eJournals lendemains 36/141

lendemains
0170-3803
2941-0843
Narr Verlag Tübingen
Es handelt sich um einen Open-Access-Artikel der unter den Bedingungen der Lizenz CC by 4.0 veröffentlicht wurde.http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/
2011
36141

A propos de Henri Barbusse

2011
Horst F. Müller
ldm361410128
14: 06: 19 128 Arts & Lettres Horst F. Müller A propos de Henri Barbusse. Quelques remarques de philologie barbussiste Déplorable situation bibliographique Au cours de mes travaux sur Barbusse, je ne pouvais pas me défendre contre l’impression que cet auteur ne fut pas très estimé parmi le patrimoine national français. Certes, à l’occasion de son 100 e anniversaire, en 1973, on organisa un grand colloque solennel à son honneur et par là, on réintégra, pour ainsi dire, Barbusse dans l’ensemble de la littérature nationale. Mais une grande fête, même garnie d’intéressantes contributions consacrées à l’homme et à l’œuvre, ne fut pas susceptible de compenser les lacunes du passé. En dépit des travaux de Jean Relinger, commencés dans les années 60, sous la direction de Roger Fayolle, l’exploration systématique de nouvelles sourcesbien qu’à portée de la main dans les bibliothèques de France laissa à désirer. Nous ne voulons pas parler de recherches dans les archives soviétiques qui auraient peutêtre permis de substituer quelques conjectures politiques par des faits. La situation bibliographique, au moins en France, sur Barbusse offre une image déplorable. L’Association Henri Barbusse, liée avec l’A.R.A.C., offre sur son Web-Site deux titres de petites bibliographies épuisés depuis 1920! celle de Henri Hertz et de Paul Desanges, ici nommé Desgranges (sic! ) On ignore ma biobibliographie de 2003 1 qui, en France, n’a pas suscité aucun compte-rendu. Bel et bon, on n’aime que des ouvrages autochtones, mais ce qui est pire: Pour les pèlerinages à Aumont trop d’appareil philologique paraît évidemment trop encombrant. Les travaux de Jean Relinger, commencés au temps de la fameuse théorie du réalisme socialiste, montrent un penchant pour le réalisme au sens de „reflet de la réalité“ et par là pour son caractère documentaire. A l’en croire, le Feu serait en grande partie un reportage! Ma méthodologie à moi, va dans l’autre sens: La guerre ne m’intéresse que comme sujet d’un grand événement historique, esthétiquement indispensable pour la grande épopée de la Grande Guerre qu’est le Feu. Son caractère de l’œuvre d’art, prétendu, mais non pas démontré suffisamment par Relinger, j’ai essayé de le mettre au jour par la vue sur l’intertextualité et l’usage de la polysémie par Barbusse. 2 Le scandale des éditions Paraf La situation des éditions des œuvres de Barbusse laisse à désirer. Il n’y a point d’édition critique, ni de L’Enfer, ni même du Feu. 129 Arts & Lettres C’est le mérite douteux de Pierre Paraf d’avoir fait rééditer L’Enfer chez Albin Michel en 1985 et 1991. L’édition de 1991 dans la Bibliothèque Albin Michel à 285 (+1) p. indique sur p. 6: Première édition Editions Albin Michel 1908. Mais regardons de près! Comparons la fin de 1908 avec la fin de celle de 1991: Barbusse: L’Enfer, Edition de 1908: Henri Barbusse: L’Enfer. La Librairie mondiale sans date. Bibliothèque Nationale Z. Barrès 15639 Avec dédicace manuscrite: A Maurice Barrès, son admirateur. Exemplaire coupé jusqu’à page 202: p. 412/ 413 *** Mais j’ai fini. Je suis étendu, et puisque j’ai cessé de voir, mes pauvres yeux se ferment comme une blessure guérissante, mes pauvres yeux se cicatrisent. Et je cherche pour moi un apaisement. Moi! le dernier cri comme le premier. Moi, je n’ai qu’un recours: me souvenir et croire. Entretenir de toutes mes forces dans ma mémoire la tragédie de cette / chambre. Croire qu’en face du cœur humain fait d’impérissable désir, il n’y a que le mirage de ce qu’il désire; il n’y a qu’un mot, le mot immense qui dégage notre solitude et dénude notre rayonnement; le mot qui semble du néant et du blasphème, mais qui est de la réalisation et de la divinisation: Rien. FIN Barbusse: L’Enfer, Edition de 1991 *** p. [286] Mais j’ai fini. Je suis étendu, et puisque j’ai cessé de voir, mes pauvres yeux se ferment comme une blessure guérissante, mes pauvres yeux se cicatrisent. Et je cherche pour moi un apaisement. Moi! le dernier cri comme le premier. Moi, je n’ai qu’un recours: me souvenir et croire. Entretenir de toutes mes forces dans ma mémoire la tragédie de cette chambre, à cause de la vaste et difficile consolation dont a résonné parfois le fond de l’abîme. Je crois qu’en face du cœur humain et de la raison humaine, faits d’impérissables appels, il n’y a que le mirage de ce qu’ils appellent. Je crois qu’autour de nous, il n’y a de toutes parts qu’un mot, ce mot immense qui dégage notre solitude et dénude notre rayonnement: Rien. Je crois que cela ne signifie pas notre néant ni notre malheur, mais, au contraire, notre réalisation et notre divinisation, puisque tout est en nous. FIN A partir de 1917 existe une édition définitive de L’Enfer, et comme on voit, dans l’édition de 1991, la fin correspond à celle de cette édition définitive et non à la pre- 130 Arts & Lettres mière édition comme indiqué. - Pourquoi cette tromperie du lecteur? Tout simplement pour mieux cacher quelques modifications comme p. ex. celle, susceptible à donner à l’auteur posthume un air plus marxiste qu’il n’avait pas: Edition de 1919, p. 173: L’esprit de tradition infecte l’humanité; et le nom des deux manifestations affreuses, c’est… l’héritage et la patrie. Edition Paraf de 1991, p. 172: L’esprit de tradition infecte l’humanité; et le nom de deux de ses manifestations affreuses, c’est … la propriété et la patrie, Un peu plus loin 1919, p. 173: on a raison d’attaquer par tous les moyens utiles - tous! - le principe de l’héritage et le culte de la patrie. Edition Paraf de 1991, p.172: on a raison d’attaquer par tous les moyens utiles - tous! - le principe de la richesse individuelle et le culte de la patrie. D’autre part, on remarque l’essai de reconstitution de la première édition par l’omission d’un passage qui semble être une interpolation de 1917: Edition de 1919, p. 175: L’amour qu’on a pour son pays serait bon et louable s’il ne dégénérait pas, comme nous le voyons partout, en vanité, en esprit de prédominance et d’accaparement, en haine, en envie, en nationalisme, en militarisme, en course à l’abîme. Edition Paraf de 1991, p. 174 --- Pourquoi n’a-t-on pas pris le texte du vivant de l’auteur? Pourquoi ces „améliorations“ et avec quel droit? Une maison d’édition sérieuse n’aurait-elle pas le droit d’interdire de telles choses? Le monde doit à Pierre Paraf encore une réédition du roman Clarté de Barbusse, parue chez Flammarion, en 1978. Ici aucune indication sur la base de texte! Regardons la fin de l’édition de 1919: [p. 290] - J’étais comme une statue à cause de l’oubli et du regret. Tu m’as animée; tu m’as changée en femme. „Je m’étais tournée vers l’église. On ne croit guère en Dieu tant qu’on n’en a pas besoin. Quand tout vous manque, on sait bien y croire. Mais maintenant, je ne veux plus.“ Ainsi parle Marie … il n’y a que les idolâtres et les faibles qui ont besoin de l’illusion comme d’un remède. Les autres n’ont besoin que de voir et de parler. Elle sourit, vague comme un ange, flottant dans la pureté du soir entre la lumière et la profondeur. Je suis si près d’elle qu’il me faut m’agenouiller pour être plus près. J’embrasse sa figure mouillée et sa tendre bouche, en tenant sa main entre mes deux mains jointes. Si, il y a une divinité, dont il ne faut jamais se détourner pour guider l’immense vie intérieure, et aussi la part qu’on a dans la vie de tous: la vérité. Septembre 1918. 131 Arts & Lettres Edition Paraf de 1978 [p. 312] - J’étais comme une statue à cause de l’oubli et du regret. Tu m’as animée; tu m’as changée en femme. „Je m’étais tournée vers l’église. On ne croit guère en Dieu tant qu’on n’en a pas besoin. Quand tout vous manque, on sait bien y croire. Mais maintenant, je ne veux plus.“ Ainsi parle Marie … il n’y a que les idolâtres et les faibles qui ont besoin de l’illusion comme d’un remède. Les autres n’ont besoin que de voir et de parler. Elle sourit, vague comme un ange flottant dans la pureté du soir entre la lumière et la profondeur. Je suis si près d’elle qu’il me faut m’agenouiller pour être plus près. J’embrasse sa figure mouillée et sa tendre bouche, en tenant sa main entre mes deux mains jointes. Septembre 1918. Edition de 1919, p. 244 : On aperçoit dans le commencement de l’humanité le commencement de son mal. La racine de l’abus, c’est l’héritage. Edition Paraf de 1978, p. 267: On aperçoit dans le commencement de l’humanité le commencement de son mal. Le symbole de l’abus, c’est l’héritage. Dans les éditions Paraf, il y en a une série d’autres „améliorations d’outre tombe“ à découvrir. Cette pratique de l’édition nous paraît monstrueuse. Et il faut crier au scandale. Le feu M. Barbusse s’est-il doublé d’un Monsieur Paraf pour faire d’outre tombe des améliorations dans ses textes? - je crois, pour les chercheurs sur Barbusse il est opportun d’ignorer les éditions Paraf et de s’en tenir à celles du vivant de l’auteur. 1 Horst F. Müller: Henri Barbusse 1873-1935. Bio-bibliographie. Die Werke von und über Barbusse mit besonderer Berücksichtigung der Rezeption in Deutschland. Weimar: VDG. Verlag und Datenbank für Geisteswissenschaften, 2003, 499 S. ISBN 3-89739-323-9 2 Horst F. Müller: Studien und Miszellen zu Henri Barbusse und seiner Rezeption in Deutschland. Frankfurt/ Main: Peter Lang, Internationaler Verlag der Wissenschaften, 2010, 287 S. ISBN 978-3-631- 5987-0