de 14 ans, il collabore à des publications juives et non-juives. Durant sa jeunesse, il fut marqué par trois figures qui lui servirent de guides. Le poète A. Steuerman-Rodion encouragea ses débuts poétiques. Mais c’est à Jacob Groper que Fondane doit sa découverte de la tradition juive et de la Bible. Quant à A. L. Zissu, écrivain d’orientation sioniste, il fonda en janvier 1919 le quotidien Mântuirea (Le Salut ), auquel le jeune Fondane collabora activement. C’est dans Mântuirea que parut son premier grand essai de nature philosophique: Judaïsme et hellénisme, 7 où l’on perçoit déjà les germes de la pensée existentielle qu’il développera à l’âge de la maturité. * Après son arrivée à Paris, Fondane désire s’affirmer comme poète et philosophe de langue française, et ne collabore presque plus à la presse juive. Aussi, c’est dans son œuvre poétique que le judaïsme de Fondane apparaît de la manière la plus visible. La figure de l’émigrant, de l’homme sans terre ni langue, est centrale dans sa poésie, et s’incarne dans un „Ulysse juif“. Durant la guerre, le sentiment d’appartenance et de solidarité s’intensifie. Alors que, dans la version de 1933, 8 le poète se présente comme un être divisé: „Juif, naturellement, et cependant Ulysse“, dans la dernière version l’on peut lire: „Juif, naturellement, tu étais juif, Ulysse.“ Son destin d’homme, de juif, et de poète se confondent. Loin d’être absent de ses essais littéraires et philosophiques, le judaïsme s’y exprime souvent de manière indirecte. Toutefois l’on peut constater qu’il est étroitement lié à la pensée existentielle développée après la rencontre de Léon Chestov. 9 Fondane avait fait la connaissance de Chestov peu après son arrivée à Paris, dans le salon de Jules de Gaultier. Il était heureux de rencontrer l’auteur des Révélations de la mort, ouvrage qu’il avait lu un an auparavant à Bucarest et auquel il avait consacré quelques articles. Mais c’est à partir de 1927, suite à une lettre de Fondane, qu’eut lieu la rencontre véritable. Pour la première fois Chestov se sentit profondément compris. Dès lors les deux hommes se virent plus souvent, en têteà-tête, et leur amitié dura jusqu’à la mort de Chestov en 1938. Entre le Juif mol- 133 Dossier dave et le Juif ukrainien, une complicité allait naître, faite d’entente intellectuelle et de connivence affective. Chestov, c’est l’homme lancé dans la lutte contre les évidences de la raison, c’est l’homme qui choisit Job contre Hegel, Pascal contre Spinoza, Kierkegaard contre Husserl. La pensée existentielle commence, dit-il, là où finit la pensée rationnelle. Car les cris de Job ne sont pas de simples cris, „clameurs absurdes, inutiles, fatigantes“: telles les trompettes de Jéricho, ils possèdent en eux une force qui peut, qui doit, faire tomber les murailles. Pour Chestov, „il n’y a pas de paix possible entre Jérusalem et Athènes, entre la raison et la foi, entre la science et la métaphysique“. 10 „Ce n’est pas le désir ni l’amour, mais le besoin de Dieu qui est au centre de sa pensée“. 11 Toute sa réflexion porte sur le rapport entre l’homme et Dieu. Cette recherche, nous dit Fondane, „n’est point un hymne à l’idole sur les rives de l’Ilissus, mais une lamentation super flumina Babylonis“. 12 La vie et l’œuvre de Fondane se trouvent infléchies par cette rencontre. Désormais, la „question“ de Chestov se trouve au centre de sa pensée, elle oriente sa poésie. Tout ce qui était en lui, depuis toujours, infus, imprononcé, dans les limbes d’une pensée à la recherche d’elle-même, va trouver son expression. Sa vision de la littérature se trouve elle aussi éclairée par la philosophie de Chestov. Fondane ne lit plus de la même façon Baudelaire et Rimbaud. Et, à se frotter à ce Juif „hérétique“, s’il en est, Fondane se forge sa propre vision du judaïsme. Fondane voit en Chestov un authentique représentant du judaïsme, une sorte de prophète de son époque, dont la voix s’élève devant l’imminence de la catastrophe. Et c’est dans un article de 1936, écrit à l’occasion des soixante-dix ans de son ami: „Léon Chestov à la recherche du judaïsme perdu“, 13 que Fondane s’exprime le plus clairement, tentant de redéfinir le judaïsme dans le contexte de son époque. Si Chestov est essentiellement et spécifiquement juif, c’est que, situé hors d’une structure définie, il exprime „la densité d’une révélation qui, bien que confiée à un seul peuple, intéresse au plus haut degré le salut de l’humanité en général“. 14 Il reproche aux Juifs d’avoir trahi la tradition biblique au profit de la morale autonome héritée des Grecs. Selon Fondane, beaucoup de Juifs, nés juifs: un Bergson, un Freud, un Einstein, le sont moins qu’un Pascal ou un Kierkegaard. En vérité, il est à la recherche d’un judaïsme qui puisse inclure, non seulement Pascal et Kierkegaard, mais aussi Tertullien. C’est ainsi qu’il tentera, dans une lettre de février 1938 à Jacques Maritain, 15 de cerner ce qu’est une „pensée juive“. Son dernier dialogue avec son ami de jeunesse, A.L. Zissu, porte sur la notion de la Loi dans le judaïsme. Et c’est sur cette notion fondamentale que s’ouvre également „Le Lundi existentiel et le dimanche de l’Histoire“: 16 la Loi a été faite pour l’homme, et non l’homme pour la Loi, rappelle Fondane, éclairant ainsi la question du rapport entre Dieu et l’homme. Cette question est aussi centrale dans le chapitre XXVIII de Baudelaire et l’expérience du gouffre 17 sur Le Procès de Kafka, où triomphe „la rationalité absolue“, car K ne connaîtra pas son crime, ne sera pas jugé, et n’en sera pas moins assassiné comme „un chien“. Et Fondane de commenter longuement la parabole „Devant la Loi“, y discernant „la pensée la plus pro- 134 Dossier fonde et la plus secrète du Vieux Livre“: 18 car seule notre crainte nous empêche de pénétrer dans le sacré, cette crainte provenant du „savoir que nous avons du possible et de l’impossible“. 19 Ailleurs, il énonce „la morale ouverte de Job“, selon laquelle „ce n’est pas la nécessité, mais la liberté qui régit les rapports de l’homme à l’homme et de l’homme à Dieu: l’homme a le droit de demander un arbitre entre Dieu et lui-même“. 20 En 1934, chez Chestov, lors de la visite de Martin Buber, avaient été commentés les évènements européens: Hitler, le fascisme, le communisme. Et Chestov de s’écrier: „Qu’est-ce que Hitler, à côté du serpent de la connaissance? “ 21 Pour Chestov comme pour Fondane, l’origine du mal remonte au moment où l’homme a mangé du fruit de la connaissance: ayant gagné le Savoir, il a perdu la liberté. Fondane n’a jamais accepté la mort de Chestov. Même s’il poursuivit sa voie propre, leur connivence subsista au-delà de la mort, Dans ses écrits, dans ses carnets de travail, le dialogue se poursuit. Que la pensée de Chestov l’ait accompagné dans l’épreuve des années de guerre, nous pouvions le deviner. Mais nous en avons une confirmation dans une lettre adressée à l’épouse de Chestov le 2 janvier 1944: „Je ne cesse de penser à Léon Issacovitch: combien de fois, prévoyant ce qui allait se passer, il m’avait dit: moi je ne verrai plus ça; mais vous… Et, en effet, il n’a pas vu ÇA, et moi je l’ai vu, le vois encore, et n’en ai pas fini de le voir.“ 22 Il n’a pas vu ÇA, écrit Fondane en majuscules. Avec ce ÇA, nous sommes projetés dans un domaine dont il est difficile de rendre compte, étant donné qu’il nous manque la catégorie permettant de le penser: c’est le domaine de la tragédie. Ce ÇA, ils l’avaient prévu tous deux. L’on est frappé par cette lucidité des deux penseurs, qui font preuve d’une clairvoyance peu commune devant les dangers du totalitarisme de gauche ou de droite. Malheureusement, cela n’empêchera pas Fondane d’en être victime. Eparses dans l’œuvre, parfois reléguées dans une note en bas de page, certaines remarques témoignent de la lucidité de Fondane face au drame qui se prépare en Europe. Ainsi, dans une note de Rimbaud le voyou à propos de l’Idée: „J’appelle Idée tout ce au nom de quoi on fait tuer les nègres par les blancs, les juifs par les Allemands, les communistes par les bourgeois, les trotskystes par les communistes (et j’en passe). Je ne connais pas d’Idée qui n’ait au moins cent mille meurtres sur sa conscience.“ 23 Sa philosophie, qu’il nomme „philosophie du concret“, ne perd de vue ni le réel ni l’individu face au réel. Dans la Conscience malheureuse, une note à propos de Husserl: „pendant que Husserl s’abstenait du réel, le réel, lui, agissait [...] arrachant Husserl à son socle du plus grand philosophe allemand actuel et le réduisant à un simple non-aryen.“ 24 Dès 1933, dans un curieux texte intitulé „Lever de rideau“, une vision dramatique de l’Histoire se fait jour, dévoilant le jeu des grandes puissances. „Qui va payer ce merveilleux spectacle? “ interroge Fondane. Et de répondre: „Mais nous, pardieu! C’est nous les futurs cadavres, nous, les asphyxiés à venir“. 25 135 Dossier En 1934, dans une revue d’étudiants roumains, l’on peut lire: „Où est la dignité de l’homme? Demain, dans les camps de concentration, il sera trop tard pour se repentir: la lutte doit commencer alors qu’il est encore temps, avant la destruction finale.“ 26 Cette prescience, qui s’accompagne d’une prémonition du désastre menaçant le peuple juif, se retrouve dans son œuvre poétique et dramatique. L’action du Festin de Balthazar a lieu „de nos jours à Babylone“, précise-t-il en 1932. Un personnage juif parle: „sur l’échelle de Babylone, assis, j’ai pleuré quoi et les soldats m’ont dit: il faut travailler, Juif! Le travail c’est la liberté“. 27 Dans l’article intitulé „L’homme devant l’Histoire ou le bruit et la fureur“, l’on peut lire: „Si quatre siècles d’humanisme et d’apothéose de la science n’ont abouti qu’au retour des pires horreurs […] la faute n’est certainement pas à ce contrehumanisme noble, qui avait prévu le désastre et dont se détachent les figures prophétiques d’un Luther, d’un Kierkegaard, d’un Chestov, voire de Nietzsche. La faute est peut-être à cet humanisme même, qui avait trop manqué de pessimisme, […] Un humanisme qui n’aurait pas surestimé la raison n’eût certainement pas mis tous les atouts de la science entre les mains de ceux à qui on refuse aujourd’hui jusqu’au don de la raison! “ Et de conclure: „l’histoire n’est plus à la mesure de notre raison, mais à la mesure de Dieu“. 28 Mais nous sommes en octobre 38, et bientôt l’Histoire le prendra dans ses rets. Toutefois, aux côtés de Léon Chestov, Fondane avait développé une sorte d’ascèse devant l’Histoire. Son ami l’avait persuadé de ne pas entrer dans son engrenage, mais de la vivre à une autre échelle, la réduisant à sa juste mesure: insignifiante et dérisoire. Il s’agit de nous délivrer du cauchemar de la réalité visible, afin de nous tourner vers une autre réalité, comme faisaient les prophètes, comme faisait Isaïe, affirmant que toutes les larmes seront essuyées. Cette pensée-là n’existe que dans la Bible, c’est la pensée de Jérusalem. Cela ne l’empêche pas de lire les journaux, d’écouter la radio, et d’être particulièrement perspicace dans l’analyse des évènements. La question de Dieu, ou plutôt de la relation de l’homme à Dieu, reste centrale chez Fondane. Et, bien avant que ne soient formulées des théories diverses sur l’absence de Dieu durant la Shoah, 29 Fondane a évoqué cette absence dans plusieurs textes. Ainsi, dans l’article publié en 1936 dans La Revue Juive de Genève, nous pouvons lire: „si le Juif, seul dans l’antiquité, a témoigné de la présence effective de Dieu, du moins pourrait-il, dans le monde moderne, et contre le monde moderne, être seul à témoigner, avec la même angoisse, de l’absence de Dieu! “ 30 Dans un autre texte, retrouvé dans un cahier de notes de 1943, nous lisons: „nous sommes à une époque (ou peut-être est-elle en train de finir) dominée par cette absence de Dieu.Mais je n’entends pas par absence, privation. J’entends par absence un trou, un inachèvement, une nostalgie de, une présence d’absence, quelque chose comme un rien solide, substantiel, créateur d’actes.“ 31 Faut-il comprendre - car je relève le terme d’inachèvement - qu’il s’agit de ce que la kabbale de Luria désigne comme tzimtzoum, retrait de Dieu, pour laisser une place à l’homme au moment de la création. Toutefois dans le poème L’Exode, 136 Dossier nous reconnaissons le thème biblique de hester panim: Dieu s’est caché, il a voilé sa face, il s’est tu, pour manifester sa désapprobation devant le comportement humain, ce que Fondane désigne par la métaphore: l’hiver de Dieu. Mais faut-il s’y résigner? „N’est-ce pas notre tâche de le ressusciter“, interroge le poète, „n’est-ce pas notre tâche de lui céder dans notre verre/ une part de boisson dont il se peut qu’il boive/ -afin que son jeûne cesse/ et notre exil aux terres chauves de la Stupeur? “ 32 Ainsi, c’est entre la théorie du tzimtzoum et le thème de hester panim, que le poète tente de répondre à son angoisse. * Ayant obtenu la nationalité française en 1938, Fondane est mobilisé en 1940, et se retrouve sur les routes de l’exode après la défaite. Fait prisonnier, il s’évade, il est repris, hospitalisé pour appendicite, et finalement libéré en février 1941. Durant les années de guerre, il ne porta pas l’étoile jaune, et ne quitta pas son domicile du 6 rue Rollin. Il ne prit pas de précautions excessives, assistant même parfois en 1942 au cours de Bachelard en Sorbonne. Er pourtant, il n’ignore pas qu’il est un homme que la police traque à tous les carrefours, comme nous pouvons le lire dans un manuscrit de 1941, retrouvé à la Bibliothèque Doucet. 33 Arrêté le 7 mars 1944 en même temps que sa sœur par la police française, il est incarcéré à Drancy. Sa femme avait obtenu sa libération en tant qu’époux d’une aryenne, mais Fondane refusa d’abandonner sa sœur. Les derniers textes philosophiques de Fondane gravitent autour des notions de la liberté, du possible, de l’absurde. Nous sommes là au cœur de sa pensée existentielle. Or, selon lui, la pensée existentielle est issue de la pensée de la Bible, elle est proche de la pensée prophétique: „Seul parmi les livres, le Livre craque sous la pression d’une possibilité infinie.“ 34 En même temps, la lecture du Procès de Kafka, où il retrouve l’esprit de la Bible, suscite toute une réflexion sur le statut de l’exception: „Mais la peste, le tremblement de terre peuvent surgir soudain, avec leurs problèmes, dans l’homme le moins préparé, dans la vie la plus banale. Tout un chacun peut devenir une exception, […]. Mais l’expérience qui fera de nous une exception et nous livrera aux problèmes existentiels ne dépend pas de nous.“ 35 Et enfin: „C’est là que l’existant connaît que sa liberté est refus - refus à tout ce qui tend à l’enfermer pour toujours dans sa propre immanence […].“ 36 1 Préface à: A. L. Zissu: Confession d’un candélabre, Paris, Picart, 1928. Reproduit dans: Benjamin Fondane, Entre Jérusalem et Athènes. Benjamin Fondane à la recherche du judaïsme, textes réunis par Monique Jutrin, Paris, Parole et Silence, 2009, 50. 2 „Comment je suis né“, dans: Entre Jérusalem et Athènes, op.cit., 22. 3 Préface à: A. L. Zissu: Confession d’un candélabre, op.cit., 50. 4 Id., 49. 5 Id. 6 Id., 48. 137 Dossier 7 Il s’agit de onze chapitres, publiés dans Mântuirea, du 8 août au 8 octobre 1919. Reproduits dans: Entre Jérusalem et Athènes, op.cit. 8 Ulysse, Cahiers du Journal des Poètes, Bruxelles, 1933. Ce poème fut remanié durant les années de guerre. La dernière version est publiée dans Le Mal des fantômes, Verdier, 2006. 9 Lev Isaakovitch Schwartzmann (1866-1938), philosophe existentiel né à Kiev, établi à Paris depuis 1921. Ses deux essais principaux: Kierkegaard et la pensée existentielle, ainsi que Athènes et Jérusalem, soulignent le divorce entre le savoir et la vie, entre la pensée rationnelle et la pensée biblique. 10 Benjamin Fondane: Rencontres avec Léon Chestov, Paris, Plasma, 1982, 35. 11 Id., 34. 12 Id., 37. 13 Article publié dans La Revue Juive de Genève, 1936, tome IV. 14 Id. 15 Lettre publiée dans: Correspondance de Benjamin et Geneviève Fondane avec Jacques et Raïssa Maritain, Paris, Paris-Méditerranée, 1997, 37. 16 Publié dans: L’Existence, Paris, Gallimard, 1945. Reproduit dans: Le Lundi existentiel, Monaco, Editions du Rocher, 1990. 17 Benjamin Fondane, Baudelaire et l’expérience du gouffre, Paris, Seghers, 1947, réédition 1972. 18 Id., 323. 19 Id., 324. 20 Benjamin Fondane, La Conscience malheureuse, Paris, Plasma, 1979, 269. 21 Benjamin Fondane, Rencontres avec Léon Chestov,Paris, Plasma, 1982, 46. 22 Lettre conservée dans le Fonds Boris de Schloezer de la Bibliothèque Louis Notari de Monaco. 23 Benjamin Fondane, Rimbaud le voyou, Paris, Plasma, 1979, 168. 24 Fondane, La Conscience malheureuse, op.cit., 295. 25 Cahier bleu, N° 6, décembre 1933. Reproduit dans le Bulletin de la Société d’études Benjamin Fondane, N° 5. 26 Via a Studenteasca, Paris. 15 décembre 1934. C’est nous qui traduisons. 27 Benjamin Fondane, Le Festin de Balthazar, Saint-Nazaire, Arcane17, 1985, 10. 28 Cahiers du Sud, N° 216, mai 1939, 454. 29 La réflexion de Fondane sur le silence de Dieu pendant la guerre préfigure celles de Hans Jonas dans: Le concept de Dieu après Auschwitz, texte de 1984, traduit en français en 1994 aux éditions Rivages. 30 „Léon Chestov à la recherche du judaïsme perdu“, art. cit., reproduit dans: Entre Jérusalem et Athènes, op.cit., 198. 31 Manuscrit inédit conservé dans les archives de Michel Carassou. 32 L’Exode, dans: Le Mal des fantômes, op.cit., 197. 33 Manuscrit 7072 du poème Ulysse. 34 „Le Lundi existentiel et le Dimanche de l’histoire“, op.cit., 57. 35 Id., 66. 36 Id., 65.