eJournals lendemains 42/165

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2017
42165

Stephanie Bung: Spiele und Ziele: Französische Salonkulturen des 17. Jahrhunderts zwischen Elitendistinktion und belles lettres

2017
Rotraud von Kulessa
ldm421650139
139 Comptes rendus kulturwissenschaftliches Forum für Frankreichstudien in Paris, das sich die Teilnehmer wünschen, Realität wird. Sonja Malzner (Rouen) ------------------ STEPHANIE BUNG: SPIELE UND ZIELE: FRANZÖSISCHE SALONKULTUREN DES 17. JAHRHUNDERTS ZWISCHEN ELITENDISTINKTION UND ‚BELLES LETTRES‘, TÜBINGEN, NARR FRANCKE ATTEMPTO, 2013, 419 S. Avec sa thèse d’habilitation, qui a par ailleurs reçu le prix Kurt Ringer de l’association des Francoromanistes allemands, destiné aux jeunes chercheurs, Stephanie Bung se propose de contribuer à la vaste discussion autour d’un sujet difficilement saisissable, à savoir la culture des salons dans la France du XVII e siècle. Ainsi, elle soulève la question du manque de sources valables, la recherche s’étant souvent limitée à prendre en considération les récits anecdotiques tels que les Historiettes de Tallemant des Réaux. Par contre, les productions littéraires de circonstance parues dans des ouvrages collectifs de la main des membres des cercles considérés comme ‚salons‘ n’ont jusqu’ici pas fait l’objet d’analyses systématiques. Pour Bung, il se pose alors la question de savoir comment traiter un corpus de matériel/ matériaux extrêmement hétérogène qui permet ensuite d’analyser les relations entre les espaces sociaux et littéraires afin d’arriver à la construction de l’espace spécifique qu’on appelle communément ‚salon‘. L’ouvrage de Bung est divisé en quatre grandes parties. Dans la première partie, qui fait l’état des lieux de la recherche, Bung soulève, à juste titre, le fait que le concept de ‚salon‘ est une construction historiographique plutôt qu’une réalité sociale. L’historiographie des ‚salons‘ naît donc vers le milieu du XIX e siècle et prend à la fois une posture idéologique et scientifique et sert de rétrospective nostalgique de l’Ancien Régime (31). Cette tendance peut d’ailleurs déjà être observée au début du siècle, avec les propos de Germaine de Staël dans son essai De la littérature dans lequel l’auteure souligne le lien étroit entre la sociabilité au Grand Siècle et un art de la conversation principalement sous l’influence des femmes (30). Ainsi, Sainte- Beuve reprend ce topos dans ses Causeries du lundi (1851-1862) et dans sa Galerie de femmes célèbres (1859) afin de créer une image du ‚salon‘ comme lieu de mémoire de l’Ancien Régime. Le salon devient ainsi le paradigme d’une société polie dont la Chambre Bleue de la Marquise de Rambouillet semble être le prototype (Louis Roederer, Mémoires pour servir à l’histoire de la société polie, 1835) (43). L’auteure souligne également l’amalgame que cette historiographie a faite entre les ‚salons‘ et la querelle de la préciosité qui s’est essentiellement inspirée de sources telles que les Historiettes de Tallemant des Réaux (1834-36) et le Grand Dictionnaire des prétieuses (1660) d’Antoine Baudeau de Somaize (58). La recherche plus récente, par contre, ne conçoit le ‚salon‘ non pas comme un espace concret, mais comme un espace d’interaction entre pratiques de sociabilité 140 Comptes rendus et de pratiques littéraires (75). Ainsi chez Marc Fumaroli 1 et Benedetta Craveri, 2 le ‚salon‘ devient le contre-espace d’un art de la conversation (semi-)privée. Delphine Denis, 3 à son tour, dessine, à partir de l’analyse d’un corpus de textes relevant de la galanterie (84), un espace liminaire de la figuration qui insiste davantage sur le caractère performatif des textes mondains qui oscillent entre un statut référentiel et fictionnel. Ainsi ces sources évoquent le jeu de la conversation onomastique qui devient ainsi un événement historique. Le groupe de recherche transdisciplinaire ( GRIHL ), dirigé par l’historien Christian Jouhaud et le spécialiste de la littérature du XVII e siècle, Alain Viala, dont les travaux portent sur l’autonomisation successive du champ littéraire, conçoit le phénomène des ‚salons‘ d’abord comme un lieu de distinction sociale (91), tout en insistant sur le caractère performatif des textes d’auteurs tels que Balzac, Chapelain, Conrart et Voiture qui participent à la construction de La Chambre Bleue à travers leurs narrations (92). Bung insiste ensuite sur l’impact de l’étude d’Antoine Lilti (Le monde des salons, 2005) pour la recherche portant sur les cultures de salons du XVIII e siècle qui analyse en particulier les règles du jeu discursif qui caractérisent l’anecdote, jusqu’ici source principale des chercheurs. Cependant, selon Bung, les résultats de ce travail ne peuvent pas être appliqués en tous points au XVII e siècle. Elle conclut la première partie de son ouvrage en caractérisant le salon du XVII e siècle comme étant un concept heuristique qui échappe à toute définition concrète et dont l’apport à l’analyse des différentes formes de la sociabilité de l’Ancien Régime reste incertain (100). La deuxième partie de l’ouvrage de Stephanie Bung est consacrée aux sources littéraires qui pourraient aider à mieux comprendre les cultures du salon au XVII e siècle. En ouverture, l’auteure reprend ses réflexions théoriques au sujet de l’espace qui n’est pas équivalent à un récepteur, mais qui est conçu comme un phénomène relationnel, à son tour généré par différentes pratiques littéraires et de sociabilité. Avant d’analyser concrètement les sources provenant du contexte de La chambre Bleue et du cercle de Mlle de Scudéry, Bung se consacre à des formes voisines, et ayant en partie précédé ces sources, à savoir les albums (albums amicorum), qui constituent la mémoire de cercles et groupes mondains et/ ou artistiques et dont elle retrace l’histoire. Le deuxième type de sources d’importance sont les recueils et portefeuilles galants, collections souvent peu ordonnées de poésie et d’épîtres d’occasion, dont les Recueils de Sercy, le Recueil La Suze-Pellisson, et le Recueil d’Octavie. L’analyse de ces manuscrits est suivie de l’examen d’autres portefeuilles sous forme manuscrite, tels ceux provenant de la Bibliothèque de Chantilly ou encore ceux provenant du cercle autour de Claude Bosc, prévôt des marchands de Paris. Pour la plupart sous formes manuscrites - elles n’étaient pas toujours destinées à la publication - beaucoup de ces sources n’ont pas encore été prises en considération 1 Marc Fumaroli, „La conversation“, in: Pierre Nora (ed.), Les lieux de mémoire, t. III, Paris, Gallimard, 1986, 678-743. 2 Benedetta Craveri, La civiltà della conversazione, Milano, Adelphi, 2001. 3 Delphine Denis, Le parnasse galant. Institution d’une catégorie littéraire au XVIIe siècle, Paris, Champion, 2001. 141 Comptes rendus par la recherche. Stephanie Bung a ainsi pu constater que les différents recueils reprennent parfois des groupes de poèmes qui définissent le parcours de certains groupes et cercles. Comme les albums sont souvent caractérisés par l’hétérogénéité sociale de leurs collaborateurs, ils peuvent être considérés comme lieu de consécration sociale pour ceux qui appartiennent à un rang social inférieur (169). En tant que sources, ils nous permettent donc de comprendre en partie les modes relationnels des groupes qui y contribuent. Dans la troisième partie de son ouvrage, Bung se concentre sur le manuscrit de La Guirlande de Julie, une collection de 61 madrigaux, dont chacun commence par une fleur qui exprime les louanges de „l’adorable Julie“. Il s’agit en fait d’un cadeau que le Marquis de Montausier fait, en 1641, à sa future épouse, Julie d’Angennes, fille de la Marquise de Rambouillet. Bung cherche à analyser sa participation à la création de l’image de La chambre Bleue. La quatrième partie est enfin consacrée aux Chroniques du samedi à l’intersection des romans de Madeleine de Scudéry. En guise de conclusion, Bung souligne les différences fondamentales entre notamment La Guirlande de Julie, de nature plutôt picturale, et les Chroniques des samedis, caractérisées d’une grande densité textuelle (352). Les deux collections construisent par contre des espaces relationnels à travers des pratiques sociales spécifiques et leur examen contribue à donner une vue différenciée de la culture des salons au XVII e siècle. Bung s’exprime ainsi contre l’idée de la continuité entre La Chambre Bleue et les Samedis de Mlle de Scudéry, longtemps soutenue par la recherche. Selon l’auteure, La Guirlande de Julie a plutôt la fonction d’assurer la cohésion dynastique, alors que les stratégies littéraires complexes des Chroniques des samedis assurent davantage la cohésion professionnelle au sein du groupe, principalement composé d’écrivains. Il est cependant vrai que Alain Viala était déjà arrivé à des résultats similaires dans son ouvrage La naissance de l’écrivain (1985). Stephanie Bung conclut par une nouvelle remise en question du concept de ‚salon‘ au singulier, optant pour une utilisation des noms des différents cercles, ce qui permettrait ainsi de comprendre la relation complexe entre pratiques littéraires et sociales qui caractérise chaque cas. Le mérite principal de cette étude est sans doute l’analyse très poussée de documents pour la plupart manuscrits, jusqu’ici majoritairement négligés par la recherche, ainsi que la relativisation d’un paradigme de recherche peu contourné qui fait sans doute l’unanimité des chercheurs à l’heure actuelle. Or, le fait d’insister sur l’interaction entre pratiques littéraires et sociales, constituant des jeux de sociabilité qui construisent ainsi des espaces sociaux, nous paraît particulièrement bénéfique en vue de l’analyse du champ littéraire du XVII e siècle. De même, l’appendice contenant la transcription du manuscrit de La Guirlande de Julie est d’une grande utilité pour de futures recherches. Nous n’avons qu’à déplorer le fait que l’ouvrage ait été rédigé en langue allemande et soit donc accessible seulement à un lectorat restreint. Rotraud von Kulessa (Augsburg) ------------------